| 2016-06-06 |
Soutenir les employés |
| par Ji Jing et Yu Shujun |VOL.8 JUIN 2016 |
| Mots-clés: travailleurs;opportunités |

Des mineurs réparent l’équipement dans une mine de charbon dans la province du Shanxi
Le microblogueur chinois Duomaguo explique pourquoi il a décidé de quitter l’entreprise Wuhan Iron and Steel (WISCO), alors qu’il occupait un poste administratif sûr dans une entreprise d’État, ce que les Chinois surnomment un « bol de riz en acier » : « C’est justement parce qu’il ne s’agissait plus d’un bol de riz en acier. L’industrie sidérurgie connaît une transformation extrêmement importante et WISCO ne fait pas exception. » Duomaguo, qui a trouvé un nouveau travail dans une entreprise d’émigration, a eu de la chance. Telle une épée de Damoclès, la probabilité d’un licenciement guette des millions de travailleurs, alors que la Chine cherche à réduire la surcapacité dans les industries traditionnelles et à faire passer le moteur de sa croissance de l’investissement à la consommation, à l’innovation et aux services intérieurs. Le gouvernement chinois a annoncé en février, qu’environ 1,8 million de travailleurs des secteurs du charbon et de l’acier seraient transférés pour faire face au problème de capacité excédentaire.
En mars, Ma Guoqiang, président de WISCO, a déclaré au People’s Daily, que son entreprise n’aurait besoin que de 30 000 employés, si la réforme pour réduire la surcapacité devait être menée à bien. L’entreprise emploie actuellement 80 000 personnes. Le directeur du département de communication de WISCO affirme cependant que cela ne veut pas dire que 50 000 travailleurs seront mis à la porte : « Si un journal estime qu’il a trop de journalistes, et s’il en envoie certains faire des relectures ou des distributions à temps partiel tout en continuant à payer leur sécurité sociale et leurs salaires, peut-on dire qu’il a licencié ses employés ? »
Malgré tout, le reclassement de millions de travailleurs continue de poser un sérieux défi au gouvernement. En effet, celui-ci affecte directement les intérêts des travailleurs, la mise en œuvre de la réforme structurelle du côté de l’offre et la stabilité sociale dans son ensemble. Le processus ne se fera pas sans accroc, mais le gouvernement est déterminé à affronter cette question, afin de minimiser l’impact sur les familles des travailleurs et la société. Un fonds de 100 milliards de yuans (15,4 milliards de dollars) a été alloué pour le reclassement des travailleurs. Le Premier ministre, Li Keqiang, a par ailleurs annoncé en mars, que celui-ci pourrait augmenter en cas de besoin et que le gouvernement mettrait en place des formations et des mesures de soutien pour empêcher une vague de licenciements massifs.
Évolution industrielle
« Le dernier plan de réforme ne signifie pas que la Chine s’apprête à être submergée par une vague de travailleurs au chômage », estime Ernan Cui, analyste chez Gavekal Dragonomics, une entreprise en conseil financier. Dans une note publiée le 10 mars, celui-ci déclare : « Le marché de l’emploi en Chine est en cours d’ajustement depuis la fin du boom de l’immobilier, il y a déjà deux ans. Même si cet ajustement est peu plaisant, il reste gérable. » La perte d’1,8 million de travailleurs supplémentaires est moins un « départ radical, que l’évolution d’une tendance déjà existante ».
Pour Philip Moscoso, professeur à l’IESE Business School en Espagne, ce qui est positif est que « le gouvernement a reconnu le problème ». Pour lui, la Chine est en train de connaître une tendance, commune à la plupart des autres pays : « Vous avez une économie, qui commence à se développer. À un moment, elle passe d’une production basée principalement sur l’industrie lourde à une économie avec plus de valeur ajoutée, de technologies de pointe, de connaissances, qui se tourne vers les entreprises de services. […] Si on replace tout cela dans la situation d’ensemble, il s’agit d’une chose naturelle. »
Lin Yueqin, directeur du département international de l’Académie chinoise des sciences sociales (ACSS), estime que ce processus doit se dérouler sur le long terme : « Le gouvernement, les entreprises et les travailleurs individuels doivent s’adapter aux changements apportés par les avancées technologiques. […] Une fois que l’économie sera devenue innovante, écologique, à faible émission en carbone et centrée sur la haute technologie et la consommation, la société sera bien plus stable. » Selon lui, il faut s’inspirer de pays comme la Russie et les États-Unis en ce qui concerne l’aide sociale et la formation accordées aux employés licenciés au cours de ce processus de restructuration industrielle, afin de les aider à retrouver un emploi.
Migrer pour travailler
Les travailleurs du Shanxi et du Hebei dans le nord de la Chine seront vraisemblablement les plus affectés par la restructuration, car ces provinces constituent respectivement les plus grands producteurs de charbon et d’acier du pays. Selon les autorités locales, jusqu’à 150 000 employés de l’acier pourraient être licenciés dans le Hebei et près de 100 000 ouvriers devront être replacés dans les cinq prochaines années, a déclaré Song Limin, le président adjoint de la Commission provinciale pour le développement et la réforme du Hebei, lors d’une conférence de presse le 21 avril. Il sera difficile pour ces travailleurs de trouver des emplois similaires au niveau local. « L’une des solutions principales sera donc vraisemblablement la relocalisation des ouvriers dans une province côtière, où ils auront plus de chances de trouver un travail décent », estime Ernan Cui.
Comment cette migration pourrait-elle affecter les provinces délaissées ? Pour Lin Yueqin, « cette transition importante créera de nombreuses opportunités de développement, car ces provinces pourront passer directement d’industries hautement polluantes à celles axées sur l’internet et la protection environnementale. […] Les ouvriers manquant de qualifications devront malgré tout être licenciés dans les provinces se basant trop sur le secteur primaire. L’efficacité de la production sera améliorée et les salaires et le pouvoir d’achat devraient augmenter également. »
Pour Song Limin, certaines entreprises ne feront pas faillite malgré les coupes réalisées dans leurs surcapacités. Elles continueront à fournir des opportunités d’emploi à travers des fusions et acquisitions. Le secteur des services, qui compte pour plus de la moitié du PIB chinois, est également considéré comme une source fiable de création d’emploi. Selon Lin Yueqin, les ouvriers licenciés pourront trouver un emploi après avoir reçu une formation. Certains pourraient même fonder leur propre entreprise et « après deux ou trois ans d’ajustement, le niveau global des revenus devrait augmenter. »
Prospérité industrialisée
La directive gouvernementale du 7 avril a souligné quatre mesures pour replacer les personnes licenciées : le replacement dans l’entreprise ; la formation ; la pré-retraite ; et les allocations sociales pour les personnes ayant des difficultés à trouver un nouvel emploi. Un programme de retour à l’emploi devrait être créé, afin que les ouvriers puissent recevoir une formation et une réorientation professionnelles gratuites. Le programme ouvrira également des voies pour ceux qui souhaitent monter leur propre entreprise, en leur donnant accès à un soutien du gouvernement.
Le gouvernement organisera des salons de l’emploi spécifiques pour ceux qui doivent être replacés et fournira des allocations de subsistance pour ceux nécessitant une formation. Les autorités locales doivent favoriser la coopération inter-régionale pour reclasser les ouvriers dans les régions ayant des opportunités d’emploi : « Le gouvernement provincial du Hebei travaille sur des mesures spécifiques pour replacer les ouvriers. Nous avons déjà pris une série de mesures, incluant le transfert de ces ouvriers à d’autres postes, explique Song Limin. Nous replacerons principalement les ouvriers dans le secteur des services, après leur avoir offert une formation adéquate. »
WISCO s’est déjà engagé dans ce processus. Sous le pseudonyme de Larry Wu, un ouvrier qui travaille chez WISCO explique que la première vague de licenciements est survenue en décembre 2015 : 6 000 ouvrier approchant de l’âge de la retraite ont été licenciés. Les coupes n’ont pas été effectuées en termes de postes, mais sur la base de l’âge, touchant les hommes de plus de 55 ans et les femmes entre 45 et 50 ans. « Pour assurer le niveau de vie des employés licenciés, WISCO leur donnera des aides économiques, explique-t-il. WISCO ne paiera pas seulement pour leur sécurité sociale et leur fonds d’aide au logement, mais leur donnera également une subvention de 2 500 yuans (385 dollars) par mois, jusqu’à ce qu’ils aient atteint l’âge officiel de la retraite. »
Li Jianguo, qui a démissionné du département marketing de WISCO il y a un an, affirme que les employés dans les secteurs affectés par les réformes traversent une période d’ajustement mental et d’adaptation. Mais « avec l’augmentation de la puissance nationale, le gouvernement et les entreprises ont pris suffisamment de mesures, pour s’assurer que chacun franchisse ce processus et trouve sa place ».
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