L’Ouganda s’inspire de l’expérience chinoise pour stimuler la croissance socio-économique.

Des leaders de SACCO de différentes régions échangent des idées au sein du Busaiga SACCO à Fort Portal, dans l’ouest de l’Ouganda, le 11 janvier. (COMPTE TWITTER DU PROGRAMME EMYOOGA) 

Après avoir observé que l’essor impressionnant de la Chine résultait de l’organisation de la population locale par les autorités afin de stimuler la productivité dès le niveau du village, les responsables ougandais ont puisé dans cette expérience chinoise. Ils ont ainsi développé des stratégies pour adapter et mettre en œuvre ce modèle en Ouganda. 

Lors de la célébration de la Fête du Travail du 1er mai 2018, le Président Yoweri Museveni a mis en avant l’importance des industries artisanales en Chine, qui ont permis à de nombreuses personnes de créer de la richesse. Cela a été l’une des raisons pour lesquelles il a proposé le programme Emyooga. La plupart des jouets, articles de cuisine, articles de mode et meubles en Ouganda sont importés de Chine, où ils sont fabriqués par des industries artisanales dans les villages. Les Ougandais aspirent à réaliser la même chose, avec le soutien du Président Museveni, selon l’agent commercial Milton Masembe. 

Une aide financière 

Emyooga est un terme issu de la langue locale signifiant un « groupe de personnes effectuant la même activité ». Lancé en août 2019, ce programme vise à stimuler la richesse et la création d’emplois. Il s’inscrit dans une stratégie gouvernementale plus large visant à transformer 68 % des exploitations agricoles de subsistance en une production tournée vers le marché. L’objectif global est de favoriser la création d’emplois et d’améliorer les revenus des ménages. 

Soutenant les professionnels tels que les vendeurs de marché, les chauffeurs, les artisans, les artistes ou les restaurateurs, entre autres, Emyooga est destiné à tous les Ougandais actifs âgés de 18 ans et plus, selon la Première ministre ougandaise, Robinah Nabbanja. Les bénéficiaires se regroupent sous forme de coopératives d’épargne et de crédit. 

Le Président Museveni a lancé le programme Emyooga pour faciliter la transformation socio-
économique des ménages en passant d’une économie de subsistance à une économie monétaire et une production orientée vers le marché. Il a encouragé les habitants des villages à créer des organisations coopératives d’épargne et de crédit (SACCO) pour recevoir des fonds gouvernementaux destinés au développement. 

Le ministre d’État à la microfinance, Hajji Haruna Kasolo, a déclaré dans une interview que le gouvernement avait alloué des fonds considérables pour soutenir les SACCO. Les fonds doivent être utilisés pour l’agriculture, les affaires et d’autres activités, puis remboursés en un an pour que d’autres membres puissent également en bénéficier, a-t-il expliqué. En 2020, le gouvernement a fourni 140 milliards de shillings (37,1 millions de dollars), 170 milliards de shillings (45,2 millions de dollars) en 2021 et 260 milliards de shillings (69,1 millions de dollars) pour 2022/2023.

Stella Namazzi, une ancienne vendeuse de légumes qui gérait un petit étal avec un capital de 300 000 shillings (79 dollars), a bénéficié du programme Emyooga. Elle est membre d’une SACCO par l’intermédiaire de laquelle elle a obtenu un prêt de 700 000 shillings (185 dollars), portant son capital à un million de shillings (265 dollars). Grâce à ce prêt, Stella a pu augmenter ses revenus quotidiens de 5 000 (1,33 dollar) à 20 000 shillings (5,3 dollars) par jour. « Maintenant, je peux payer les frais de scolarité de mes enfants et j’ai acheté un terrain pour y construire une maison », a-t-elle déclaré avec enthousiasme. 

Stella n’est qu’un exemple parmi les nombreux bénéficiaires d’Emyooga en Ouganda, qui ont reçu des prêts pour développer leur entreprise et améliorer leur qualité de vie. 

Un membre d’une SACCO de tailleurs vend des produits à Bugangaizi, dans l’ouest de l’Ouganda, le 22 février. (COMPTE TWITTER DU PROGRAMME EMYOOGA) 

Modèle de développement paroissial 

Après avoir constaté que l’ensemble des Ougandais ne bénéficiait pas de l’accès aux fonds grâce à l’initiative Emyooga, le gouvernement a élaboré un programme alternatif nommé le Modèle de développement paroissial (PDM). Les sous-comtés ougandais sont subdivisés en paroisses, lesquelles sont à leur tour réparties en villages. 

Le PDM est une stratégie gouvernementale qui vise à créer des richesses et des emplois au niveau des paroisses, considérées comme l’unité la plus élémentaire de planification économique. Son objectif est d’améliorer les services, d’augmenter les revenus et d’améliorer le bien-être des Ougandais au niveau des foyers. 

Contrairement à l’initiative Emyooga, qui cible les individus au sein des SACCO, le PDM prévoit des montants financiers plus conséquents pour ceux qui souhaitent mettre en place des projets tels que des industries artisanales, des exploitations agricoles ou des écoles. Chaque année, chaque paroisse reçoit 100 millions de shillings (26 507 dollars) à répartir équitablement entre 100 personnes, lesquelles utilisent ces fonds pour lancer une industrie artisanale ou mener à bien des projets agricoles. Les bénéficiaires doivent ensuite rembourser cet argent avec un taux d’intérêt annuel de 8 % sur une période de cinq ans. 

Le 26 février 2022, lors d’une cérémonie dans le district de Kibuku, situé à l’est de l’Ouganda, le Président Museveni a inauguré le PDM et annoncé la distribution de fonds. Il a encouragé les Ougandais désireux de lancer de nouveaux projets ou d’améliorer ceux sur lesquels ils travaillent déjà, à tirer parti du PDM. « Si chaque district, comptant des dizaines de paroisses, reçoit des fonds du PDM, plus d’un million d’Ougandais bénéficieront chaque année d’un million de shillings chacun pour le développement. Cette année, plus de 70 % des districts devraient recevoir les sommes allouées au PDM », a-t-il souligné. 

Lors d’un discours spécial au Parlement concernant le PDM, M. Museveni a également adressé un avertissement sévère à quiconque serait impliqué dans des actes frauduleux ou des vols liés aux initiatives Emyooga et PDM, affirmant qu’il traiterait ces individus de manière ferme et résolue. 

D’après Matia Kasaija, ministre des Finances, de la Planification et du Développement économique, un budget de 1,06 milliard de shillings (265 000 dollars) a été alloué au PDM pour l’année financière en cours. 

Plusieurs bénéficiaires du PDM ont partagé leur expérience. James Oyet, qui était auparavant conducteur de moto-taxi avec la vieille moto de son patron, en a acheté une nouvelle après avoir reçu un million de shillings (265 dollars) provenant du PDM, en utilisant également une partie de ses économies personnelles. Kelly Mujaga, un entrepreneur en menuiserie, a doublé sa production mensuelle de chaises, passant de 15 à 30, après avoir reçu un million de shillings également. Dans le domaine agricole, Martha Akello a agrandi sa porcherie de 20 porcelets, recevant la même somme du PDM, alors qu’elle n’en possédait que cinq auparavant. 

Lors d’une interview récente, la Première ministre Nabbanja a affirmé que l’introduction d’Emyooga et du PDM devrait permettre d’éliminer prochainement la pauvreté. 

Reportage d’Ouganda