Un programme sino-tanzanien gratuit de lait de soja pour soutenir l’éducation et la vie rurales. 

Le professeur Li Xiaoyun, titulaire de la chaire principale à la CAU, distribue du lait de soja aux élèves de l’École primaire Juhudi, dans la région de Morogoro, en Tanzanie, le 14 juillet. (COURTOISIE) 

Aux premières heures du matin, dans le paisible village de Mtegowa Simba, niché au cœur de la région de Morogoro en Tanzanie, une douce odeur de mandazi (collation populaire d’Afrique de l’Est) flotte dans la cour de l’école. À l’École primaire Juhudi, les enfants rient et bavardent en faisant la queue pour goûter à une boisson encore nouvelle pour eux : une tasse de lait de soja. 

Pour les 350 élèves de l’établissement, cette simple boisson marque le début d’un changement profond. Finies les journées passées à l’école le ventre vide. Grâce à un programme de nutrition lancé conjointement par l’Université d’agriculture de Chine (CAU) et les autorités locales tanzaniennes, chaque élève recevra, pendant trois ans, une portion quotidienne gratuite de lait de soja et de collations. L’objectif ? Lutter contre la faim, améliorer la concentration en classe et ouvrir de nouvelles perspectives de développement rural, une tasse à la fois. 

Des élèves font la queue pour recevoir leur lait de soja à l’École primaire Juhudi, dans la région de Morogoro, en Tanzanie, le 14 juillet. (COURTOISIE) 

Nutrition intelligente, solution simple 

Ce programme s’inscrit dans une initiative plus large intitulée « Petits grains, grande nutrition », qui vise à répondre à l’insécurité alimentaire tout en renforçant les chaînes de valeur agricoles locales. 

Lors de la cérémonie de lancement, le 14 juillet, le commissaire régional de Morogoro, Adam Malima, a salué cette initiative innovante, qui s’attaque à la fois aux défis éducatifs et nutritionnels. « L’insuffisance de nutrition chez les élèves est une cause majeure de mauvaise concentration et de faibles performances scolaires », a-t-il souligné, ajoutant que cette initiative contribuerait à réduire le taux d’abandon scolaire et à améliorer les résultats en classe grâce à un accès à une alimentation saine pendant les heures d’école. 

Le commissaire a également annoncé un don personnel d’un million de shillings tanzaniens (389 dollars) pour soutenir la phase initiale du programme, tout en appelant d’autres acteurs à se joindre à l’effort. Il a demandé au Conseil de la région de Morogoro de faire du village de Mtegowa Simba un centre de production locale de soja, afin d’assurer un approvisionnement durable en matières premières. 

Le professeur Li Xiaoyun, titulaire de la chaire principale à la CAU, a rappelé que ce programme n’est pas seulement une initiative de repas scolaires, mais qu’il s’inscrit dans un effort à long terme visant à renforcer la sécurité alimentaire, à améliorer les conditions de vie rurales et à bâtir un système alimentaire local résilient. « Nous remercions le gouvernement tanzanien et les agriculteurs locaux pour leur engagement. Grâce à des innovations peu coûteuses et adaptées au contexte local, nous pouvons améliorer la nutrition tout en soutenant les petits exploitants agricoles », a-t-il indiqué. 

Lancement officiel du Programme scolaire de nutrition au lait de soja Chine-Tanzanie à l’École primaire Juhudi, dans la région de Morogoro, en Tanzanie, le 14 juillet. (COURTOISIE) 

Petits grains, grand impact 

Les racines de cette initiative remontent à 2011, lorsque le professeur Li et son équipe ont commencé à travailler à la réduction de la pauvreté dans la région de Morogoro. Leur première intervention fut l’introduction d’un modèle de plantation intensive de maïs, baptisé « Petite technologie, grande récolte », qui a permis aux agriculteurs d’augmenter leurs rendements avec des méthodes simples et manuelles. En 2021, l’équipe a commencé à promouvoir des techniques d’association culturale entre le maïs et le soja. En tant que légumineuse fixatrice d’azote, le soja améliore la fertilité des sols, tandis que ces techniques diversifient les productions agricoles. 

En 2022, la CAU a étendu ses actions en proposant des formations sur la transformation du soja, notamment la production de lait de soja et d’autres dérivés. L’équipe a travaillé avec les habitants pour mettre en place des parcelles de démonstration et de petites unités de production, posant ainsi les bases du programme nutritionnel actuel en milieu scolaire. 

L’idée du lait de soja comme réponse à de multiples défis s’est popularisée grâce à des figures locales comme Omary Jayo, un ingénieur électricien à la retraite devenu entrepreneur à Mtegowa Simba. Inspiré par les formations de la CAU, M. Jayo a commencé à vendre du lait de soja dans son village en 2023. Partant de deux tasses par jour, son activité s’est développée jusqu’à dépasser 20 ventes chaque matin. Une tasse est vendue 500 shillings tanzaniens (0,19 dollar), contre 200 pour un sachet de thé ordinaire. 

Le succès de M. Jayo illustre parfaitement la vision des « trois bénéfices » que le professeur Li espère concrétiser  : améliorer la nutrition, restaurer les sols grâce à la culture du soja et étendre la chaîne de valeur agricole pour générer des revenus. 

Selon la secrétaire administrative adjointe de la région, Rozalia Grayson Rwegasira, le projet s’est désormais étendu à quatre villages, où les agriculteurs ont produit 12 tonnes de soja et 20 tonnes de maïs, transformant ainsi une phase expérimentale en un changement durable. 

Pour soutenir la mise en œuvre du programme nutritionnel, la CAU a fourni des semences de soja, modernisé les équipements de transformation et rénové les bureaux de l’administration villageoise. 

Alors que le lait de soja coule désormais à flot à l’École primaire Juhudi pendant les heures de classe, ce programme se dresse comme un modèle de ce qu’il est possible d’accomplir lorsque l’innovation de terrain, le savoir académique et le soutien gouvernemental convergent. Ce qui avait commencé comme un projet technique modeste est devenu une véritable stratégie de nutrition et de développement.