2016-06-30 |
Voyages sensoriels |
par Ge Lijun | VOL.8 JUILLET 2016 |
Mots-clés: voyages; Afrique |
Cao Shengkang avec ses amis masaïs du Kenya
À 41 ans, Cao Shengkang a visité 30 pays sur 6 continents. Un chiffre d’autant plus impressionnant que Cao est aveugle. Un handicap qui ne le freine pourtant pas. Rêvant d’aventures, il parcourt le monde avec ses lunettes de soleil, sa canne et son sac à dos, toujours à la recherche de nouveaux défis.
Devenir un homme utile
Né dans la province de l’Anhui, à l’est de la Chine, il perd la vue des suites d’un accident à l’âge de 8 ans. Son enfance heureuse se transforme alors en cauchemar. Ses camarades de classe se moquent de lui, et il finit par arrêter l’école. À la maison, il a l’impression de devenir un fardeau pour ses parents et décide de quitter sa famille. Après plusieurs difficultés et échecs professionnels, Cao a des pensées suicidaires. « Après toutes ces pénibles expériences, je ne voulais pas abandonner. J’ai fait le vœu de devenir un homme utile pour ma famille, mais aussi pour la société »,raconte-t-il.
À 18 ans, il trouve enfin un moyen de gagner sa vie et entreprend une formation pour devenir masseur. Cao se souvient encore de sa joie quand il a reçu son premier salaire. Les massages le comblent, mais Cao veut aussi être utile à sa communauté. Très ému par les nouvelles sur les handicapés participant à des concours sportifs, il décide de se mettre au sport. Il prend alors contact avec un entraîneur de l’Université du sport de Beijing. Il ne cesse de s’entraîner et en 2006 participe à la cinquième édition des Jeux provinciaux pour handicapés de Guangdong, où il remporte la médaille de bronze pour le 200 mètres. Il découvre par la suite avec enthousiasme la planche à voile et finit par participer au concours national amateur de planche à voile de Sanya, dans le sud de la Chine. Cao est le seul aveugle à participer au concours.
Les premiers voyages
En 2008, Cao place son argent en Bourse et perd toutes ses économies. Bouleversé par cette nouvelle mésaventure, il décide de se rendre dans les régions du nord-ouest et de l’ouest du pays : Xinjiang, Qinghai et Tibet. Lors de cette retraite, il « voit » des yaks pour la première fois et écoute les pas de fervents pèlerins. C’est alors qu’il a l’idée de voyager à travers le monde. Motivé par cette audacieuse idée, il travaille dur pour financer ses voyages.
En 2012, à 37 ans, Cao quitte pour la première fois la Chine. Il ne parle que quelques mots d’anglais, et avec 4 200 yuans en poche il traverse la province du Yunnan pour aller au Laos. En 24 jours, il visite trois autres pays d’Asie du Sud-Est : Thaïlande, Cambodge et Vietnam. Il fait face à certaines situations dangereuses, et est souvent aidé par les locaux. « On n’a qu’une seule vie. Il y a tant d’endroits à connaître, tant d’expériences à vivre. C’est pour ça que je ne cesse de marcher et de relever des défis », affirme-t-il. Voyant toujours des solutions, Cao n’a pas peur des difficultés. Animé par cet état d’esprit, il se rend en Amérique du Nord, Amérique du Sud, Europe et Océanie. Malgré la constante obscurité que lui impose sa cécité, Cao sent un monde multicolore.
Des bruits et des odeurs
En décembre 2015, Cao arrive pour la première fois en Afrique, à Nairobi, au Kenya. Avant son départ, ses amis le mettent en garde sur les dangers du continent. À peine arrivé, il parvient à expliquer sa destination au chauffeur de taxi, avec des gestes et quelques mots d’anglais. Une fois installé dans son hôtel, un de ses amis chinois lui demande, inquiet, si on ne lui a rien volé. Amusé, Cao lui répond que les Africains sont gentils et très serviables.
Il visite la Réserve nationale du Masai Mara avec deux autres Chinois. À leur arrivée, on les prévient que des lions et des guépards se trouvent à moins de 10 mètres. Même si c’est la première fois qu’il est si près de zèbres, bisons, rhinocéros, hippopotames et crocodiles, Cao n’a pas peur. Il entend leurs bruits, et sent l’odeur de la prairie. « Je me rappelle qu’avant j’aimais bien regarder le documentaire Le monde des animaux sur la CCTV. Les animaux m’intéressaient beaucoup. Les voyages en Afrique m’ont permis de réaliser mon rêve de voir des animaux sauvages », confie-t-il.
Le soir, il dort dans un village de Masaïs, avec qui il essaie de communiquer. Ceux-ci sont étonnés de rencontrer un voyageur aveugle. Pendant ces quelques jours, les Masaïs sont toujours prêts à aider Cao, craignant qu’il ne tombe ou qu’il soit attaqué par des chiens. « Même si leur revenu mensuel est de moins de 300 yuans, ils sont responsables et ont bon cœur », raconte-t-il, ému.
Enthousiasme, sympathie et amitié
En mars 2016, Cao se rend en Afrique pour la deuxième fois. Il se souvient d’un jeune tanzanien qui s’assoit près de lui sur le bateau allant de Dar es Salaam à l’île de Zanzibar. Pendant les deux heures que dure le trajet, il lui demande souvent s’il a soif et essaie de l’aider à chaque instant. Arrivés à Zanzibar, le jeune homme récupère les sacs de Cao et marche avec lui sur le bord de mer en le tenant par le bras. Le jeune tanzanien attend ensuite l’arrivée de l’ami de Cao avant de lui dire au revoir. Emu par cette gentillesse, Cao veut donner un peu d’argent au jeune homme, mais celui-ci refuse : « C’est normal que je t’aide, j’espère que quand tu rencontreras des gens qui sont dans des situations plus difficiles que la tienne, tu les aideras », lui lance alors le Tanzanien.
Quelques jours plus tard, dans la Ville de pierre de Zanzibar, Cao touche des tortues marines et des dauphins. Il se rend ensuite en Ouganda, au Malawi, en Zambie et en Éthiopie. En Zambie, il sent la splendeur des chutes Victoria, il en sort complètement trempé. « C’était la première fois que j’écoutais et je sentais des chutes d’eau aussi grandes. Mon corps, mon téléphone et mon porte-monnaie étaient trempés, mais ça ne gâchait en rien la joie que je ressentais face à ces chutes. Au lieu de dire que j’ai regardé les chutes, j’ai plutôt laissé les chutes me voir et me doucher », raconte Cao.
Lorsqu’on lui demande de décrire les Africains, trois mots lui viennent à l’esprit : enthousiasme, sympathie et amitié. « En juillet, je vais aller encore une fois en Afrique, je vais gravir le Kilimandjaro, et visiter le Cap en Afrique du Sud, j’irai peut-être au Mozambique. J’ai hâte de ressentir l’enthousiasme et l’amitié des Africains. » Lui, l’homme qui a dû sans cesse affronter des défis, a désormais une seule motivation : « Voyager dans le monde est mon rêve, j’espère que je peux pousser plus de gens à réaliser leurs rêves. Même si je ne peux pas voir les paysages sur la route, je peux les écouter ; et même si je ne peux pas voir le monde, je peux laisser le monde me voir. »
Exclusif CHINAFRIQUE
![]() |
|
||
24 Baiwanzhuang, 100037 Beijing République populaire de Chine | ||
Copyright CHINAFRIQUE tous droits réservés 京ICP备08005356号 |