2019-09-05 |
Engagés pour la jeunesse |
par Li Xiaoyu · 2019-09-05 |
Mots-clés: forum de think tanks; jeunesse; Afrique; Chine |
Anciens présidents de l'Association des étudiants africains de l'Université de Pékin, Miatta Momoh et Kabugo Andrew Michael, étaient extrêmement ravis de retrouver leur professeure Liu Haifang le 24 août à Guangzhou dans la province du Guangdong. Pour eux, cette dernière, qui est directrice de l'Institut d'études africaines de l'Université de Pékin, représente « un catalyseur » pour le développement de leur association. Elle est aussi l'organisatrice derrière le Forum de think tanks sur les échanges de haut niveau entre les peuples de Chine et d'Afrique du Sud. Elle a invité ses anciens élèves africains ainsi qu'une cinquantaine d'universitaires, entrepreneurs, représentants du gouvernement et autres parties prenantes engagées dans la collaboration sino-africaine, à discuter autour du thème « Coopération Chine-Afrique pour le développement de la jeunesse et les ressources humaines ».
Si la professeure a choisi la jeunesse comme sujet de discussion, c'est qu'elle estime que l'engagement des jeunes est indispensable au renouveau des pays africains. Sans leur participation à la richesse des nations, le soulèvement populaire serait un scénario plausible, comme l'indiquent Adam Branch et Zachariah Mampilly dans leur livre intitulé Africa Uprising: Popular Protest and Political Change. Elle en a aussi profité pour exprimer sa profonde préoccupation devant les quelque 150 participants du forum : « Avec le recours croissant à l'intelligence artificielle dans la production, les jeunes Africains risquent d'être laissés pour compte par l'industrialisation 4.0 pour toujours. »
La jeunesse, un potentiel à exploiter
Sa préoccupation est justifiée. Selon les estimations des Nations unies, l'Afrique est le continent qui compte le plus de jeunes, puisque l'âge médian y est de 19,4 ans en 2019, contre 29,6 ans au niveau mondial. Si correctement valorisée, la jeunesse devrait constituer une source de richesses inépuisable pour le continent, alors que ce n'est pas encore le cas aujourd'hui.
Dans l'édition 2019 de son rapport annuel Tendances mondiales de l'emploi des jeunes, l'Organisation internationale du travail (OIT) révèle que le chômage élevé y persiste, tout comme le manque de travail décent. Le taux prévu de dépendance chez les jeunes en Afrique subsaharienne en 2020 est de 53,4 %, ce qui représenterait presque la moitié de la population. Le taux d'emploi des jeunes dans le secteur informel s'est élevé jusqu'à 80 % en Égypte et en Tunisie en 2016. Le chômage et la précarité accentuent la pauvreté. Le taux de pauvreté au travail était de 69,6 % en Afrique subsaharienne en 2018, touchant 54,4 millions de jeunes.
L'OIT a identifié plusieurs facteurs responsables de cette situation. Les systèmes éducatifs sont entre autres accusés de ne pas préparer adéquatement les jeunes au monde du travail. L'absence de mécanismes d'information sur le marché du travail et de services d'orientation professionnelle pour les demandeurs d'emploi est aussi pointée du doigt.
De son côté, Mike Kuria, secrétaire exécutif adjoint au Conseil interuniversitaire pour l'Afrique de l'Est, indique que le chômage chez les jeunes est en partie dû au manque d'alignement de la formation sur le monde du travail. « Nous sommes confrontés, d'un côté, au surplus de l'offre en cols blancs et, de l'autre côté, à la pénurie de talents qui possèdent des expertises pertinentes requises », regrette-t-il.
Son opinion est confirmée par les données disponibles. Un examen des programmes de formation professionnelle pour les jeunes en Afrique du Nord montre qu'actuellement, plus de 70 % d'entre eux se dispensent en classe et visent uniquement à fournir des compétences théoriques. Ils ne donnent pas aux élèves l'accès à l'expérience pratique, au savoir-faire non technique, ou à une transition en douceur vers le marché du travail.
L'OIT suggère donc que la formation professionnelle soit dispensée en consultation avec le secteur privé afin d'identifier les lacunes en matière de compétences et les besoins de formation.
La coopération sino-africaine dans le domaine de la formation technique et professionnelle est une voie envisageable pour mieux préparer les jeunes au monde du travail. (WANG KAI)
Coopération signifie plus de possibilités
C'est dans cet esprit que Madame Liu a voulu profiter de ce forum pour faire parler les intervenants au sujet de l'état actuel du développement des ressources humaines dans leurs propres pays et notamment des potentialités que la Chine et l'Afrique possèdent pour leur coopération dans ce domaine.
On retrouve ainsi Niu Changsong, qui travaille auprès du Centre de recherche sur la coopération sino-africaine en matière d'éducation, relevant de l'Institut d'études africaines de l'Université normale du Zhejiang. Elle a entamé sa recherche en la matière en 2007. Cette année, elle a été témoin de la fondation du centre et en est devenue la directrice.
À ses yeux, la Chine peut partager ses expériences accumulées en la matière avec ses partenaires africains. En effet, elle détient le plus grand système de formation professionnelle et technique au monde, qui s'est développé rapidement dans les années 1960 et 1970. Il compte désormais quelque 10 000 établissements d'enseignement professionnel de niveau secondaire et 1 341 supérieur, avec un total de 10,48 millions d'élèves. Pour la directrice, la mise en place d'un système de formation professionnelle intégré est une voie envisageable.
Du côté industriel, certaines initiatives ont été prises pour concrétiser cette coopération. Duan Xiaofei, directeur adjoint de l'Institut de formation pétrolière et gazière Sunmaker, est l'un des pionniers. L'idée lui est venue de créer son établissement en Ouganda avec trois autres partenaires chinois il y a deux ans, quand il a remarqué que de nombreux Ougandais attendaient avec impatience de nouvelles opportunités dans le secteur pétrolier, mais que peu d'entre eux avaient reçu une formation adéquate. « L'industrie pétrolière et gazière est hautement spécialisée et risquée, et c'est la raison pour laquelle la maîtrise des compétences pratiques est requise », précise-t-il.
À ce jour, Sunmaker a signé des mémorandums de coopération en matière de formation avec plus de 60 % des sociétés de services ougandaises et des entreprises chinoises implantées dans les pays voisins. En outre, la société a conclu un accord avec le ministère ougandais de l'Éducation et l'Université chinoise du pétrole pour la construction d'un centre de formation aux métiers du pétrole et du gaz d'Afrique de l'Est. Elle vise à former plus de 4 000 personnes chaque année dans différentes disciplines.
Tout en faisant part de sa préoccupation, Madame Liu a tenu également à souligner les nombreuses autres opportunités à la portée des jeunes. Le Parc industriel oriental a été ouvert en Éthiopie en 2008. Pendant une dizaine d'années, peu d'entreprises ont voulu s'y installer. Mais au lendemain de la signature de l'Accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine, il n'y avait presque plus de places disponibles dans le parc. « Vous pouvez comprendre à quel point cette initiative crée des offres d'emplois aux jeunes et favorise la croissance économique », s'enthousiasme-t-elle. « Par conséquent, la meilleure solution aux problèmes de l'éducation consiste à joindre les forces des entrepreneurs, des éducateurs et des chercheurs. » À cet égard, le forum représente un grand pas dans cette direction.
Pour vos commentaires : lixiaoyu@chinafrica.cn
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