Les élèves du Lycée N.1 de la ville de Shahe, dans la province du Hebei, montrent leur soutien à la lutte contre le sida

Si la plupart des écolières ont des secrets, ceux de Xiao Ping (nom d'emprunt) sont un peu différents. Tous les jours, sans faute, elle trouve un coin tranquille pour prendre ses médicaments. Elle est séropositive et doit prendre un traitement antirétroviral à vie. « Mes amis proches jouent toujours avec moi, mais certains camarades de classe et villageois m'évitent. La discrimination [contre les personnes atteintes du sida] est encore profondément ancrée dans les esprits de beaucoup de gens ici », raconte la jeune fille de 12 ans qui habite dans un village isolé du comté de Yingjiang, de la préfecture autonome Dai et Jingpo de Dehong dans la province du Yunnan, au sud-ouest de la Chine.

« Il y a trois ans, j'ai appris que ma mère m'avait transmis le virus, dont elle est décédée », se souvient-elle. « À l'époque, je ne savais rien sur le sida. Mais j'ai reçu le traitement à temps et j'ai depuis beaucoup appris sur le VIH grâce à mon médecin et à mes enseignants. » La famille de Ping n'est pas la seule à être touchée par la maladie dans ce village proche de la frontière avec le Myanmar. Il est difficile d'imaginer qu'un si bel endroit soit confronté à la dure réalité de l'abus de drogues et du sida. Pourtant, la préfecture de Dehong a été identifiée comme une zone à haut risque pour le VIH dans le Yunnan.

L'importance de l'éducation

Pour faire face à ce problème, Yingjiang, un comté de la préfecture, a introduit des classes d'éducation sexuelle et de prévention du VIH dans six écoles en 2012. Depuis, ces classes ont été étendues à 200 écoles primaires et secondaires à travers le pays. Ces classes sont subventionnées par le Projet d'éducation et de prévention du sida pour les jeunes chinois (PEPSJC), une organisation à but non lucratif. Le projet propose des activités éducatives dans les écoles, s'aidant de livres, vidéos et cours, tout en explorant d'autres méthodes de prévention pour sensibiliser les jeunes aux risques du sida et à l'importance des rapports protégés. « Il est essentiel d'aider les élèves et leurs parents à comprendre comment le sida se transmet et comment se protéger », affirme Yang Chunyan, chef du poste de travail du PEPSJC à Yingjiang. « Mais le plus important est de combattre la discrimination à l'égard les personnes séropositives. »

Nie Yongxian est parmi les premières enseignantes de Yingjiang à avoir reçu une formation d'éducation sexuelle et de prévention du sida. « Les élèves ont un besoin urgent de connaître les dangers du VIH et d'apprendre à prendre des précautions contre la maladie », affirme l'enseignante de l'École secondaire N.3 de Yingjiang. Selon elle, puisque la région fait face à un grave problème de drogues et une possible épidémie de VIH, « il est également important de prévenir les élèves face aux dangers de la drogue, en particulier les nouvelles drogues, et les pousser à faire très attention ». L'éducation sexuelle commence à partir de la première année du primaire, où il s'agit principalement de classes d'hygiène. En deuxième année, les élèves en apprennent davantage sur la maturité sexuelle, mais aussi les relations et le mariage, explique Nie. « Je pense qu'il est urgent et nécessaire de leur en dire plus sur la grossesse et la contraception », ajoute-t-elle. Pour la jeune Luo Tong, ces classes sont fascinantes : « On m'a appris à éviter les grossesses involontaires et à me protéger contre le harcèlement sexuel », raconte-t-elle à CHINAFRIQUE. « [Les cours] évoquent des sujets liés à la puberté, que mes parents sont trop timides pour aborder. »

Le travail de Nie va bien au-delà des salles de classe. Elle donne également des conférences sur la prévention et le contrôle du VIH et initie les villageois à l'éducation sexuelle. Guo Dinglian, mère de trois enfants, assiste aux conférences trois fois par mois. « Nous avons connu des cas d'infection parmi des toxicomanes dans notre entourage. Ma priorité est donc de protéger ma famille et d'éduquer mes enfants. » Grâce au précieux soutien psychologique offert par les cours, Xiao Ping est en mesure de mieux comprendre sa maladie et gère mieux ses émotions négatives. Quand ils jouent avec elle, ses amis n'évoquent jamais le virus.

Groupes à risque

L'éducation sexuelle est au cœur de la prévention et du contrôle du sida, assure Zhang Yinjun, co-fondatrice et directrice du PEPSJC. « L'éducation sexuelle ne reçoit ni l'attention ni les ressources nécessaires, puisque traditionnellement le sexe est un sujet tabou en Chine », regrette Zhang. « On n'est pas censés en parler ouvertement, encore moins avec les enfants. » Zhang est passionnée par son travail. Quand elle lance le projet, beaucoup pensent qu'elle est folle d'évoquer ces sujets tabous. Pourtant, elle persévère : « Ma seule certitude est que ce que je fais est juste. » Zhang constate avec inquiétude la hausse du VIH chez les jeunes en Chine. Les statistiques du Centre chinois pour le contrôle et la prévention des maladies (CCCPM) montrent que les contagions chez les personnes entre 15 et 24 ans ont augmenté en moyenne de 14 % annuellement de 2011 à 2015. Les adolescents – qui deviennent sexuellement actifs à cet âge-là et sont tentés par les drogues – sont le nouveau groupe à risque. Selon Zhang, il est important que les parents participent à cette mission de sensibilisation.

En octobre 2015, la Chine recensait un total de 575 000 cas de séropositivité. Selon le CCCPM, le nombre de personnes vivant avec le VIH en Chine pourrait représenter 0,06 % de la population nationale. Dans les 10 premiers mois de l'année dernière, le nombre estimé de nouvelles infections en Chine, dans la tranche 15-24 ans, dépassait les 14 000. À peu près 82 % des cas résultaient de relations homosexuelles. Selon ces données, les relations sexuelles sont la principale cause d'infection, devançant les cas de contamination par consommation de drogues ou par transfusion sanguine. Zhang Liming, directeur adjoint de l'Agence pour l'éducation de Yingjiang, affirme qu'une série de mesures ont été mises en œuvre pour améliorer la prévention du VIH et l'éducation sexuelle dans les écoles locales. Par ailleurs, les écoles concluent des partenariats avec les ONG pour former davantage d'enseignants à cet effet. Pour Gou Ping, professeur de psychologie à l'Université de Chengdu, dans la province du Sichuan, l'éducation sexuelle est vitale : « Il est crucial de comprendre l'importance des pratiques sexuelles protégées dès le plus jeune âge. Grâce à une éducation sexuelle complète, les jeunes apprendront comment se protéger eux-mêmes et leurs partenaires lors des rapports sexuels. Le plan de prévention du VIH pourra alors réellement être mis en place. »

Un exemple à suivre

Ces dix dernières années, le PEPSJC s'est efforcé d'introduire des méthodes de prévention du sida et des classes d'éducation sexuelle dans les programmes scolaires du pays, du jardin d'enfants aux universités. Depuis son lancement en 2006, le projet a subventionné 681 classes dédiées à cette mission à l'échelle nationale. L'association compte désormais onze bureaux dans le pays et neuf succursales affiliées, qui offrent formations professionnelles, manuels scolaires et soutiennent les activités d'enseignement et de recherche.

Chen Zhongdan, conseiller de l'Onusida (Programme commun des Nations Unies pour le VIH), vante les mérites du PEPSJC : « Nous prévoyons d'étendre les activités du PEPSJC au reste du pays et dans d'autres pays, puisque le travail à Yingjiang s'est avéré très efficace. » Zhang Yinjun a d'autres projets. « Je souhaite mieux utiliser les ressources nationales et internationales pour faire de la prévention du sida et de l'éducation sexuelle un programme de la sécurité sociale accessible à tous, et enfin atteindre l'objectif 'zéro sida' », conclut la directrice du PEPSJC.

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