2024-09-02 |
Semer les graines de l'espoir |
VOL.16 / SEPTEMBRE 2024 · 2024-09-02 |
Mots-clés: FCSA |
Le responsable partenariats en Asie de l’AGRA esquisse les perspectives de la collaboration agricole entre la Chine et l’Afrique.
Le responsable partenariats en Asie de l’AGRA, Cheng Cheng (à gauche), lors d’une visite de la plus grande ferme de piments séchés dans la province orientale, au Rwanda, en mai. (COURTOISIE)
L’accélération de la mondialisation a élevé la coopération agricole entre la Chine et l’Afrique à un nouveau palier. Le premier Forum de
coopération agricole sino-africaine (FOCACA), qui s’est tenu en 2019 à Hainan, a marqué un nouvel élan dans cette collaboration. À cette occasion, l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA), une organisation internationale dirigée par l’Afrique et fondée par l’ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan en 2006, a signé un protocole d’entente de collaboration avec le ministère chinois de l’Agriculture et des Affaires rurales. Lors du deuxième FOCACA en 2023, les deux parties ont réaffirmé leur engagement mutuel. À l’approche du Sommet de Beijing du Forum sur la Coopération sino-africaine (FCSA) en septembre, CHINAFRIQUE a eu l’opportunité de s’entretenir avec le Dr Cheng Cheng, responsable partenariats en Asie de l’AGRA, afin d’évaluer l’état actuel et les perspectives de cette coopération, notamment en ce qui concerne la réponse aux défis climatiques pour le développement agricole.
CHINAFRIQUE : Dans quels secteurs l’AGRA
envisage-t-elle d’intensifier sa collaboration avec le gouvernement chinois pour promouvoir ensemble la modernisation de l’agriculture en Afrique ?
Cheng Cheng : Tout d’abord, c’est un véritable honneur pour l’AGRA d’être intégrée dans le Programme d’assistance à la modernisation de l’agriculture de l’Afrique, en tant que principal partenaire africain. Ce plan a été présenté par la Chine lors du Dialogue des dirigeants Chine-Afrique, qui s’est tenu à Johannesburg, en Afrique du Sud, en 2023.
Dans le cadre de notre collaboration avec la Chine, nous nous concentrons essentiellement sur trois axes : le développement conjoint de la chaîne de valeur, le transfert de technologies agricoles, ainsi que l’échange d’expériences concernant la création d’emplois dans le secteur alimentaire, en particulier pour les jeunes et les femmes.
De plus, l’AGRA attache une importance considérable à la coopération avec les gouvernements locaux en Chine. Par exemple, elle collabore avec la province de Hainan sur trois axes fondamentaux. Étant donné la position privilégiée de Hainan dans les domaines de la science, de l’investissement et du commerce agricoles, l’AGRA espère que cette coopération pourra favoriser l’augmentation de la productivité de l’agriculture en Afrique, notamment dans le secteur de l’horticulture, et dynamiser les échanges commerciaux agricoles entre la Chine et l’Afrique.
Enfin, l’AGRA vise à promouvoir des collaborations susceptibles d’apporter des avantages significatifs aux populations africaines et chinoises, en mettant particulièrement l’accent sur les petits agriculteurs.
Quelle est, à votre avis, l’importance stratégique de la coopération agricole entre la Chine et l’Afrique dans la lutte contre le changement climatique ?
Le changement climatique a un impact de plus en plus significatif sur la production agricole en Afrique. Entre l’été 2020 et l’été 2023, certaines parties de la Corne de l’Afrique n’ont enregistré presque aucune précipitation. Au Mozambique, les infrastructures endommagées par les cyclones Idai, Kenneth et Eloise, survenus entre 2019 et 2021, n’ont pas encore été entièrement restaurées. Au Kenya, les effets du changement climatique ont provoqué des modifications notables dans le régime pluviométrique. La saison des pluies principale de cette année a débuté près de 20 jours plus tôt que d’habitude, tandis que la saison des pluies courte s’est étendue d’au moins 20 jours. Pour l’agriculture pluviale, qui est prédominante en Afrique, ces bouleversements rendent l’adaptation extrêmement difficile pour les agriculteurs, entraînant des pertes conséquentes.
La fragilité des infrastructures en Afrique, combinée à une capacité d’adaptation limitée à la sécheresse et aux inondations, expose l’agriculture à une vulnérabilité accrue face aux effets du changement climatique. Toutefois, cette situation crée également des opportunités pour une collaboration agricole entre la Chine et l’Afrique. Ensemble, elles peuvent travailler à la création de variétés de cultures résistantes aux aléas climatiques, à l’amélioration des protections financières et des systèmes d’assurance contre les risques, ainsi qu’à l’optimisation des infrastructures, notamment des installations d’irrigation, afin d’accroître la résilience de l’agriculture africaine au changement climatique.
Le responsable partenariats en Asie de l’AGRA, Cheng Cheng, prononce un discours lors du deuxième Forum de coopération agricole sino-africaine, à Sanya, dans la province de Hainan, en novembre 2023. (COURTOISIE)
Quels sont, selon vous, les domaines les plus prometteurs pour les investissements agricoles chinois en Afrique ?
Pour les entreprises chinoises désireuses d’investir dans le secteur agricole en Afrique, il est primordial de saisir la notion de « système alimentaire ». Il est crucial d’orienter les efforts non seulement sur la culture, mais également sur les différentes étapes telles que la récolte, le séchage, le battage, l’entreposage et même le transport. En effet, les pertes post-récoltes, qui se chiffrent entre 35 et 40 % sur le continent africain, constituent un défi majeur à surmonter, tout en offrant un potentiel d’investissement considérable.
La demande croissante de machines agricoles en Afrique représente également une opportunité significative pour les entreprises chinoises opérant dans ce domaine. La croissance de l’économie africaine, notamment dans des pays comme le Nigeria, le Kenya et la Tanzanie, devrait engendrer une demande annuelle dépassant 100 000 tracteurs d’ici 2050. Toutefois, la présence chinoise en Afrique repose principalement sur des agents locaux, ce qui entraîne un manque de systèmes de maintenance et de service adaptés. Cette situation limite les ventes de produits volumineux et de grande valeur.
Pour remédier à cette situation, la Coalition Chine-Afrique pour les machines agricoles sera créée en septembre, lors du Sommet africain sur les systèmes alimentaires organisé par l’AGRA. Cette initiative vise à établir des partenariats entre les fournisseurs chinois et les acheteurs africains, à garantir la qualité des équipements, à faciliter l’accès au financement en provenance de Chine, ainsi qu’à promouvoir la coopération en matière de recherche, de développement et de production de machines adaptées aux besoins du continent africain. De plus, cette coalition s’engage à coordonner des services de maintenance et à organiser des ventes directes, dans le but de réduire la dépendance envers les intermédiaires. L’ambition de cette initiative est de renforcer la compétitivité des machines chinoises sur le marché africain et d’accélérer le processus de mécanisation de l’agriculture en Afrique.
Quelles sont vos attentes concernant la collaboration future dans le secteur agricole entre la Chine et l’Afrique ?
Je suis d’avis que le Plan d’action de Dakar annoncé lors de la huitième Conférence ministérielle du FCSA en 2021 a été efficacement mis en œuvre dans le domaine de la coopération agricole. J’espère également que nos différentes initiatives mutuellement bénéfiques seront alignées sur la construction du port de libre-échange de Hainan. J’ai toujours considéré que la coopération agricole entre la Chine et l’Afrique nécessitait davantage d’incitations politiques que de simples financements. Des politiques adéquates, judicieusement appliquées, produiront des résultats bien plus significatifs que la seule augmentation des ressources financières.
Le principal défi auquel l’agriculture africaine est confrontée réside dans l’absence d’un système de marché efficace pour les produits agricoles. Les petits agriculteurs africains sont peu motivés à accroître leur production, essentiellement en raison des coûts élevés liés aux engrais, aux infrastructures telles que les systèmes d’irrigation, ainsi qu’aux équipements de transformation. Même lorsque ces investissements sont réalisés, les prix des produits agricoles locaux surpassent ceux des importations en raison des frais de transaction élevés. Cette situation perturbe le mécanisme de formation des prix et décourage la production. J’espère que la Chine pourra apporter un soutien accru à l’Afrique en matière d’infrastructures rurales, notamment par la construction de routes et d’installations d’irrigation, afin de réduire les coûts de transaction et de stimuler la production agricole.
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