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  2025-10-09
 

Un peuple en majesté

VOL. 17 / OCTOBRE 2025 par FRANÇOIS ESSOMBA  ·   2025-10-09
Mots-clés: racines profondes ; peuple Sao‑Kotoko ; Cameroun

Jeunes agriculteurs Sao à l’oeuvre sur de vastes terres fertiles. (PHOTOS : COURTOISIE)

Implantés dans les basses vallées du Logone, du Chari et de la Yoobé, sur un territoire aujourd’hui partagé entre le Cameroun, le Tchad et le Nigeria, les Sao‑Kotoko constituent une population ancienne d’Afrique centrale. Composés de groupes distincts par la langue et le mode de vie, ils se sont progressivement fédérés autour de cités influentes, formant le socle d’une civilisation au rayonnement durable.

C’est dès le Xe siècle, au cœur de l’Afrique centrale et occidentale, que les Kotoko, descendants des Sao, s’installent dans la région. Peuple aux racines millénaires, ils partagent aujourd’hui encore leur culture et leur histoire entre les rives des fleuves Chari et Logone. Là, de part et d’autre des eaux, se déploient leurs royaumes, berceaux d’une civilisation riche et authentique.

La civilisation Sao figure parmi les plus anciennes du continent africain, voire du monde. Ses origines, longtemps demeurées énigmatiques, continuent de nourrir la réflexion des ethnologues africains et européens, qui hésitent à la rattacher avec certitude aux Kotoko ou aux Massa. En langue arabe, le mot « Sô » signifie littéralement « les hommes d’autrefois ». Selon la tradition orale, les Sao étaient des êtres aux proportions hors normes, doués de pouvoirs extraordinaires. Si la légende enjolive leur souvenir, les fouilles archéologiques ont quant à elles révélé une civilisation matérielle d’une grande richesse : fortifications urbaines dès 800 avant notre ère, usage du bronze, du cuivre, du fer... autant d’indices d’un haut degré de sophistication.

Une maison en terre cuite, reflet du savoir-faire architectural des Sao.

Mémoire d’un peuple millénaire

Les récits anciens décrivent les Sao comme des géants robustes, ingénieux, pêcheurs et cultivateurs aguerris. Leurs femmes, quant à elles, portaient aux lèvres des labrets, de simples rondelles ou de larges plateaux, censés dissuader les esclavagistes venus du Nord. Longtemps considérés comme des figures mythologiques, les Sao apparaissent néanmoins dans les récits de voyageurs arabes dès le Moyen Âge, notamment dans la région du lac Tchad.

L’enseignement de leur histoire s’est imposé au fil des ans dans les manuels scolaires africains, où la civilisation Sao voisine celle de l’Égypte dans le panthéon des grandes civilisations du continent. Leurs cités étaient protégées par de vastes enceintes en terre crue, larges de 3,5 à 4 mètres, et bâties sur des buttes anthropiques en bordure d’eau. On y a retrouvé de nombreuses figurines rituelles. Entre le XVIIe siècle et la première moitié du XIXe, certains défunts Sao étaient inhumés dans des doubles jarres : placés en position fœtale dans une première jarre servant de cercueil, ils étaient ensuite recouverts d’une seconde. Lors des périodes de conflits, ces jarres servaient également à dissimuler les jeunes enfants, à l’abri de la violence.

Les cavaliers de la garde du sultan.

Une tradition vivante face à la modernité

Malgré son ancrage dans des pratiques ancestrales, le peuple Sao‑Kotoko s’adapte progressivement aux mutations de son époque. Tandis que certains jeunes continuent de s’adonner à la pêche, à l’agriculture ou à l’artisanat, d’autres s’orientent vers des formations professionnelles modernes. Les vêtements traditionnels restent omniprésents, tout comme l’architecture héritée du passé, qui coexiste désormais avec les constructions contemporaines dans les sept sultanats Sao‑Kotoko du Cameroun.

Pour préserver cet héritage tout en l’ouvrant au monde, les élites locales, à l’instar d’Oumar Ali, président du comité d’organisation du Festival Sao‑Kotoko, ont à cœur de promouvoir un dialogue entre tradition et modernité. « C’est une occasion unique de valoriser nos biens culturels, qu’ils soient matériels ou immatériels, et de promouvoir la civilisation de la terre cuite, pilier de notre héritage. Le choix de Yaoundé répond à cette volonté de partager nos us et coutumes avec l’ensemble de la communauté nationale et internationale. En même temps, les organisateurs souhaitent faire de ce festival un moment de convergence entre le patrimoine culturel du peuple Sao‑Kotoko et l’idéal d’unité nationale », a expliqué M. Ali.

La maîtrise de la terre cuite demeure en effet l’un des marqueurs les plus emblématiques de cette culture, érigée en véritable industrie culturelle. Pour Ali Alhadji Abba, président du comité directeur de l’Association culturelle Sao, « cette civilisation ancienne, transcendante dans le temps, mérite une reconnaissance accrue ».

Le festival de Yaoundé a rassemblé une forte délégation venue du Tchad et du Nigeria, saluée avec enthousiasme par les participants. Mahamat Ahmed Ali, éminente personnalité tchadienne, s’est exprimé avec fierté. « Nous sommes un peuple unique, et ce festival est une occasion pour nous de montrer notre savoir-faire et notre savoir-être. En tant que descendant d’un Sao, je me distingue d’abord par ma taille et ma carrure, ensuite par ma maîtrise des techniques de la terre cuite, et enfin par ma beauté », a-t-il lancé dans un sourire, du haut de ses deux mètres et plus de 150 kilos.

Le ministre des Arts et de la Culture, Pierre Ismaël Bidoung Mpwatt, a quant à lui rappelé l’importance de cette richesse patrimoniale : « La culture est un ensemble de valeurs humaines, morales, sociales et esthétiques par lesquelles les Camerounais se reconnaissent comme les filles et fils d’une même patrie. À ce titre, la culture Sao‑Kotoko s’inscrit pleinement dans la politique gouvernementale de valorisation des traditions et des objets d’art des peuples du Septentrion. »

À l’issue du festival, tenu dans la capitale camerounaise le 22 janvier 2025, les sept sultans Sao‑Kotoko présents sur le territoire national ont exprimé leur volonté de donner une dimension internationale à leur héritage. Des démarches sont d’ores et déjà engagées auprès du gouvernement camerounais, via le ministère des Arts et de la Culture, en vue d’inscrire le festival au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.

Reportage du Cameroun

 

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