La Chine met en place une série de mesures visant à renforcer la consommation comme moteur clé de sa croissance. 

Tri de colis dans un centre logistique à Huzhou, dans la province du Zhejiang, le 11 novembre 2024. (XINHUA) 

Les touristes étrangers ont désormais une raison supplémentaire de faire des emplettes en Chine. Grâce à une nouvelle politique de remboursement immédiat de la taxe à l’achat, jamais il n’a été aussi facile pour les visiteurs internationaux de consommer sur place. 

Généralisée à l’ensemble du territoire depuis le 8 avril, cette réforme constitue une rupture décisive avec le dispositif précédent, où les remboursements de la taxe sur la valeur ajoutée n’étaient possibles qu’au moment du départ. Désormais, les touristes peuvent obtenir un remboursement instantané dans les boutiques participantes, après une simple préautorisation de leur carte bancaire. 

D’abord expérimentée à Shanghai, à Beijing, dans les provinces du Guangdong, du Sichuan et du Zhejiang, cette mesure s’inscrit dans une stratégie plus vaste : faire de la consommation intérieure un pilier central de la croissance économique chinoise. 

Virage vers le consommateur 

Ce remboursement n’est qu’un des nombreux leviers d’un rééquilibrage stratégique opéré par la Chine. Longtemps portée par les exportations et les investissements, son économie prend aujourd’hui un tournant résolument axé sur la consommation. Au cœur de cette transition s’affirme un nouveau modèle de développement fondé sur le rôle moteur du circuit national et l’interaction fluide entre les circuits national et international. 

Dans un contexte mondial marqué par l’incertitude – tensions commerciales, fragmentation géopolitique, ralentissement de la demande extérieure –, les autorités chinoises ont lancé une série d’initiatives destinées à stimuler la demande intérieure. La Conférence centrale sur le travail économique, tenue en décembre dernier, a donné l’impulsion : relancer la consommation avec vigueur, optimiser l’investissement et soutenir la demande domestique sur tous les plans. 

Cette volonté s’est traduite dès mars par la publication d’un vaste plan d’action politique, à la fois ambitieux et structuré. Son objectif : renforcer le pouvoir d’achat, alléger les charges financières et créer un environnement favorable à la consommation. 

Organisé en huit volets, ce plan s’attaque tant aux freins conjoncturels qu’aux obstacles structurels. Il entend favoriser la hausse des revenus grâce à des augmentations salariales équitables, une sécurité de l’emploi renforcée et une réforme du salaire minimum. Sur le plan patrimonial, il mise sur des solutions innovantes, notamment la valorisation des actifs ruraux à travers des modèles de location ou de participation au capital collectif, afin de diversifier les sources de revenus. 

Mais cette démarche dépasse les seules considérations économiques. Elle s’inscrit dans une réforme sociale d’ampleur. Un système de subventions pour la garde d’enfants vise par exemple à intégrer les travailleurs migrants, indépendants et journaliers dans la couverture maternité. Le financement des retraites et des soins médicaux de base pour les populations rurales et les résidents urbains non actifs sera également renforcé. 

Consciente du vieillissement démographique accéléré, la Chine entend aussi libérer le potentiel de consommation des seniors. Le plan favorise ainsi le développement de secteurs adaptés, tels que la santé préventive, le tourisme sur mesure ou encore les services axés sur le bien-être. 

Enfin, le plan prend en compte les spécificités régionales et sectorielles. Si l’immobilier et l’automobile conservent leur rôle moteur, de nouveaux relais de croissance émergent dans les technologies d’avant-garde : intelligence artificielle, objets connectés, impression 3D, robotique ou interfaces cerveau-machine. 

Deux passagers saluent depuis un train touristique destiné aux seniors à Harbin, dans la province du Heilongjiang, le 15 mars. (XINHUA) 

Consommation en hausse 

Les premières retombées de ces politiques sont déjà visibles. Selon le Bureau national des statistiques, les ventes au détail de biens de consommation ont progressé de 5,9 % en glissement annuel en mars, contre 4 % en janvier et février, témoignant d’une nette accélération. 

« Grâce au soutien des politiques publiques, la consommation a continué de s’améliorer au premier trimestre », a souligné Sheng Laiyun, directeur adjoint du Bureau, en citant notamment le programme national de vente contre reprise comme un moteur déterminant. 

En parallèle, les ventes liées aux services ont bondi de 5 % sur un an au premier semestre, et les dépenses par habitant dans ce secteur ont augmenté de 5,4 %, représentant 43,4 % de la consommation totale – un signe clair du basculement vers une économie axée sur les services. 

« D’ici 2030, les services devraient dépasser 50 % de la consommation totale », anticipe Kuang Xianming, directeur adjoint de l’Institut chinois pour la réforme et le développement, soulignant le potentiel croissant de ce marché pour les entreprises étrangères. 

Cette dynamique s’est pleinement illustrée lors de la 5^e Exposition internationale des produits de consommation de Chine, organisée à Hainan du 13 au 18 avril. L’événement a battu des records, réunissant 1 767 entreprises et 4 209 marques issues de 71 pays, dont 65 appartenant au classement Fortune 500, preuve d’une confiance renouvelée dans le marché chinois. 

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 52 accords de coopération signés pour un total de 92 milliards de yuans (12,6 milliards de dollars) et 60 000 acheteurs professionnels présents, soit une hausse de 10 % par rapport à l’année précédente. 

Cap sur la demande intérieure 

Alors que l’économie mondiale fait face à des vents contraires – à l’image de l’augmentation des droits de douane américains sur les produits chinois –, la Chine fait du renforcement de la demande intérieure un levier essentiel de stabilité. Le 15 avril, lors de sa visite à Beijing d’une exposition consacrée aux ventes intérieures des entreprises de commerce extérieur, le Premier ministre Li Qiang a appelé à intensifier les efforts pour stimuler la consommation, élargir la demande domestique, consolider le circuit national et libérer le potentiel du marché chinois, afin d’absorber les chocs extérieurs. Il a également encouragé les entreprises à diversifier leurs débouchés et à innover dans leurs circuits de distribution pour maintenir la stabilité du commerce extérieur. 

La montée en puissance du marché intérieur permet à la Chine de mieux faire face aux pressions internationales. Dans un contexte de tensions commerciales croissantes avec les États-Unis, des mesures ciblées aident les entreprises exportatrices à se réorienter vers le marché national. Le ministère du Commerce pilote notamment une initiative destinée à promouvoir les produits d’exportation auprès des consommateurs chinois. Ces biens de qualité sont désormais disponibles dans les supermarchés, les magasins physiques et sur les plateformes en ligne à travers tout le pays, tout en étant intégrés au programme national de vente contre reprise. 

Soutenue par un marché robuste et en expansion, la Chine accroît sa résilience économique, bien décidée à surmonter les turbulences mondiales et à poursuivre son renouveau national.