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  2025-07-02
 

Le murmure des justes

VOL. 17 / JUILLET 2025 par AYANDA HOLO  ·   2025-07-02
Mots-clés: Sud global

Ce que l’établissement du nouvel organe de médiation à Hong Kong augure pour l’Afrique. 

Participants à la cérémonie de signature de l’Organisation internationale pour la médiation, à Hong Kong, en Chine, le 30 mai. (CNSPHOTO) 

  

Dans un monde ébranlé par les tensions géopolitiques, l’asymétrie juridique et la fragmentation de la gouvernance internationale, l’inauguration, le 30 mai à Hong Kong (Chine), de l’Organisation internationale pour la médiation (IOMed) dépasse de loin le cadre d’une simple nouveauté diplomatique. Elle incarne un réajustement stratégique de la manière dont les pays du Sud global, et tout particulièrement les nations africaines, peuvent aujourd’hui résoudre leurs différends, sans renoncer à leur souveraineté ni à leur dignité. 

Créée à l’initiative conjointe de la Chine et de 18 autres pays en 2022, cette nouvelle institution rassemble 33 États autour d’un objectif commun : apporter une réponse aux biais structurels de l’architecture juridique héritée de l’après-Seconde Guerre mondiale. Depuis des décennies, les pays africains évoluent dans un paysage juridique façonné par les anciennes puissances coloniales, des panels d’arbitrage de la Banque mondiale à un organe de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) aujourd’hui paralysé. L’IOMed rompt avec ce modèle et ouvre une ère nouvelle, fondée sur l’autonomisation juridique des États africains et leur pleine participation au dialogue juridique mondial. 

  

Inclusive et volontaire 

Loin de vouloir se substituer aux juridictions classiques, l’IOMed propose une voie alternative, volontaire et inclusive, reposant sur la médiation, le dialogue et le respect mutuel. Elle se distingue nettement des mécanismes à portée coercitive, tels que la Cour pénale internationale (CPI), rassurant les États africains quant au respect de leur souveraineté. 

Des juristes de renom, comme le juge Dire Tladi, aujourd’hui à la CPI, soulignent depuis longtemps les tensions entre souveraineté africaine et droit international. L’avocat Max du Plessis SC, quant à lui, dénonce la focalisation excessive de la CPI sur les dirigeants africains, y voyant une remise en cause du consentement des États et du respect des sensibilités culturelles. 

L’IOMed, elle, institutionnalise la souveraineté, promeut la médiation entre pairs et privilégie une approche contextuelle, comme le prévoit sa convention fondatrice. Elle permet aux États africains de résoudre leurs différends sans ingérence, en misant sur des solutions durables plutôt que sur des jugements punitifs. Une réponse innovante aux déséquilibres structurels du système juridique international. 

Les principes de consentement, de souveraineté et de respect culturel inscrits dans le préambule de la convention ne sont pas symboliques : ils marquent une rupture avec la toute-puissance judiciaire d’institutions où l’Afrique s’est souvent sentie stigmatisée. 

À rebours des injonctions venues de La Haye ou Genève, l’IOMed mise sur des médiations entre égaux, respectueuses des formes diplomatiques et tournées vers une paix durable, hors des logiques punitives. 

  

Un enjeu décisif pour l’Afrique 

L’Afrique a souvent été désavantagée dans le droit international. Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), rattaché à la Banque mondiale, a régulièrement tranché en faveur des multinationales, au détriment des États africains. Près de 70 % des décisions concernant l’Afrique se sont soldées par des condamnations aux lourdes répercussions budgétaires, affaiblissant les politiques publiques, selon le Centre de Columbia sur l’investissement durable. 

L’IOMed renverse cette dynamique. En valorisant la non-ingérence, le respect mutuel et le renforcement des capacités, elle offre aux pays africains un rôle actif dans l’élaboration de normes juridiques adaptées à un monde multipolaire. Les articles 5 et 42 de la convention prévoient la création de centres régionaux et la formation de juristes locaux, renforçant ainsi les institutions africaines face aux différends intra-africains ou transcontinentaux. 

Parmi les avancées notables de l’IOMed figure la possibilité, pour chaque État membre, de nommer des médiateurs dans des panels régionaux (article 20). Ce mécanisme renforce le pluralisme juridique, en intégrant les traditions africaines dans le droit international, au-delà des prismes anglo-américains ou francophones. 

Des pays comme le Kenya, le Ghana, le Nigeria ou l’Afrique du Sud y trouvent un espace pour faire rayonner leurs cultures juridiques et peser sur la gouvernance mondiale. 

L’Afrique, marquée par de nombreux différends – du Nil à la République démocratique du Congo en passant par la Corne de l’Afrique – manquait d’un cadre neutre et légitime. L’IOMed offre désormais un levier où justice rime avec dignité et enracinement. 

  

Défis et promesses 

L’IOMed suscite de légitimes interrogations. Ses décisions auront-elles une réelle force exécutoire ? Son secrétariat saura-t-il rester neutre ? La médiation pourra-t-elle se dérouler sans l’influence des grandes puissances ? 

La convention, toutefois, pose des bases solides. Les articles 39 à 41 définissent des procédures d’authentification des accords de règlement et amorcent un futur protocole d’application. 

Si la Convention de Singapour fournit déjà un cadre contraignant pour les accords issus de la médiation, l’IOMed ambitionne d’aller plus loin avec un mécanisme adapté aux réalités du Sud global. L’article 41 en esquisse les contours : il s’agirait de garantir la force exécutoire des règlements internationaux, mais ce dispositif reste à concevoir. 

C’est une opportunité pour les pays africains : en s’impliquant dès aujourd’hui, ils peuvent contribuer à façonner un protocole conforme à leurs réalités judiciaires, loin des lourdeurs du CIRDI ou de l’OMC. 

L’IOMed se distingue aussi par sa gouvernance tournante (article 12), l’égalité stricte des votes et une clause de non-ingérence – autant de garanties inédites, offrant aux petits États un véritable espace d’autonomie. 

Une implication active des pays africains, comme la désignation de médiateurs, l’accueil de bureaux régionaux ou le recours au Fonds pour la médiation (article 44) et au Programme de bourses (article 42), leur permettrait de bâtir une architecture juridique légitime, durable et reconnue. 

Ce chantier est stratégique. Dans un monde où le poids démographique et géopolitique de l’Afrique ne cesse de croître, le continent doit devenir acteur des normes de demain. 

Loin d’être une institution parmi d’autres, l’IOMed est une expérimentation juridique équitable, post-westphalienne et post-Bretton Woods. Elle invite les pays africains à régler leurs différends selon leurs règles, dans leurs langues, avec leurs médiateurs. Une révolution douce mais décisive. 

  

L'auteur est président de TV BRICS Africa. 

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