2016-12-16 |
Place à la formation |
par Li Xiaoyu | VOL. 8 Décembre 2016 |
Mots-clés: coopération sino-kényan |
En 2014, quand Paul Mbutu Warutere travaille dans une ferme de thé en banlieue de Nairobi, le jeune Kényan ne s'attend pas à faire ses études de master en mécanique et automatique dans l'une des universités les plus prestigieuses de Chine un an plus tard. Pourtant, c'est ce qui l'attend lorsqu'il décide de participer à un concours africain de compétences techniques, l'ATC (Africa Tech Challenge). Cette compétition unique permet aux candidats de suivre une formation technique et professionnelle intensive de deux mois. À l'issue de cette formation, et sans expérience préalable, Warutere parvient à façonner indépendamment des pièces mécaniques complexes à l'aide de machines-outils. Cet exploit lui permet de remporter la deuxième place de l'ATC, et d'obtenir une bourse d'études pour l'Université d'aéronautique et d'astronautique de Beijing. La troisième édition de ce concours ayant pris fin en octobre 2016, les nouveaux lauréats rejoindront bientôt Warutere à Beijing. Comme lui, ils bénéficieront de la coopération sino-kényane sur l'enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP), incarnée par l'ATC.
L'histoire de ce concours d'un nouveau genre commence en 2010, quand AVIC International, une entreprise publique chinoise spécialisée dans la construction aéronautique, et le ministère kényan de l'Éducation, de la Science et de la Technologie (MEST) concluent un accord d'une valeur de 23 millions de dollars. La société chinoise s'engage alors à assurer la mise à niveau et la modernisation des installations mécaniques et électrotechniques, ainsi que l'EFTP, dans dix établissements d'enseignement technique et professionnel du Kenya. Bénéficiaire des prêts préférentiels accordés par le gouvernement chinois via la Banque d'import-export de Chine, ce projet de coopération est officiellement mis en œuvre début 2011.
« Peu après le lancement du projet, nous nous sommes aperçus que nos équipements, aussi modernes soient-ils, n'avaient pas été efficacement utilisés. Par ailleurs, l'EFTP au Kenya ne répondait pas vraiment aux besoins réels de l'industrie locale », explique à CHINAFRIQUE Qi Lin, ancien gestionnaire de projet chez AVIC International. Un point de vue que confirme une enquête portant sur le climat des investissements au Kenya – menée par la fondation Sino-Africa Centre of Excellences (SACE), un think-tank basé à Nairobi visant à faciliter le commerce et les investissements entre la Chine et l'Afrique. Au Kenya, l'EFTP accorde une attention excessive à la théorie, avec seulement 20 % des cours consacrés aux exercices pratiques. Conséquence : les étudiants n'ont pas les compétences requises pour travailler dans les entreprises locales.
« Made in Africa »
C'est pour faire face à ce problème qu'AVIC International, en collaboration avec le MEST, lance en juin 2014 la première édition de l'ATC, visant à améliorer le savoir-faire de la main-d'œuvre kényane, notamment chez les jeunes. Portant, entre autres, sur l'usinage des pièces mécaniques, ce concours a pour principale caractéristique de fournir une formation intensive en préparation à la compétition. Les 238 candidats ayant participé aux deux premières éditions de l'ATC étaient issus de 87 établissements d'enseignement kényans. Mais cette année, la participation d'étudiants ghanéens, ougandais et zambiens permet au concours de devenir véritablement africain.
« Au début, la plupart des participants n'avaient aucune idée de comment façonner avec une machine-outil et étaient incapables de réaliser indépendamment l'usinage des pièces mécaniques », raconte Zhao Leilei, gestionnaire de projet chez AVIC International. « Mais au bout de deux mois, après une formation intensive, ils atteignent presque le niveau des mécaniciens chinois moyens. En d'autres termes, ils peuvent directement s'insérer dans une entreprise, sans avoir à suivre une autre formation. » C'est le cas de Joseph Nyakundi, candidat à la deuxième édition de l'ATC. En seulement deux mois, il passe de technicien de surface à mécanicien. « L'ATC m'a permis de trouver un emploi idéal, et les compétences que j'ai acquises pourront m'être utiles dans toute entreprise qui m'embauchera », affirme le jeune homme.
Les meilleurs candidats peuvent obtenir des récompenses monétaires, des offres de stage et d'emploi, ainsi que des bourses d'études pour poursuivre leur cursus en Chine. Par ailleurs, les universités gagnantes peuvent se voir décerner une commande d'un montant de 100 000 dollars pour la fabrication de pièces de rechange exportées vers la Chine. Cette récompense symbolique véhicule un message important : l'intérêt d'exporter du « Made in Africa » en Chine. « Nous projetons de faire du 'Made in Africa' un concept tout neuf pour inspirer aux entreprises kényanes une confiance dans la qualité de production des universités, et conduire ensuite à une coopération entre elles afin de tirer pleinement profit des équipements performants et du savoir-faire des universités locales », explique Qi Lin à CHINAFRIQUE.
Nouveau modèle de RSE
Selon l'enquête de la fondation SACE auprès de 75 entreprises chinoises installées au Kenya, dans l'ensemble, celles-ci assument leur responsabilité sociétale des entreprises (RSE) d'une manière relativement passive et manquent d'esprit d'initiative. Si des sociétés chinoises prennent part à certaines activités caritatives, elles n'intègrent pas la RSE dans leur stratégie de développement ou dans celle du développement socio-économique des pays africains. « Le projet de coopération sino-kényan sur l'EFTP s'efforce de mettre en place un nouveau modèle de RSE pour les entreprises chinoises implantées à l'étranger », affirme Qi Lin. « L'une de ses nouveautés consiste à tenter de répondre aux préoccupations majeures, tant pour la société kényane que pour le développement durable d'AVIC International, à savoir le problème du chômage et le manque de main-d'œuvre qualifiée. »
La coopération sino-kényane permet en effet de s'attaquer, d'une part, au problème du chômage, de plus en plus grave dans la société kényane, avec un taux de 60 % chez les jeunes. D'autre part, le projet sino-kényan permet de répondre à la forte demande de main-d'œuvre qualifiée des entreprises chinoises. En effet, les problèmes de coût, de langue et les différences culturelles rendent indispensable la localisation des emplois à tous les niveaux. À l'occasion de la cérémonie de clôture de la troisième édition de l'ATC, le vice-Président kényan William Ruto a félicité AVIC International pour sa RSE, visible dans ses projets visant à améliorer les compétences techniques des étudiants africains.
Pour Warutere, l'ATC n'est que le point de départ pour une nouvelle carrière. De même, la coopération sino-kényane sur l'EFTP ne fait que commencer. En mars 2016, Wu Guangquan, PDG d'AVIC International, a annoncé que son groupe mettrait en place 135 centres de formation technique dans 47 comtés du Kenya, pour former plus de 50 000 étudiants par an. Le projet débutera en tant que projet pilote au Kenya et sera par la suite étendu à d'autres pays d'Afrique. Pour le moment, l'entreprise a conclu des contrats ou accords d'intention avec 13 pays du continent.
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