2024-12-03 |
Harmonies pastorales |
VOL. 16 / DÉCEMBRE 2024 par OLADELE OLATUNDE · 2024-12-03 |
Mots-clés: méthodes pastorales ; Mongolie intérieure ; prairies nigérianes |
Oladele Olatunde
Imaginez-vous savourant une tasse de thé traditionnel de Mongolie intérieure, sa chaleur se diffusant dans votre âme alors que vous admirez les prairies luxuriantes à perte de vue. Sous un ciel azuré, chevaux, vaches et moutons évoluent librement dans ce tableau vivant de Hulun Buir, dans la région autonome de Mongolie intérieure, en Chine. Ce paysage, un véritable hymne à la beauté et à la gestion écologique exemplaire des prairies, m’a accueilli dans une quête de compréhension des interactions entre nature et activités humaines, avec l’espoir de tirer des enseignements applicables aux prairies et systèmes pastoraux du Nigeria.
Le Nigeria, avec ses 923 786 km², voit ses prairies couvrir environ 341 800 km², soit 37 % de son territoire. Ces étendues sont essentielles à la fois pour la biodiversité et pour l’économie, soutenant de nombreuses espèces et fournissant des ressources indispensables aux communautés pastorales. Toutefois, ces prairies sont aujourd’hui menacées et appellent des réponses novatrices et durables.
Le succès de Hulun Buir tient à l’adoption du modèle Science and Technology Backyards (STB), fruit d’une collaboration entre universités, gouvernement et communautés locales. Ce partenariat tripartite est une fusion de recherche, de soutien politique et d’engagement communautaire, transformant les connaissances scientifiques en actions concrètes grâce à des outils de gestion améliorés, des retours continus et une innovation incessante.
Champ de colza à Hulun Buir, région autonome de Mongolie intérieure, en Chine. (COURTOISIE)
Pâturage durable
Une des approches les plus efficaces observées est le pâturage en rotation, qui adapte l’intensité et la fréquence de pâturage aux rythmes de croissance et à la capacité des prairies à stocker les nutriments. Cette méthode prévient le surpâturage, stimule la régénération de la végétation, et préserve la vitalité de l’écosystème. Grâce à une collaboration solide, les découvertes scientifiques se transforment en pratiques concrètes qui protègent les prairies et enrichissent la vie des communautés pastorales.
Au Nigeria, le pastoralisme constitue un pilier économique essentiel, particulièrement dans le sud-ouest. Toutefois, les prairies y font face à des défis sévères tels que le surpâturage, les conflits entre agriculteurs et éleveurs, et des méthodes de gestion déficientes. L’exploitation excessive des prairies mène à leur dégradation, à une perte de biodiversité, et à des conflits fonciers. La situation est particulièrement critique dans le sud-ouest nigérian, où des affrontements violents entre communautés aggravent l’instabilité économique et sociale de la région.
Les défis rencontrés par les prairies nigérianes partagent des similitudes avec ceux surmontés à Hulun Buir. Les deux régions dépendent grandement du pastoralisme pour leurs moyens de subsistance et ont souffert de surpâturage et de dégradation des terres. Les stratégies de gestion éprouvées à Hulun Buir offrent donc un modèle adaptable au contexte unique du Nigeria.
La technique du pâturage en rotation à Hulun Buir est particulièrement remarquable. Elle implique la division des prairies en plusieurs secteurs pâturés alternativement, permettant à chaque section de se régénérer entre les périodes de pâturage. Appliquer cette technique au Nigeria pourrait limiter le surpâturage, favoriser la régénération de la végétation et améliorer la santé globale des prairies.
Machine agricole à Hulun Buir, région autonome de Mongolie intérieure, en Chine. (COURTOISIE)
Possibilités de collaboration
Le succès de la gestion durable des prairies de Hulun Buir offre une occasion précieuse pour une collaboration entre la Chine et le Nigeria. En partageant des technologies, des expertises et des pratiques éprouvées, le Nigeria pourrait tirer profit des avancées chinoises dans ce domaine. Ce partenariat pourrait inclure des programmes de formation, des échanges de connaissances scientifiques, et des projets de recherche conjoints, renforçant ainsi les capacités des institutions et des communautés nigérianes à gérer de façon durable leurs prairies.
L’adoption de ces pratiques durables pourrait non seulement résoudre les conflits entre agriculteurs et éleveurs, mais également améliorer le statut socio-économique des activités agricoles. En effet, les conflits entre éleveurs et agriculteurs au Nigeria, exacerbés par la compétition pour l’accès aux terres arables, ont mené à des pertes significatives en vies humaines et en biens ces dernières années. Pour atténuer ces tensions, une stratégie plurielle s’avère indispensable. Le Nigeria a déjà établi des réserves de pâturage, mais celles-ci sont sous-utilisées. Une gestion plus efficace de ces réserves, garantissant une distribution équitable en fonction de la taille des troupeaux et des besoins familiaux, pourrait réduire la pression sur les terres communales et diminuer les conflits.
Une gestion améliorée des prairies pourrait significativement booster la productivité agricole, stimuler le tourisme et offrir aux communautés pastorales des revenus plus stables. Ces avancées auraient un impact profond sur la sécurité alimentaire et la stabilité économique du pays. De plus, l’établissement de centres et de stations de recherche dédiés à l’étude et à l’optimisation de la gestion des prairies fournirait des données précieuses et des solutions novatrices spécifiquement adaptées au contexte nigérian.
Les enseignements tirés de mon séjour à Hulun Buir soulignent le potentiel de transformation des prairies du Nigeria grâce à l’adoption de pratiques pastorales durables. En mettant en œuvre le pâturage en rotation, en exploitant judicieusement les réserves de pâturage et en établissant des systèmes robustes de documentation et de recherche, le Nigeria peut surmonter les défis liés au surpâturage et aux conflits fonciers. L’adoption de ces stratégies, conjuguée à une collaboration active avec la Chine, favorisera non seulement la préservation écologique des prairies, mais aussi l’amélioration de la productivité agricole et le développement socio-économique, ouvrant la voie à un avenir paisible et prospère pour toutes les parties impliquées.
OLADELE OLATUNDE : Doctorant nigérian à l’Université agricole de Chine
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