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Culture et Société
  2016-06-06
 

Fous de couscous !

par Sudeshna Sarkar et Xia Yuanyuan | VOL.8 JUIN
Mots-clés: couscous;Chine

Le couscous peut se manger avec de la viande ou des légumes, ou comme dessert

 

Quand il était enfant à Casablanca, au Maroc, les vendredis étaient un jour particulier pour Badr Benjelloun. « Le Maroc est un pays musulman, alors les prières du vendredi sont les plus grandes prières. C’est comme ça que se rassemble la communauté », explique le Marocain de 37 ans. À Beijing depuis dix ans, il nous raconte ses souvenirs d’enfance avec nostalgie. Il pause son récit pour saluer chaque client qui arrive dans son restaurant pour profiter du menu spécial du vendredi. « Après les prières, un couscous rassemblait toutes la famille pour manger. Ce n’était pas seulement un repas, mais un moment de partage et de détente à l’arrivée du weekend », raconte-t-il. « Il fallait quatre à cinq heures pour préparer le couscous et l’atmosphère était gaie et joyeuse. Les femmes du quartier rapprochaient des tables pour pouvoir couper et écraser les ingrédients, tout en discutant et riant ensemble. C’était un moment plein d’amour. » 

Quand Benjelloun se rend aux États-Unis dans les années 1990 pour étudier l’ingénierie chimique, il se lasse rapidement des burgers et des pâtes, se languissant des saveurs de Casablanca. Son voyage culinaire commence lors d’une conversation téléphonique avec sa mère. Toute la nuit, elle lui explique comment préparer le précieux couscous. Le jour suivant, il rate son premier couscous, mais cet échec ne l’arrête pas. Après deux ans aux États-Unis, son couscous est réputé et on lui demande même d’en préparer pour 100 personnes lors d’un événement organisé par l’université. C’est donc en dehors du Maroc que Benjelloun découvre sa passion pour le couscous, qui se concrétise il y a 15 mois avec l’ouverture de son propre restaurant à Beijing. Le couscous est désormais l’attraction principale du restaurant les vendredis. « Nous servons le couscous uniquement pour les repas du vendredi, parce que c’est ce qu’on faisait à la maison », explique-t-il. « J’ai amené cette tradition à Beijing. »   

  

Un plat historique  

Le couscous est un plat très ancien. Comme les pâtes, le riz ou les nouilles, c’est un plat régional qui s’est internationalisé. Originaire des tribus nomades berbères d’Afrique du Nord, le plat se répand au sud du continent, en Europe, en Amérique et en Asie. Un livre de recettes du XIIIe siècle cataloguant les plats espagnols et africains, Kitb al-abkh f al-Maghrib wa’l-ndalus, contient déjà la recette du couscous, ou alcuzcuz fityn, assurant qu’il est connu dans le monde entier. L’histoire abonde de références au couscous. Lorsque le plus célèbre des voyageurs marocains, Ibn Battuta, se rend au Mali en 1352, il évoque les traditions locales et l’hospitalité de ses hôtes : « Quand un voyageur arrive au village, les femmes sortent le millet, le lait caillé, les poulets, la farine de lotus, le riz, founi [Digitaria exilis], une sorte de graine de moutarde, et elles préparent un couscous. »  

Le couscous a également été associé à la magie et aux miracles, un peu comme la manne dans la Bible. Ahmed ibn Mohammed al-Maqqar, un historien du XVIIe siècle, raconte l’histoire d’un bon samaritain nourrissant un homme malade. Le prophète Mahomet lui apparaît alors en rêve et lui ordonne de préparer un couscous pour guérir le malade. Un autre savant arabe, Ibn Falallah, décrit des pèlerins tunisiens à la Mecque faisant apparaître un couscous avec du bœuf et des courgettes, cuit dans du beurre. Aujourd’hui, un festival est même entièrement dédié au couscous, le CousCous Fest qui se tient chaque année en Sicile, à San Vito Lo Capo. 

  

Aliment rassembleur   

La langue, la musique et la nourriture sont les trois principaux éléments rapprochant les migrants. Adams Bodomo, professeur d’études africaines à l’Université de Vienne, s’est depuis longtemps intéressé à la diaspora africaine en Chine, notamment aux habitudes alimentaires. Il confirme la présence de couscous à Yiwu, ville de l’est de la Chine avec le plus grand marché en gros de marchandises au monde, ainsi qu’une importante population nord-africaine. « Il est définitivement possible de trouver du couscous à Yiwu, au Maheda ou dans d’autres quartiers de restaurants », assure Bodomo à CHINAFRIQUE. « Ce plat est très populaire parmi les Africains Maghrébins, originaires de pays comme l’Égypte, l’Algérie, la Libye, le Maroc et la Tunisie. » 

Dans son article sur les habitudes alimentaires des Africains de Yiwu et de Guangzhou, Nous sommes ce que nous mangeons, Bodomo écrit : « L’une des premières choses que font les Africains quand ils arrivent à l’aéroport ou à la gare et prennent un chambre à l’hôtel, c’est chercher le restaurant africain le plus proche, ou un lieu où les Africains se réunissent pour cuisiner et manger… C’est ainsi qu’ils créent un réseau professionnel, mais aussi culturel et social… ainsi que d’autres types de relations. » 

Mayosse Boupo ne vient pas d’arriver en Chine, il a quitté Libreville pour Beijing en 2005. Toutefois, l’étudiant à l’Université polytechnique de Beijing, aime toujours chercher de la nourriture africaine quand il veut manger avec ses amis du continent. Le couscous, avec ses pois chiches, sa viande et ses morceaux de courgette, est un choix toujours apprécié par le groupe d’amis. Pour ce Gabonais de 30 ans, le couscous est un plat rassembleur. « Le couscous est très répandu, notamment chez les musulmans », explique Boupo.  « Je suis chrétien, mais nous mangeons tout de même du couscous en famille et avec nos amis. » 

Un aliment qui se prête à de nombreuses recettes, puisqu’il peut être mangé avec de la viande, des légumes mais aussi comme un dessert. Boupo aime manger du couscous en Chine, particulièrement quand il faut célébrer quelque chose ou quand les Africains se réunissent. « C’est un plat qui est facile à préparer et délicieux », dit-il. « C’est aussi un plat qui rapproche les gens, personne ne dira que c’est un plat marocain ou algérien, chrétien ou bouddhiste, c’est un plat qui crée des ponts entre les cultures. »         

Pour Hosaim El-maghrabi, qui travaille comme journaliste à Beijing depuis 2005, le couscous est lié au bonheur. « Ma mère préparait du couscous à chaque fois qu’elle était heureuse », confie l’Égyptien de 38 ans, originaire d’Assiout, au nord du pays. « C’était un petit-déjeuner pour nous, un dessert préparé avec du miel et du lait. Dans le monde arabe, la nourriture rassemble. Manger un dessert ensemble signifie que vous espérez la relation aussi douce que le dessert. C’est essentiel. »  

Son ami, Aly Thabet Aly Mohamed Farag, jeune compatriote du Caire, est d’accord avec lui : « Nous mangions du couscous après le fajr, les premières prières à l’aube, le vendredi », se souvient rêveur le journaliste de 30 ans.  

Cousacousa en Chine  

Mais les Nord-Africains et les populations du Moyen-Orient ne sont pas les seules à manger du couscous en Chine. Les Chinois aussi commencent à adopter le plat qu’ils appellent cousacousa. Le Sino-Australien Mo Fei aime manger sain, cette priorité le mène à découvrir les salades de couscous, avec des légumes et tomates séchées. « Tu n’as jamais l’impression d’avoir trop mangé », raconte l’avocat de 32 ans. « Le couscous n’est pas seulement limité au Maroc. Il est aussi très populaire en Australie et en Europe. Puisque de plus en plus de Chinois voyagent en dehors de Chine et s’internationalisent, et de plus en plus d’étrangers viennent vivre en Chine, les Chinois apprendront à apprécier davantage le couscous. » 

Sur Taobao, la plus grande plate-forme de vente en ligne en Chine, on peut d’ores et déjà trouver du couscous. Des centaines de magasins y proposent des marques de couscous importé de diverses parties du monde. Spécialisé dans la nourriture occidentale, 51XSH est l’un de ces magasins. Selon leur service client, le couscous instantané est l’un de leurs produits phares, ils en vendent plus de 150 paquets par mois. « Nos couscous sont très faciles à préparer. […] Il faut juste mélanger la poudre à l’huile, ajouter du sel et de l’eau et c’est prêt en cinq minutes. » Même si cela peut choquer les puristes, le couscous instantané est très apprécié. Une des clientes de 51XSH, Xiaoniu, assure que leur couscous est très proche du couscous traditionnel qu’elle a pu goûter au Maroc.  

Le pouvoir du couscous  

Selon Bodomo, quand il s’agit de développer le soft power dans les relations Chine-Afrique, l’Afrique peut utiliser la nourriture pour influencer la Chine. « C’est un des plus grands ‘outils’ dont dispose la communauté africaine pour imposer une certaine influence culturelle dans leur communauté d’accueil », affirme-t-il dans son article. « De plus en plus de Chinois fréquentent les restaurants africains de Guangzhou et de Yiwu. Les Africains font découvrir avec enthousiasme leur nourriture à leurs partenaires commerciaux et clients… Les propriétaires de restaurants africains jouent un rôle d’ambassadeurs culturels et construisent des ponts interculturels entre les Africains et les Chinois. Le couscous est une puissante arme dans cet arsenal. »  

 

  

La préparation du couscous 

Le couscous – fait à partir de millet, mais aussi de blé, riz et orge – est constitué de petites boules qui gonflent quand elles sont cuites à la vapeur ou dans de l’eau. Le nom vient du mot arabe keskes, soit la poêle dans laquelle on le faisait cuire.  

Un plat qui peut être préparé de nombreuses façons et qu’on peut donc trouver aussi bien dans les maisons les plus pauvres que dans les palaces. L’une des recettes les plus simples est un porridge de couscous de blé avec du beurre. Plus couteux, le burzqãn est une spécialité tunisienne faite de fins grains de couscous cuisinés avec du beurre, du mouton, du safran et des pois chiches. Le plat est ensuite baigné de lait chaud, de raisins secs, d’amandes, de pistaches, de noisettes, de noix… un vrai festin ! 

 

Exclusif CHINAFRIQUE

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