La Chine, acteur clé pour l’Afrique dans sa voie vers l’industrialisation 

Une candidate participe à la huitième édition du Défi technologique de l’Afrique, tenue sous le thème du rôle de l’ingénierie dans la promotion de l’industrialisation en Afrique, à Nairobi, au Kenya, le 28 août 2023. (XINHUA)

L’Afrique, en pleine phase d’industrialisation, trouve dans les parcs industriels et les zones de libre-échange établis par la Chine un levier essentiel pour son développement industriel et la création d’emplois. Tirant parti de l’expérience réussie de la Chine, l’Afrique avance dans son processus d’industrialisation avec des perspectives prometteuses.

La manière dont la Chine et les nations africaines peuvent renforcer leur collaboration dans le domaine industriel, ainsi que les défis entravant cette coopération et le processus d’industrialisation en Afrique ont été au cœur des discussions lors d’une réunion à Beijing le 19 décembre 2023. Cette rencontre marquait le 15e anniversaire du Forum industriel Chine-Afrique (CAIF), une organisation facilitant la coopération et les échanges sino-africains.

Les participants ont souligné que, malgré les défis de la coopération économique sino-africaine en 2024, celle-ci demeure riche en opportunités. À l’avenir, les deux parties devraient capitaliser sur la nouvelle tendance du développement industriel pour élargir la chaîne industrielle locale de l’Afrique et promouvoir son processus d’industrialisation.

Cartographie de l’industrialisation 
en Afrique

L’industrialisation est cruciale pour le développement inclusif et durable de l’Afrique, jouant un rôle majeur dans la création d’emplois, la réduction de la pauvreté et l’amélioration des conditions de vie. La Chine, reconnaissant les intérêts mutuels avec les nations africaines, a constamment appuyé l’industrialisation et l’intégration économique de l’Afrique. L’initiative « la Ceinture et la Route » (ICR) cible spécifiquement la capacité industrielle comme domaine clé de coopération bénéfique pour les deux parties. De même, le Forum sur la Coopération sino-africaine (FCSA) met l’accent sur l’industrialisation et la collaboration industrielle dans ses plans d’action.

Avec ses ressources naturelles et ses perspectives d’intégration dans la chaîne de valeur mondiale, l’Afrique possède un énorme potentiel d’industrialisation. Au XXIe siècle, le continent a posé les fondations d’une nouvelle ère d’industrialisation grâce à des initiatives comme le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (2001), le Plan d’action pour le développement industriel accéléré de l’Afrique (2007) et l’Agenda 2063 (2015).

Cependant, selon Tang Xiaoyang, directeur du Département des relations internationales de l’Université Tsinghua, le continent doit relever des défis tels que le manque de diversification économique, une infrastructure limitée et une capacité humaine insuffisante.

« La Chine a trouvé un chemin efficace vers l’industrialisation par son exploration, avec une compréhension différente des pays occidentaux », a fait part M. Tang. La Chine adopte une attitude ouverte et pragmatique sur la manière d’atteindre des objectifs de transformation dans des conditions nationales diverses et uniques, encourageant les partenaires africains à explorer indépendamment leur propre voie, insistant sur le fait que chaque pays poursuive sa propre voie de développement.

M. Tang a identifié trois axes clés de la coopération de la capacité industrielle de la Chine avec les pays africains : la construction de parcs industriels, la synergie entre la construction d’infrastructures et l’investissement industriel, et l’investissement chinois dans la production répondant aux besoins locaux. Cette stratégie favorise le développement local et stimule l’industrialisation.

Cheng Zhigang, secrétaire général du CAIF, anticipe une hausse significative des échanges commerciaux sino-africains en 2024, atteignant potentiellement 300 milliards de dollars. « Un nombre croissant de plateformes de commerce électronique et d’entreprises d’exportation planifient des systèmes logistiques à l’étranger en y construisant des entrepôts. De plus, les parcs industriels sino-africains continueront de se développer de manière stable en 2024, atteignant un pic de présence des entreprises », a-t-il partagé avec CHINAFRIQUE.

En août 2023, le Président chinois Xi Jinping a annoncé que la Chine lancerait l’Initiative pour le soutien à l’industrialisation de l’Afrique, visant à optimiser l’utilisation des ressources chinoises pour renforcer la coopération avec l’Afrique. Cette initiative prévoit d’accroître l’assistance, les investissements et le financement dans les projets d’industrialisation en lien avec les neuf programmes du FCSA, l’ICR et l’Initiative pour le développement mondial.

La Zone de coopération économique et commerciale sinoégyptienne TEDA, le 23 mai 2023. (XINHUA)

Défis et opportunités

Lors de la réunion, Rahamtalla Mohamed Osman, représentant permanent de l’Union africaine en Chine, a souligné les défis mondiaux actuels tels que les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement et l’insécurité alimentaire et énergétique. Il a exprimé la conviction que l’Afrique possédait un énorme potentiel de développement économique.

M. Osman a prédit une croissance économique de 3,2 % en Afrique en 2024, soulignant la forte demande intérieure comme moteur de croissance et opportunité pour les entreprises chinoises. Selon lui, la Chine est prête à travailler avec l’Afrique pour relever les défis, et quant aux pays africains, ils ouvriront leurs portes aux entreprises chinoises pour la coopération et l’investissement.

Allan Chintedza, ambassadeur du Malawi en Chine, a reconnu les défis logistiques de son pays, dus à sa position enclavée. Cependant, il reste optimiste grâce aux projets d’infrastructure de l’ICR, qui devraient réduire les coûts de transport et améliorer l’efficacité commerciale. Le Malawi s’engage à favoriser l’intégration économique régionale, créant un environnement propice aux investissements chinois.

Mohammed Hassanali, conseiller économique à l’ambassade du Soudan en Chine, a souligné la détermination commune de la Chine et des pays africains à surmonter les défis dans leur collaboration. Lors d’un entretien avec CHINAFRIQUE, il a relevé que l’Initiative pour le soutien à l’industrialisation de l’Afrique, présentée lors du Dialogue des dirigeants Chine-Afrique en août 2023 en Afrique du Sud, promet de renforcer le partage de connaissances et le transfert de technologie vers l’Afrique. Cette initiative envisage également d’optimiser les facilités commerciales avec l’Afrique, offrant ainsi d’excellentes opportunités pour une coopération sino-africaine plus approfondie dans le domaine de l’industrialisation.

He Wenping, chercheuse à l’Institut des études ouest-asiatiques et africaines de l’Académie des sciences sociales de Chine, a identifié trois défis majeurs pour le développement en Afrique : des infrastructures dépassées, un financement insuffisant et une pénurie de compétences. Néanmoins, elle a mis en avant que la coopération sino-africaine s’attaquerait activement à ces problématiques, favorisant ainsi un développement économique inclusif.

« Le développement économique apporte toujours des opportunités et des défis. Dans la nouvelle ère, la coopération sino-africaine est la seule voie pour les deux parties d’atteindre un développement commun. Elle est bénéfique pour les pays africains de faire face aux trois principaux obstacles et d’améliorer leur capacité de remboursement de la dette », a-t-elle poursuivi.

Discussion de la coopération économique et commerciale sinoafricaine lors d’une session du Forum industriel Chine- Afrique à Beijing, le 19 décembre 2023. (COURTOISIE)

Ouvrir les portes

Au cours de la dernière décennie, la coopération économique et commerciale entre la Chine et l’Afrique a porté ses fruits. La Chine se maintient en tant que principal partenaire commercial de l’Afrique, se positionnant également comme le quatrième plus grand investisseur et un acteur majeur dans le domaine des infrastructures.

D’après le ministère chinois du Commerce, plus de 3 000 entreprises chinoises investissent actuellement en Afrique. À fin juin 2023, les 25 parcs industriels financés par la Chine en Afrique et répertoriés dans la base de données du ministère ont attiré plus de 620 entreprises. Ces parcs ont bénéficié d’un investissement total de 7,35 milliards de dollars, générant 42 000 emplois locaux et contribuant à hauteur de 1,48 milliard de dollars en impôts. Ces initiatives ont joué un rôle crucial dans l’industrialisation du continent et l’amélioration des conditions de vie, stimulant ainsi le développement économique inclusif en Afrique.

Du côté africain, il existe un intérêt marqué pour attirer davantage d’investissements chinois afin de soutenir l’élan d’industrialisation. Baudelaire Ndong Ella, ambassadeur du Gabon en Chine, encourage vivement la coopération avec les entreprises chinoises pour développer l’industrie de transformation au Gabon. « La Chine et le Gabon entretiennent une amitié traditionnelle profonde. Le Gabon encourage les entreprises locales à renforcer leur coopération avec les entreprises chinoises », a-t-il souligné. Le pays offre des avantages fiscaux aux entreprises étrangères investissant dans l’industrie, l’exploitation minière, l’agriculture et la foresterie, espérant ainsi attirer davantage d’entreprises chinoises à investir au Gabon.

Ahmed Zaki, ministre plénipotentiaire de l’ambassade d’Égypte en Chine, met en avant le programme ambitieux de réforme économique égyptien, y compris la stratégie de développement économique 2030, visant une croissance substantielle du PIB. L’Égypte prévoit d’adopter des politiques économiques solides et de fournir des incitations et garanties pour attirer les investisseurs étrangers.

L’année dernière, la Zone de coopération économique et commerciale sino-égyptienne TEDA a célébré son 15e anniversaire en dévoilant son plan stratégique Vision 2030. Sous les efforts conjoints des deux pays, la zone TEDA s’est imposée comme un projet modèle dans la Zone économique du canal de Suez et en Égypte.

« À fin juin 2023, 150 entreprises chinoises ont établi des projets d’investissement dans la zone TEDA, avec un investissement total de plus de 1,65 milliard de dollars », a indiqué M. Zaki. La zone est actuellement le parc industriel en Égypte offrant le meilleur environnement commercial global, abritant la plus grande concentration d’entreprises financées par la Chine.

Le Rwanda, participant à l’Exposition internationale des importations de Chine et à l’Exposition économique et commerciale sino-africaine, a vu ses produits spécialisés, comme le café, le thé, le piment et le miel, gagner en popularité auprès des consommateurs chinois. « Le gouvernement rwandais promeut activement plus de produits de haute qualité sur le marché chinois. Le Rwanda attache une grande importance à la coopération économique et commerciale globale avec la Chine, notamment dans le domaine du commerce numérique. Je crois qu’à l’avenir, les entreprises rwandaises établiront des liens avec plus de partenaires chinois, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives dans le commerce », a fait part Samuel Abikunda, conseiller commercial à l’ambassade du Rwanda en Chine, à CHINAFRIQUE.