Deux fermiers préparent un drone agricole pour la surveillance des cultures à Tianmen, dans la province du Hubei, le 1er mars 2023. (XINHUA)

À Shenzhen, une ville phare du Guangdong en matière d’innovation technologique, les habitants ont récemment intégré les hélicoptères à leur palette de transports en tant que « taxis aériens ». Ces derniers coexistent avec les bus, les taxis traditionnels et le métro. Grâce à ces taxis aériens, les passagers jouissent de vues panoramiques imprenables sur le paysage urbain pittoresque de la ville, rendant leur déplacement non seulement pratique, mais aussi visuellement attrayant. Alors qu’un trajet terrestre de 40 km pourrait durer une heure dans des conditions de circulation idéales, un taxi aérien couvre cette même distance en seulement dix minutes.

L’accès à ces taxis innovants se fait depuis le sommet d’un gratte-ciel de 40 étages, où les passagers reçoivent une formation succincte et passent des contrôles de sécurité rigoureux. Au cours de l’année passée, Shenzhen a lancé plusieurs lignes de taxis aériens reliant des villes voisines telles que Guangzhou et Zhuhai, révolutionnant ainsi les temps de trajet interurbains.

Mais à Shenzhen, l’adoption du transport aérien ne se limite pas aux personnes. Les marchandises sont également acheminées à travers la ville par voie aérienne. Ainsi, ne soyez pas étonné si un jour, un drone dépose un colis à votre porte.

Les véhicules volants à basse altitude, comme les hélicoptères et les drones, sont devenus courants, formant une nouvelle couche du réseau urbain. Ce qui était autrefois de la science-fiction est maintenant une réalité, où ces appareils volent au-dessus des villes. Cette évolution fait partie d’une économie de basse altitude en plein essor, englobant la fabrication, l’opération et les services liés aux véhicules aériens civils, avec ou sans pilote.

Un océan bleu

Plus de 120 ans après le premier vol des frères Wright, l’avènement de l’aviation a métamorphosé le vaste ciel en une ressource économique inestimable. Cependant, malgré l’utilisation intensive de l’espace aérien à moyenne et haute altitude par l’aviation civile, l’espace aérien inférieur reste largement sous-exploité.

« L’économie de basse altitude recèle un potentiel immense », a affirmé Xiang Zheng, secrétaire général adjoint et directeur du bureau de liaison de Beijing de l’Association de l’industrie des véhicules aériens sans pilote de Shenzhen, lors d’une interview avec Beijing Review. « La rapide évolution technologique, combinée à une diversité d’applications pratiques, ouvre un champ considérable de possibilités pour l’économie de basse altitude. »

L’exploitation de l’espace aérien bas est en hausse dans les grandes villes en raison des contraintes de développement au sol. M. Xiang note que les régions de basse altitude offrent une extension géographique précieuse.

Les experts prédisent que l’économie de basse altitude pourrait dépasser l’industrie de la conduite autonome, formant un marché de plusieurs milliards de dollars. M. Xiang explique que contrairement aux véhicules autonomes, les moyens de transport à basse altitude ne sont pas en conflit avec les infrastructures existantes, et de nombreux pays ont une approche ouverte envers ce secteur, favorisant son développement.

Selon un livre blanc publié en novembre dernier par l’Académie internationale de l’économie numérique de Shenzhen, l’économie de basse altitude pourrait contribuer à hauteur de 3 000 à 5 000 milliards de yuans (419,9 à 699,8 milliards de dollars) à l’économie chinoise d’ici 2025. Ce document met en lumière les rendements élevés des investissements dans ce secteur, en particulier dans un contexte où les investissements traditionnels dans les infrastructures rencontrent des limites de croissance. La construction d’infrastructures de basse altitude est vue comme un levier d’investissement efficace, posant cette économie comme un nouveau terrain de compétition parmi les puissances économiques mondiales.

« La Chine se positionne en leader international dans le développement de produits et technologies de basse altitude, tels que les drones et les véhicules aériens électriques à décollage et atterrissage verticaux (eVTOL) », a indiqué M. Xiang. « Ces innovations deviennent la nouvelle “signature technologique” de la Chine. »

Actuellement, la Chine domine le marché mondial des drones avec une part de marché de plus de 70 %. Les entreprises chinoises d’eVTOL, comme EHang et Autoflight, sont en train de définir des standards industriels à l’échelle mondiale.

Atterrissage d’un hélicoptère, marquant le lancement de nouvelles routes aériennes basses, à Jintang, dans la province du Sichuan, le 24 décembre 2023. (XINHUA)

Braver des territoires inexplorés

Ces dernières années, la Chine a placé l’économie de basse altitude au cœur de son développement stratégique, l’intégrant officiellement en 2021 dans son plan national de développement. Depuis lors, ce secteur a connu une expansion rapide. Selon des données de l’Administration de l’aviation civile de Chine, en août 2023, le nombre de véhicules aériens sans pilote civils enregistrés a atteint plus de 1,11 million, marquant une hausse de près de 16 % par rapport à l’année précédente. Parallèlement, les licences de pilote de drone délivrées ont franchi le cap des 182 000, avec plus de 17 000 entreprises de drones enregistrées.

La Conférence centrale sur le travail économique de fin 2023 a classé l’économie de basse altitude comme industrie stratégique émergente, aux côtés de la biofabrication et de l’aérospatiale commerciale. Seize provinces chinoises ont évoqué ce secteur et l’aviation générale l’an dernier. Des villes comme Shenzhen, Hefei, Guangzhou et Chengdu ont mis en place des politiques incitatives pour devenir leaders dans ce domaine.

Au-delà des entreprises spécialisées dans les drones et les eVTOL, les firmes à forte composante Internet intensifient également leur présence dans ce secteur. En 2022, SF Express est devenue la première entreprise chinoise à tester des véhicules aériens sans pilote régionaux. Meituan a lancé en 2023 une opération de livraison commerciale par drone, tandis que les drones de JD.com sont déjà en service dans plusieurs régions de Chine.

« L’économie de basse altitude est à un tournant stratégique crucial. Un environnement politique favorable, la convergence rapide des entreprises, des applications variées, une forte demande de marché, des technologies matures et des avantages stratégiques clairs favorisent cette période de développement », a soutenu M. Xiang.

Le secteur est confronté à des défis tels qu’un cadre réglementaire complexe, la nécessité de renforcer la chaîne d’approvisionnement, d’améliorer les infrastructures et d’établir des normes plus strictes. M. Xiang indique que l’intégration des technologies de basse altitude prendra environ trois à cinq ans, nécessitant une gestion efficace de l’espace aérien, la construction de réseaux de transport aérien, des normes institutionnelles uniformes et des réglementations adaptées.

Actuellement, il n’existe aucun modèle économique établi ou format commercial prédéfini dans ce domaine. L’exploration de nouveaux chemins pour l’économie de basse altitude équivaut à naviguer en territoire inconnu. Cela nécessite une approche pragmatique, itérative et à long terme.

ZHANG SHASHA, journaliste à Beijing Review