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Culture et Société
  2017-08-07
 

La diva aux aiguilles

par Koceila Bouhanik | VOL.9 AOÛT 2017
Mots-clés: médecine ; culture

Deliah Nalukwago, c'est avant tout un sourire et une présence. À seulement 27 ans, l'étudiante en Master d'acupuncture clinique – qui mène également une carrière artistique en parallèle – a pourtant déjà tout d'une grande… Retour sur un parcours atypique et inspirant.

L'histoire commence en 1998, dans un cabinet médical de Kampala, capitale de l'Ouganda. Deliah, 8 ans, observe avec attention les gestes du docteur Wen, plantant minutieusement d'étranges aiguilles dans la peau de sa mère, qui souffre de douleurs neuropathiques. Aucun traitement ne s'était révélé efficace jusque-là, mais la technique du praticien chinois semble avoir un effet inespéré : depuis un mois, la maman de la petite fille se sent revivre.

Dès lors, dans l'esprit de l'enfant, « médecine » restera associé à « Chine »…

Patchwork médico-culturel

Une pensée qu'elle finira par concrétiser en 2009, lorsqu'elle décroche finalement une bourse pour étudier à la prestigieuse Université de médecine et de pharmacologie traditionnelles chinoises de Beijing. Sur les conseils du docteur Wen, son mentor, elle choisit toutefois de débuter par un cursus de médecine classique, pour s'orienter ensuite vers la médecine traditionnelle chinoise. « La médecine occidentale est avant tout curative tandis que la médecine chinoise est, elle, préventive. C'est une différence majeure mais les deux se complètent », explique Deliah. « Dans la première, il faut toutefois prendre en compte les effets secondaires, la posologie et le mélange des différentes substances. Dans la médecine traditionnelle chinoise, et l'acupuncture en particulier, il n'y a rien de tout cela. Il faut simplement veiller à ce que les aiguilles soient stérilisées. On ne ressent aucune douleur et il n'y a aucun effet secondaire. »

Alors qu'elle obtiendra son diplôme en 2019, Deliah effectue ses travaux de recherche avec l'un des acupuncteurs les plus reconnus du pays, le docteur Li Zhigang. « J'ai beaucoup de chance de pouvoir travailler à ses côtés car c'est une sommité de l'acupuncture en Chine. C'est un excellent professeur avec qui je me perfectionne chaque jour. »

En arrivant en Chine, Deliah a dû apprendre la langue, qu'elle parle couramment aujourd'hui. « J'ai quand même du mal à comprendre certains termes, parfois », reconnaît-elle. Mais plutôt que d'en faire un obstacle, elle s'en sert comme d'une force. Une force qui la pousse à travailler beaucoup plus que les autres, à être en contact permanent avec son professeur et à poser de nombreuses questions pour rester au niveau. « Ce n'est toutefois pas toujours très bien vu. Dans la culture chinoise, poser des questions peut être considéré comme grossier ou honteux, surtout si vous êtes la seule à en poser ! », s'amuse l'étudiante.

De fait, l'un de ses défis quotidiens repose sur la combinaison des deux médecines, occidentale et chinoise, dont les mécanismes sont à la fois différents et complémentaires. « C'est parfois difficile de les connecter à chaque fois, mais j'y travaille. »

La fibre artistique

Au-delà de son attrait pour les sciences médicales, Deliah, dont le « caractère compassionnel (la) pousse toujours à aller vers les autres », c'est aussi une carrière artistique en plein essor. Mais avant cela, un petit retour en arrière s'impose.

C'est à 12 ans que Deliah se rend compte qu'elle aime chanter, et surtout, qu'elle en a le potentiel. « Je pense que nous recevons tous un don. Moi, c'est ma voix ! », lance-t-elle en riant. Elle participe alors à des concours et diverses représentations, mais ses parents ne voient pas cette passion naissante d'un très bon œil. Ils pensent que la musique peut lui faire perdre le fil des études et finissent par lui interdire de s'exercer. La jeune fille qu'elle est alors s'exécute, mais c'est un crève-cœur. « Je ressentais un vide immense, se souvient Deliah, c'est comme si l'on m'avait privé d'un sens, j'étais très malheureuse. » Car en réalité, la musique est un moyen pour elle de se concentrer pleinement et d'atteindre ses objectifs. « C'est par la musique que j'exprime ma créativité, ce n'est pas une fin en soi », confie la chanteuse aux aiguilles. Durant son temps libre, quand elle n'étudie pas donc, Deliah se produit au sein des Rebels 5, un groupe d'influence jazz/soul, dont elle est la soliste. Avec un certain succès. « C'est toujours amusant quand les gens te reconnaissent ! C'est flatteur et ça me touche d'une certaine manière, mais je reste lucide. Ça ne me monte pas à la tête. »

Et de la lucidité, Deliah en possède beaucoup : « bien sûr, je prévois de retourner chez moi. Je serai probablement la première acupunctrice licenciée et la première praticienne spécialisée en acupuncture clinique d'Ouganda. Je veux jouer un rôle dans le développement de mon pays et faire avancer les choses. Je m'y sens presque obligée ! »

D'ici quelques années, elle se voit ainsi installée comme praticienne et formatrice à Kampala, où elle pourra permettre à d'autres praticiens d'étoffer leur palette de connaissances et de pratiques. « Je veux ouvrir un centre de santé et de bien-être par la médecine alternative », explique-t-elle. « Nous n'avons rien de ce genre dans le pays et j'aimerais y combiner la médecine occidentale, la médecine chinoise, mais aussi la médecine traditionnelle ougandaise. » Car, d'après Deliah, il n'y a, en effet, aucune raison de se priver de techniques qui fonctionnent.

En attendant, l'acupunctrice à la voix chaude et profonde continue de piquer en chantant.

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