2023-05-06 |
Protéger les espèces menacées |
VOL. 15 MAI 2023 par Hu Fan · 2023-05-06 |
Mots-clés: Yangtsé ; esturgeons chinois ; CTG |
Le relâchement d’esturgeons chinois pour soutenir la biodiversité du fleuve Yangtsé.
Des étudiants relâchent des esturgeons chinois via des bassins préliminaires directement reliés au fleuve Yangtsé à Yichang, dans la province du Hubei, le 25 mars. (HU FAN)
Le matin du 25 mars, environ 100 000 esturgeons chinois élevés en captivité ont été relâchés par des volontaires le long des rives du fleuve Yangtsé à Yichang, située dans la province du Hubei. Cette initiative a été mise en place par la société China Three Gorges Corporation (CTG) dans le but de favoriser la préservation de la biodiversité aquatique.
Les esturgeons nageront en direction de l’embouchure du fleuve Yangtsé avant de rejoindre l’océan. Une fois parvenus à maturité sexuelle, au bout de 10 à 15 ans, ils reviendront dans le fleuve pour se reproduire. Cette espèce, présente sur Terre depuis 140 millions d’années, est désormais gravement menacée par diverses activités humaines, telles que la construction de barrages hydroélectriques, la surpêche et le trafic fluvial intense.
Spécialisée dans l’énergie hydroélectrique sur le fleuve Yangtsé, la CTG s’est engagée dans la protection de l’environnement en faisant de la préservation des espèces endémiques menacées, dont les esturgeons chinois, une de ses principales priorités. L’événement organisé le 25 mars a marqué le 68e lâcher d’esturgeons effectué par le groupe depuis 1984 et sera suivi d’une autre libération de 100 000 individus. Au total, près de 5,5 millions d’esturgeons chinois ont été relâchés dans la nature.
Une méthode scientifique
Ces esturgeons, relâchés après une période d’élevage allant de six mois à 14 ans, sont les descendants de la première génération obtenue par reproduction artificielle à partir d’œufs prélevés sur des esturgeons chinois sauvages. Cette avancée représente une prouesse technique dans le domaine de la reproduction artificielle, car elle évite la capture d’esturgeons vivants en milieu naturel, une espèce déjà rare.
La reproduction artificielle des espèces de poissons sauvages, comme l’esturgeon chinois, est pratiquée au Centre de recherche sur la biodiversité du fleuve Yangtsé, établi par la CTG en 1982 pour protéger la biodiversité dans le fleuve. Selon Yang Jing, chercheuse au centre, un système de protection complet du cycle de vie de l’esturgeon chinois a été mis en place, de la production d’alevins à la réintroduction dans leur milieu naturel.
D’après elle, la réintroduction de poissons issus de l’élevage artificiel dans le fleuve Yangtsé représente une mesure essentielle pour accroître la population d’esturgeons chinois en milieu naturel. En effet, cette espèce présente une faible capacité à se reproduire naturellement en raison de sa maturation sexuelle tardive et de la rareté des périodes de frai.
En 2019, le centre a accompli une avancée majeure en matière d’insémination et de reproduction artificielles, permettant ainsi de ne plus dépendre des poissons sauvages. Des progrès ont également été réalisés dans la reproduction en captivité, offrant des poissons de divers âges et tailles plutôt que de simples nouveau-nés, afin d’améliorer leurs chances de survie. L’eau du fleuve Yangtsé et la température de l’eau soigneusement régulée sont assurées pour reproduire fidèlement l’environnement naturel.
Afin d’évaluer les conditions de vie des esturgeons chinois dans leur environnement naturel, les chercheurs ont adopté diverses méthodes de suivi, dont l’utilisation de micro-étiquettes par satellite pour tracer leurs déplacements à travers le fleuve jusqu’à la mer. Les données recueillies révèlent que la proportion d’esturgeons réintroduits réussissant à atteindre l’océan a significativement augmenté ces dernières années, passant de 30-40 % initialement à 60-70 % actuellement.
Malgré cela, l’impact des mesures de préservation reste encore à déterminer. Cependant, Mme Yang est résolue à poursuivre ses efforts pour sauver cette espèce unique, dont la beauté et l’importance demeurent à explorer. « Si l’esturgeon chinois venait à disparaître, ce serait comme arracher une page non lue d’un livre », a-t-elle souligné.
Des chercheurs font des expériences au Centre de recherche sur la biodiversité du fleuve Yangtsé à Yichang, dans la province du Hubei, le 25 mars. (HU FAN)
Des efforts conjoints
Des individus de tous âges et de tous milieux ont pris part à l’événement, depuis les élèves d’école primaire jusqu’aux personnes âgées.
Qian Jiayue, étudiante à l’Université des Trois Gorges de Chine située à Yichang, faisait partie des bénévoles. Originaire de la région, elle était enchantée de contribuer à la réintroduction de cette espèce rare dans le fleuve Yangtsé. « L’événement revêt une importance cruciale pour la protection des esturgeons chinois et la biodiversité du fleuve », a-t-elle confié à CHINAFRIQUE. Elle a également exprimé sa satisfaction quant à l’amélioration de l’environnement le long du fleuve depuis la mise en place d’une interdiction de pêche décennale en 2020, une mesure majeure adoptée par la Chine pour préserver les eaux clés du fleuve.
La joie de Jiayue était partagée par son camarade de classe Wang Dongyun, initiateur d’une exposition artistique sur place, dont les peintures représentent diverses espèces de poissons vivant dans le fleuve. Étudiant en master d’art, il utilise ses talents pour contribuer à la protection de l’écologie locale. Il a réalisé une centaine de dessins représentant des espèces d’oiseaux menacées dans le bassin du fleuve Yangtsé et travaille actuellement sur un projet similaire sur les poissons. Dongyun espère que son travail aidera à découvrir d’autres espèces de poissons rares et à sensibiliser à l’importance de la protection de l’environnement.
Son expertise en peinture constitue un avantage précieux, qui lui permet d’acquérir des connaissances approfondies sur les espèces sauvages rares. Cette compétence lui vaut de nombreuses invitations dans des écoles primaires, où il saisit l’occasion de partager ses connaissances avec les enfants tout en les sensibilisant à l’importance de la protection de la biodiversité.
Installé à Yichang depuis une dizaine d’années, il est ravi d’assister aux progrès réalisés, notamment le retour des marsouins aptères, autrefois en voie d’extinction. Cette espèce s’est rétablie et on peut désormais les observer nager en groupe à la surface du fleuve.
Son observation est partagée par He Baobing, membre d’une patrouille en charge de la section Yichang du fleuve Yangtsé, chargée de veiller au respect strict de l’interdiction de la pêche. Selon lui, les efforts conjoints déployés depuis des années ont fait du fleuve un endroit sûr pour la faune et la flore. Il est satisfait de constater que la population locale soutient leur travail, en particulier la mesure la plus difficile à faire respecter : l’interdiction de la pêche à la ligne. Cette activité était autrefois un passe-temps populaire pour les habitants, mais aujourd’hui, plus personne ne la pratique le long du fleuve.
Ancien pêcheur, M. He a entamé sa nouvelle carrière en 2018, lorsque le gouvernement local a décidé d’interdire la pêche dans le fleuve. Bien que cela ait entraîné une baisse de ses revenus, il est satisfait de son travail, conscient de l’amélioration des conditions dans le fleuve. « Nous avons profité du fleuve Yangtsé, il est maintenant de notre devoir de le protéger », a-t-il soutenu.
Reportage de Yichang
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