2025-01-02 |
Une figure de prouesse |
VOL. 16 / DÉCEMBRE 2024 par LI XIAOYU · 2025-01-02 |
Mots-clés: jeune chercheur camerounais ; échanges culturels |
Le Dr Taling Tene Rodrigue lors du tournage du film documentaire Rêve de kung-fu à l’Université des sports de Shanghai, en septembre 2023. (COURTOISIE)
Le film documentaire Rêve de kung-fu s’apprête à prendre l’affiche dans les salles de cinéma chinoises. Ce titre vibrant retrace le parcours exceptionnel du Dr Taling Tene Rodrigue, chercheur camerounais qui, guidé par son désir d’explorer la philosophie des arts martiaux, s’embarque dans un voyage culturel et initiatique en Chine. Bien plus qu’un simple récit personnel, ce voyage crée un pont entre deux cultures et révèle comment des valeurs universelles inhérentes aux arts martiaux, telles que la discipline, le respect et la persévérance, peuvent transcender les frontières géographiques et culturelles.
Là où sont semées les graines de rêve
L’origine de « rêve de kung-fu » du Dr Rodrigue remonte à son enfance à Bafoussam, ville de l’ouest du Cameroun. C’est en visionnant les films de Bruce Lee, Jackie Chan et Jet Li que le jeune Rodrigue a été touché par la profondeur spirituelle et philosophique du kung-fu. Au-delà du combat, il voyait dans les arts martiaux un chemin vers la force intérieure, l’équilibre et la sagesse. Inspiré par cette vision, il a nourri dès son plus jeune âge le rêve de devenir, à l’instar de Bruce Lee, une figure emblématique du kung-fu. Au fil des ans, cet intérêt s’est mué en une passion profonde, au cœur de son parcours académique et personnel.
Après ses études secondaires à Bafoussam, il s’est installé à Dschang pour poursuivre ses études supérieures, où il a découvert pour la première fois des clubs de kung-fu. Séduit par cette opportunité de se rapprocher de son rêve, il a décidé de rejoindre l’un de ces clubs. Durant ses années à l’Université de Dschang, il a ainsi combiné des études rigoureuses avec la pratique intensive des arts martiaux chinois. Sa fascination pour Bruce Lee l’a amené à se former au Jeet Kune Do (JKD), discipline fondée par son idole. Il apprécie particulièrement son approche « sans style » qui invite à adapter les techniques selon ses propres besoins. « C’est une manière de manifester non seulement des aptitudes physiques, mais également un développement intellectuel et spirituel », explique-t-il à CHINAFRIQUE.
Après avoir obtenu sa licence, il s’est installé à Yaoundé, où il a fondé son propre club de kung-fu, le Young Tiger Temple. Désireux d’approfondir sa compréhension de la philosophie des arts martiaux chinois, il a intégré, dès 2010, l’Institut Confucius de l’Université de Yaoundé II pour se former et se perfectionner en langue chinoise. L’apprentissage du chinois est dès lors devenu un élément essentiel de sa démarche. Il a découvert que la langue et les arts martiaux sont étroitement liés : des termes comme qi (énergie vitale) ou dao (voie), revêtent des significations essentielles pour appréhender l’essence même des arts martiaux chinois. « En étudiant le chinois, j’ai pu mieux saisir ces concepts et échanger directement avec les maîtres et les pratiquants en Chine, ce qui a enrichi ma pratique des arts martiaux et élargi mes horizons », souligne-t-il.
Le Dr Taling Tene Rodrigue (au centre) et ses disciples à Yaoundé au Cameroun, le 17 août. (COURTOISIE)
Un voyage d’exploration en Chine
Un an plus tard, il a décidé de poursuivre ses études en Chine, se rapprochant davantage de son « rêve de kung-fu ». Il a ainsi poursuivi un master en chinois langue étrangère à l’Université normale du Zhejiang, suivi d’un doctorat en culture et sport traditionnel à l’Université des sports de Shanghai. Dans le cadre de sa thèse, il a retracé l’évolution des arts martiaux chinois en Afrique et a examiné l’interaction entre ces arts martiaux et les disciplines martiales africaines. Il a également mis en lumière le rôle clé des cultures martiales sino-africaines dans la promotion des échanges entre les peuples de Chine et d’Afrique, en particulier à travers les films d’arts martiaux, introduisant pour la première fois le concept de « films de kung-fu sino-africains ».
Après son doctorat, il a rejoint l’Institut d’études africaines de l’Université normale du Zhejiang, où il a trouvé une plateforme unique pour poursuivre ses recherches et promouvoir les échanges culturels sino-africains, notamment à travers sa passion pour les arts martiaux et le cinéma de kung-fu. Il y dirige le Centre d’études sur le cinéma et la télévision africains, avec un intérêt particulier pour la production de films de kung-fu sino-africains. En parallèle, il s’intéresse à l’évolution des relations sino-africaines, mettant en avant l’importance de la diplomatie culturelle et des échanges médiatiques pour favoriser le dialogue entre les deux cultures.
La promotion des échanges culturels entre la Chine et l’Afrique reste au cœur de son travail. Il a participé à la création de diverses initiatives, notamment des programmes académiques entre l’Université normale du Zhejiang et certaines universités du Cameroun, des projets de cinéma et de collaboration entre médias chinois et africains. Il organise également des ateliers qui enseignent aux étudiants chinois les arts, les musiques et les danses africains, et surtout à travers le Musée africain mis sur pied en 2010 à l’Université normale du Zhejiang. D’après lui, cette approche pratique aide à briser les stéréotypes et encourage une compréhension plus profonde et plus nuancée des deux cultures.
Continuer sur sa lancée
Fort de son expérience personnelle, il a collaboré, à partir de septembre 2023, avec son équipe de production de l’Université normale du Zhejiang pour réaliser le film documentaire Rêve de kung-fu, dont il est à la fois coréalisateur, scénariste et acteur principal. Ce documentaire explore l’inspiration réciproque entre les cultures africaine et chinoise à travers les arts martiaux. Au-delà des techniques physiques, il met en avant la transformation spirituelle et émotionnelle, abordant des thèmes universels tels que la discipline et l’équilibre. Son objectif est de déconstruire les stéréotypes, favorisant ainsi une compréhension plus approfondie et un échange culturel enrichissant entre les peuples chinois et africains.
Le Dr Rodrigue travaille sur des projets cinématographiques explorant la diaspora africaine en Chine et l’impact des arts martiaux sur les identités africaines et chinoises. Pour transformer ces idées en films d’action, au-delà de simples documentaires, il appelle à l’appui financier d’investisseurs. « Je lance un appel à ceux qui souhaitent contribuer à cette aventure sino-africaine autour du kung-fu, pour développer ensemble de nouvelles opportunités culturelles et audiovisuelles entre la Chine et l’Afrique. »
Dans un avenir proche, il envisage d’élargir l’étendue de ses recherches et de ses activités de sensibilisation, tant sur le plan académique que pratique. Actuellement, il rédige un ouvrage qui examine les points de rencontre entre les arts martiaux africains et chinois. Par ailleurs, il s’engage à promouvoir le cinéma africain sur le marché chinois et prévoit de collaborer à ce sujet avec le soutien des industries cinématographiques africaines, telles que Nollywood au Nigeria, Collywood au Cameroun, ainsi que d’autres acteurs du secteur.
Sur le plan personnel, il continue de pratiquer les arts martiaux, approfondissant notamment son engagement envers le JKD, qu’il considère comme une philosophie holistique de vie. « Je suis particulièrement enthousiaste à l’idée des perspectives d’échanges culturels enrichissants et de coopération entre la Chine et l’Afrique », conclut-il.
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