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  2025-09-15
 

Terres fertiles de l'innovation

VOL. 17 / SEPTEMBRE par ADIBASE RAPHAEL  ·   2025-09-15
Mots-clés: Vivre en Chine ; STB ; Ghana

Le « Science and Technology Backyard » chinois, un modèle pour l’agriculture africaine.

Adibase Raphael (COURTOISIE) 

  

L’insécurité alimentaire continue de frapper de nombreuses communautés rurales en Afrique. Au Ghana comme dans plusieurs pays voisins, les petits exploitants peinent encore à s’en sortir, prisonniers de faibles rendements, de pratiques dépassées et d’un soutien institutionnel quasi inexistant. Ils affrontent de multiples obstacles : accès limité aux technologies, dispositifs de vulgarisation défaillants, et surtout, un fossé persistant entre la recherche scientifique et les réalités du terrain. 

À des milliers de kilomètres, la Chine, autrefois confrontée à ses propres crises alimentaires, s’est muée en modèle mondial d’autosuffisance agricole. Ce contraste saisissant soulève une question fondamentale : comment a-t-elle accompli une telle transformation ? 

C’est en poursuivant mes études à l’Université d’agriculture de Chine (CAU) que j’ai découvert un programme éclairant à ce sujet : l’initiative « Science and Technology Backyard » (STB). 

  

Des synergies fertiles 

Lancée en 2009 dans le district de Quzhou (Hebei), cette initiative propose une approche communautaire singulière du développement agricole. Elle dépasse les services de conseil traditionnels en mariant recherche scientifique, appui gouvernemental, partenariats avec les entreprises et participation active des agriculteurs. Contrairement au modèle descendant habituel, les STB envoient directement sur le terrain des étudiants en master et des chercheurs, qui s’installent dans les villages, vivent au rythme des cultivateurs, travaillent à leurs côtés et relèvent avec eux les défis du quotidien. 

Aujourd’hui, plus de 1 000 STB sont actifs à travers la Chine, mobilisant plus de 4 000 étudiants et plus de 2 000 experts agricoles. Ces centres sont devenus de véritables carrefours de savoir, où se croisent connaissances académiques et pratiques empiriques. 

Lors de mes visites aux STB de Quzhou et de Beijing, j’ai pu constater l’efficacité de cette dynamique collaborative. Les étudiants participaient à l’analyse des sols, à la gestion des semis, au choix des engrais ou encore à la lutte contre les nuisibles. Dans un cas marquant, plus de 50 d’entre eux ont formé environ 2 000 cultivateurs de blé d’hiver, améliorant l’irrigation, les semis et l’usage des intrants. Ce qui m’a le plus frappé, c’est que les agriculteurs devenaient de véritables partenaires de recherche, enrichissant les solutions proposées par leur expérience. Ce dialogue renforce la pertinence et la durabilité des innovations. 

Au-delà de la formation, les STB jouent également un rôle de catalyseur pour l’innovation agricole et la valorisation des talents ruraux. Ainsi, le Centre d’innovation scientifique et technologique agricole de Jingwa, à Beijing, figure à la pointe de l’agriculture intelligente, avec des outils comme l’intelligence artificielle, les drones phytosanitaires ou les systèmes de plantation guidés par satellite. Mais ce qui fait la force de ces innovations, c’est qu’elles ne sont pas imposées : elles sont testées, ajustées, validées par leurs futurs utilisateurs. Cette coopération étroite entre chercheurs et cultivateurs fait toute la différence. 

Cette réussite repose sur une volonté politique forte : celle de revitaliser les zones rurales. En Chine, les universités sont désormais encouragées à porter l’enseignement agricole au cœur des campagnes, pour former une nouvelle génération de spécialistes, compétents sur le plan technique et profondément ancrés dans les réalités sociales. Une stratégie aussi ambitieuse que durable pour accompagner la transformation des campagnes. 

Étudiantes à l’œuvre dans un STB du district de Quzhou, province du Hebei, le 26 mai. (XINHUA) 

  

Des graines d’espoir pour l’Afrique 

Le modèle STB dépasse aujourd’hui les frontières chinoises. Depuis 2019, un projet STB Chine-Afrique a vu le jour, avec des sites pilotes et des formations, notamment au Malawi. Portée par d’anciens étudiants africains de la CAU, cette initiative transpose les principes fondamentaux des STB à des contextes locaux. Au Malawi, des centaines d’agriculteurs ont ainsi été formés à des pratiques durables, allant de la gestion intégrée de la fertilité des sols aux techniques post-récolte, en passant par des méthodes agricoles adaptées aux aléas climatiques. Plus de 70 étudiants originaires de plus de dix pays africains ont déjà participé à cette aventure, constituant un vivier prometteur d’experts agricoles. 

Le Ghana aurait tout à gagner à s’inspirer de cette démarche. Si nos exploitations n’expriment pas leur plein potentiel, ce n’est pas par manque de ressources, mais en raison d’une déconnexion entre les centres de recherche et les acteurs de terrain. L’envoi d’étudiants dans des régions comme Bongo, Tamale ou Ejura permettrait de créer des ponts de savoir, d’améliorer les rendements et de former les futurs leaders agricoles du pays. 

Imaginez une université ghanéenne lançant son propre STB, où étudiants et agriculteurs développent conjointement des solutions, expérimentent sur le terrain et adaptent les innovations aux contraintes locales. Avec un soutien gouvernemental ciblé et des partenariats public-privé solides, une telle initiative pourrait transformer en profondeur la sécurité alimentaire et le développement rural. 

L’initiative STB n’est pas qu’un succès chinois : c’est un modèle éprouvé, reproductible et profondément humain. Sa force ne réside pas seulement dans la technologie, mais dans la collaboration qu’elle impulse. En mettant chercheurs, étudiants et agriculteurs sur un pied d’égalité, elle prouve que la sécurité alimentaire n’est pas une chimère, mais une promesse concrète lorsque l’on fait le pari de l’intelligence collective. 

Pour l’Afrique, et le Ghana en particulier, il est temps de réinventer notre approche. La faim n’est pas une fatalité : elle peut être vaincue, à condition d’investir dans les savoirs, les talents et les synergies qui font germer le changement. Nos terres peuvent nourrir le continent, pourvu qu’on leur en donne les moyens. 

L’auteur est étudiant ghanéen en master à l’Université d’agriculture de Chine. 

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