2025-10-09 |
Une graine dans le vent |
VOL. 17 / OCTOBRE 2025 par LI XIAOYU · 2025-10-09 |
Mots-clés: jeune entrepreneur tanzanien ; agriculture locale |
Le jeune entrepreneur tanzanien Fadhili Albert Mwakamesa présente son produit. (PHOTOS : COURTOISIE)
De la malnutrition généralisée à l’insécurité alimentaire, en passant par le chômage, les défis qui minent l’agriculture tanzanienne bouleversent Fadhili Albert Mwakamesa. Lors de ses premières missions de terrain en tant que jeune chercheur à l’Institut international d’agriculture tropicale (IITA), il a été profondément marqué par la vision d’enfants souffrant de carences, privés de protéines et de microéléments dans leur alimentation quotidienne, alors même qu’ils grandissent au cœur de zones productrices de maïs. Paradoxalement, les agriculteurs locaux peinaient à vendre leur maïs et leur soja, et encore moins à en tirer un revenu digne.
Face à ce constat, le jeune homme, également responsable des jeunes entrepreneurs agricoles au sein de l’IITA, a décidé de passer à l’action. Son ambition déclarée : mobiliser le potentiel de l’agriculture pour créer des emplois pour plus de 1 000 jeunes Tanzaniens, tout en répondant aux enjeux nutritionnels et commerciaux. Ainsi est née Fasm Agro Green and General Traders, son entreprise implantée dans le district de Mafinga, région d’Iringa, dans le sud de la Tanzanie. Outre la culture du maïs et du blé, elle développe une solution innovante : moudre ensemble le maïs, base de l’alimentation locale, et le soja, riche en protéines, pour produire une poudre hautement nutritive.
Mais la transition de la théorie à la pratique s’est avérée semée d’embûches. Nombre de consommateurs ignoraient le goût et l’usage de la poudre maïs-soja, la confondant parfois avec de la nourriture pour animaux ou la reléguant à un simple accompagnement de l’ugali. De plus, la forte teneur en protéines et en matières grasses du soja réduisait la durée de conservation et pouvait altérer le goût final.
Alors que M. Mwakamesa semblait dans l’impasse, une bouffée d’oxygène est venue de l’initiative pour les jeunes entrepreneurs ruraux africains, lancée en août 2024 par l’Université d’agriculture de Chine (CAU) et le géant technologique chinois Tencent.
Fadhili Albert Mwakamesa (à gauche) aux côtés de sa mentore à la CAU, la professeure Xu Xiuli.
Le tournant de la formation
En novembre dernier, au cours d’une formation intensive organisée en Chine dans le cadre de ce programme, l’équipe de la CAU lui a prodigué de précieux conseils sur la formulation du produit et les procédés de transformation. L’optimisation du dosage maïs-soja, combinée à un meilleur contrôle de la température de séchage, a permis d’améliorer la digestibilité et la saveur, tout en atténuant l’odeur typique du soja. Résultat : le produit a gagné en popularité, notamment auprès des mères et des établissements scolaires.
Dans le même temps, M. Mwakamesa a suivi une formation en leadership et en gestion stratégique. Il a appris à fixer des objectifs clairs, organiser les tâches, mettre en place un système de suivi et renforcer la responsabilisation. L’impact a été immédiat : une efficacité renforcée, une production multipliée par plus de trois, passant de 2,5 à 9 tonnes par jour, et l’acquisition de nouveaux équipements de transformation.
Par ailleurs, M. Mwakamesa a été impressionné par la discipline, la rigueur dans la gestion du temps et la ténacité des Chinois dans la réalisation de leurs objectifs. Il s’est aussi inspiré de solutions peu coûteuses, telles qu’une application mobile mise au point par des étudiants pour le contrôle qualité, qui l’a incité à innover malgré des ressources limitées. Désireux d’approfondir sa compréhension du pays, il s’est même lancé dans l’apprentissage du chinois, dans l’optique d’explorer de nouvelles opportunités de coopération.
Fadhili Albert Mwakamesa (au centre) lors d’une session de formation à la CAU, en novembre 2024.
Des défis persistants
Pour élargir davantage sa présence sur le marché, son équipe a mené des campagnes de sensibilisation en partenariat avec des professionnels de santé et des nutritionnistes, afin de promouvoir les bienfaits du soja, en particulier pour les enfants et les femmes enceintes. Des chefs ont été mobilisés pour montrer comment intégrer la poudre dans des plats traditionnels tels que l’ugali ou le porridge. Peu à peu, les familles ont constaté des effets positifs sur la santé des enfants, renforçant leur confiance dans le produit. L’entreprise s’efforce désormais d’obtenir l’autorisation d’introduire cette poudre dans les cantines scolaires.
Mieux encore, la notoriété du produit a dépassé les frontières nationales : des commandes sont déjà venues du Kenya, du Soudan, de la Zambie et des Comores, signe de son fort potentiel sur les marchés régionaux.
Malgré ces avancées, de nombreux défis subsistent, notamment en matière de financement et de modernisation des équipements. Sans soutien, il sera difficile d’atteindre une capacité de production de 30 tonnes par jour, de réduire les coûts et de rendre le produit accessible aux familles les plus modestes, tout en répondant à une demande croissante. M. Mwakamesa espère donc bénéficier de nouvelles formations et de partenariats pour consolider ses compétences en gestion et en financement.
« L’initiative CAU-Tencent a largement dépassé mes attentes. J’adresse ma plus vive gratitude à tous les membres de ce programme », confie-t-il à CHINAFRIQUE. Convaincu que des soutiens financiers et techniques pertinents lui permettront d’atteindre son objectif, il se dit déterminé à créer un millier d’emplois et à contribuer à la lutte contre la malnutrition en Tanzanie.
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