La coopération dans le domaine de l’enseignement professionnel 
entre les pays BRICS s’avère prometteuse. 

Un participant chinois à la Belt & Road and BRICS Skills Development & Technology Innovation Competition, à Shenyang, dans la province du Liaoning, en Chine, le 15 décembre 2020. (XINHUA) 

Décortiquons notre vision de l’éducation en 2050 : quelles pratiques devons-nous perpétuer ? Lesquelles devrions-nous abandonner ? Et quels aspects nécessitent une réflexion créative pour une refonte ? L’UNESCO a donné des éléments de réponse à ces questions cruciales dans un rapport publié en novembre 2021, intitulé « Repenser nos futurs ensemble : un nouveau contrat social pour l’éducation ». Dans cette optique, un appel a été lancé pour une métamorphose radicale de l’éducation, visant à rectifier les injustices du passé et à renforcer notre volonté collective d’œuvrer pour un avenir plus durable et équitable. 

Les pays BRICS sont interdépendants sur le plan économique et ont mutuellement à gagner dans le développement des ressources humaines. En tant que mécanisme de coopération essentiel pour stimuler la gouvernance mondiale, ce groupe doit s’efforcer d’élargir le vivier de talents. À cet égard, la coopération en matière d’enseignement et de formation techniques et professionnels (EFTP) est un outil efficace. 

Le système d’EFTP le plus vaste au monde 

La Chine accorde une priorité à l’EFTP pour mieux adapter les institutions éducatives aux évolutions de l’industrie. Dans cette démarche, elle a commencé par tirer des leçons de pays développés comme l’Allemagne et le Royaume-Uni, avant de concevoir une voie de développement adaptée à ses propres conditions. Aujourd’hui, la Chine dispose du système d’EFTP le plus étendu au monde, présentant une diversité de niveaux, de catégories et de disciplines. 

En 2021, la Chine comptait 7 294 lycées professionnels, 1 486 collèges professionnels et 32 universités professionnelles. L’année passée, le secteur a franchi le cap symbolique des 800 milliards de yuans (110,8 milliards de dollars) de marché, attirant plus de 700 investissements en une décennie et recueillant 37,2 milliards de yuans (5,2 milliards de dollars) de financements. Ces chiffres illustrent l’augmentation de la demande pour les travailleurs qualifiés et le besoin de renforcer et de réinventer la coopération internationale dans ce domaine. 

En effet, l’EFTP se distingue de l’enseignement général en se focalisant sur la formation de personnel possédant des compétences pratiques et une expertise spécifique. Ces dernières années, avec l’émergence de nouvelles industries et la mobilité internationale des travailleurs hautement qualifiés, le secteur de l’EFTP a connu une transformation digitale, informatique et intelligente. Le développement de l’enseignement professionnel n’est plus l’affaire d’un seul pays. Cela implique qu’en plus de la formation aux compétences techniques, les enseignants doivent mettre l’accent sur le concept de « communauté de destin pour l’humanité ». À l’instar de l’éducation à la citoyenneté mondiale, ce dernier doit également être intégré dans les programmes de formation professionnelle, afin de promouvoir la compréhension internationale, la tolérance, la vision globale et le sens des responsabilités chez les apprenants. 

Un participant russe à la Première Silk Road Craftsman International Skills Competition, à Beijing, le 26 juin 2019. (XINHUA) 

Initiatives d’alignement et d’harmonisation 

Dans le contexte de la mise en œuvre conjointe de l’initiative « la Ceinture et la Route », la Chine renforce son engagement auprès de ses partenaires des BRICS en vue de développer l’EFTP dans une perspective d’intérêt mutuel. Divers mécanismes d’alignement ont été établis pour harmoniser les politiques entre les cinq États. En décembre 2017, la Chine a inauguré le premier atelier Luban au sein du groupe en Inde. En l’espace de quelques années, ce programme a stimulé la coopération en termes de capacité de production entre les pays membres, tout en véhiculant l’esprit de l’artisanat chinois et en partageant la sagesse de la Chine avec la communauté internationale, servant ainsi de pont de communication entre les acteurs de l’enseignement professionnel. 

En 2018, la Chine et la Russie ont lancé conjointement le « système de passeport de compétences », qu’elles ont d’abord promu parmi les pays BRICS. Il s’agit d’un système d’évaluation et de certification des compétences, dont l’application contribue à renforcer la formation des talents techniques et facilite l’harmonisation des normes de compétences professionnelles entre les pays partenaires. Depuis 2020, l’International Alliance of Skills Development for Belt & Road and BRICS a réuni des experts de divers domaines pour perfectionner ce système et développer le matériel pédagogique nécessaire à une formation appropriée. 

Par ailleurs, la China &Africa (South Africa) Technical and Vocational Education Cooperation Alliance a été établie à Changzhou (Jiangsu), en 2018. En parallèle, le Changzhou College of Information Technology a établi sa branche Institut Bozhon en Afrique du Sud. Entre décembre 2021 et février 2022, deux séminaires ont été organisés respectivement à Tianjin et à Shenzhen (Guangdong) pour favoriser la coopération sino-indienne et sino-brésilienne dans le domaine de l’EFTP. Ces mécanismes et plateformes d’échange témoignent des efforts communs déployés par les pays BRICS dans leur coopération éducative. 

Le lancement officiel du Centre d’innovation du partenariat des BRICS sur la nouvelle révolution industrielle à Xiamen, dans la province du Fujian, en Chine, en décembre 2020. (XINHUA) 

Un engagement approfondi et élargi 

Le 26 mai 2022, à l’issue de la 9^e réunion des ministres de l’Éducation des BRICS organisée par visioconférence, une déclaration a été adoptée sur les priorités et l’orientation de la future coopération dans le domaine de l’éducation. Les ministres ont convenu de préserver l’esprit d’ouverture, d’inclusion et de coopération mutuellement bénéfique du groupe, d’élargir l’espace de coopération en matière d’éducation, d’intensifier les échanges éducatifs et de promouvoir le développement conjoint de l’éducation entre les cinq pays. Cet engagement a poussé la création de l’Alliance pour l’enseignement professionnel (BRICS TVET Cooperation Alliance) lors du 14^e Sommet des BRICS, qui s’est tenu par visioconférence le 23 juin de la même année. Le lancement de cette alliance soutient la transformation économique et la modernisation industrielle des pays membres. 

Dans la même dynamique, la première Conférence mondiale sur le développement de l’enseignement professionnel et technique (World Vocational and Technical Education Development Conference) s’est déroulée les 19 et 20 août de la même année à Tianjin. L’événement a été marqué par l’organisation d’un forum et de 14 sous-forums, en présence physique et en ligne, sous le thème « Le développement de l’enseignement professionnel et technique à l’ère post-pandémique – Nouveaux changements, nouveaux moyens et nouvelles compétences ». Les participants ont réfléchi à la manière de faire de l’EFTP un levier pour remédier aux problèmes de développement déséquilibré et insuffisant, et de concevoir un modèle de développement plus efficace, plus équitable, plus durable et plus sain. En marge de la conférence, la Chine a organisé le premier Concours international de compétences techniques des écoles professionnelles (World Vocational College Skills Competition). 

Dans cette perspective, les projets de coopération des BRICS en matière d’EFTP se sont multipliés depuis 2022, avec des résultats très fructueux. Grâce à la participation de gouvernements, d’entreprises et d’institutions partenaires, la coopération a pris diverses formes : formation d’enseignants, forum de dirigeants d’institutions, camp pour étudiants, étude conjointe, concours de compétences professionnelles, entre autres. Ces activités d’échange et d’interaction ont permis d’améliorer les compétences non techniques des talents professionnels, telles que la communication, la coordination, l’innovation, l’identité culturelle, la compréhension, les échanges interculturels et le travail en équipe. 

L’innovation au cœur du développement 

L’innovation est une force motrice cruciale pour le progrès économique et social. Aujourd’hui, face à l’incertitude qui plane sur l’économie et la politique mondiales, les pays BRICS sont confrontés à un défi, mais aussi à une opportunité. Ils doivent répondre à cette situation inédite par des initiatives innovantes. 

Il est d’abord nécessaire d’exploiter la complémentarité entre les différents acteurs. En organisant des concours de compétences professionnelles, par exemple, les entreprises peuvent être encouragées à jouer un rôle plus significatif dans ce secteur pour mieux relier l’éducation au monde du travail. De plus, les pays partenaires devraient chercher un terrain d’entente tout en respectant leurs différences, afin d’assurer la confiance mutuelle et la communication à différents niveaux dans le cadre de leur collaboration. 

En outre, la coopération internationale en matière d’EFTP devrait inclure l’harmonisation des normes professionnelles et l’élaboration de nouvelles règles adaptées à la situation actuelle et aux conditions nationales. D’une part, cela permettra aux travailleurs qualifiés chinois de se conformer plus efficacement aux normes professionnelles mondiales, facilitant ainsi leur mobilité internationale. D’autre part, cette approche accélérera l’accueil de talents des pays partenaires en Chine et palliera la pénurie de personnel dans certains domaines. 

Enfin, cette coopération ne devrait pas se limiter à de simples échanges internationaux, tels que des visites d’étude. Il est essentiel de se concentrer sur la création d’un vivier de talents à long terme, valorisant la pratique et l’adaptabilité, pour former des professionnels innovants, entreprenants et dotés d’une perspective internationale. 

Dans cette optique, le Centre d’innovation du partenariat des BRICS sur la nouvelle révolution industrielle (BRICS Partnership on New Industrial Revolution Innovation Center) a été officiellement lancé à Xiamen, dans la province du Fujian, en décembre 2020. En collaboration avec l’Université de Xiamen et l’Université pour les Chinois d’outre-mer, ce centre a rassemblé les talents de la Ligue des universités des BRICS et de l’Université de réseau des BRICS, renforçant ainsi le partenariat des cinq pays sur la nouvelle révolution industrielle. En se concentrant sur le développement numérique de l’enseignement supérieur, il vise à créer un vivier de professionnels pour le groupe. 

Vue extérieure du Centre national de conférences internationales (Tianjin), où s’est tenue, les 19 et 20 août 2022, la première Conférence mondiale surle développement de l’enseignement professionnel et technique. (XINHUA) 

Faire face aux défis 

Depuis l’établissement du mécanisme, la coopération entre les pays BRICS n’a cessé de se renforcer, couvrant une vaste gamme de domaines dont l’agriculture, la science et la technologie, la culture, la santé, l’éducation et les groupes de réflexion. En 2017, lors du 9^e Sommet des BRICS à Xiamen, les cinq pays ont réitéré leur détermination à poursuivre résolument leur coopération économique, politique et culturelle. Les dirigeants ont tous soutenu l’initiative d’établir un modèle « BRICS Plus » pour augmenter la valeur du groupe. Ainsi, la seconde décennie de coopération a été lancée. En 2022, sous la présidence de la Chine, la création d’un partenariat de haute qualité a été mise à l’ordre du jour. Cette initiative est de grande importance pour la future coopération des cinq pays en matière d’EFTP. Cela signifie que la Chine verra un plus grand nombre de jeunes s’engager dans l’enseignement professionnel international pour partager des idées et contribuer au développement à long terme de la communauté internationale. 

Cependant, il faut reconnaître que cette coopération a encore des lacunes. Certaines entreprises chinoises implantées à l’étranger rencontrent des problèmes de communication avec leurs homologues locaux. Leur personnel, souvent en manque de connaissance des langues et des coutumes locales, est parfois limité à des postes techniques. Pour pallier cela, il est nécessaire d’établir un mécanisme de formation de haute qualité, d’aligner l’enseignement professionnel local sur les règles internationales, et de favoriser l’implication des entreprises. De plus, avec le développement de nouvelles technologies, l’enseignement professionnel dans les pays BRICS peut utiliser des programmes d’études numériques et des matériaux d’enseignement électroniques pour renforcer sa numérisation. 

La promotion de la coopération et des échanges en matière d’EFTP entre les pays BRICS contribuera non seulement au développement des ressources humaines à long terme et à la transformation du « dividende démographique » en « dividende du talent », mais aussi à la compréhension et l’appréciation mutuelle des cinq pays. À l’avenir, les pays partenaires, en tenant compte de leurs besoins en développement des talents, uniront leurs efforts pour relever les nouveaux défis dans une perspective de développement durable, contribuant ainsi à la reprise économique mondiale et à l’amélioration de la gouvernance mondiale dans l’ère post-pandémique. 

L’auteure est chercheuse adjointe à l’Institut d’études africaines de l’Université normale du 
Zhejiang, Chine.