Le Xinjiang célèbre sept décennies de profondes mutations. 

Des élèves de primaire à Artux, département autonome kirghiz de Kizilsu, posent fièrement après un numéro de gongs et de tambours, le 12 septembre. (XINHUA) 

Une révolution silencieuse est à l’œuvre dans les vastes étendues cotonnières du département autonome mongol de Bortala, dans le nord de la région autonome ouïgoure du Xinjiang. Désormais, des machines de récolte, guidées par des capteurs numériques, sillonnent les champs avec une intervention humaine minimale. D’après M. Aoqierbate, directeur du Bureau de l’agriculture et des affaires rurales du département, plusieurs centaines d’hectares peuvent aujourd’hui être moissonnés par un ou deux opérateurs seulement. 

Mme Dilinur, issue d’une famille d’agriculteurs de la région, se souvient d’un temps où la subsistance dépendait entièrement des caprices du ciel. L’agriculture, lente et incertaine, pouvait être réduite à néant par un orage soudain ou des pluies diluviennes. Aujourd’hui âgée de 42 ans, elle a trouvé une voie plus stable et plus fructueuse. 

Elle loue désormais ses terres à une coopérative qui a transformé l’exploitation familiale en agriculture à grande échelle. En échange d’un revenu annuel garanti, elle libère du temps pour d’autres activités : la cueillette de baies de goji dans les villages alentour, ou encore la vente en ligne de spécialités du Xinjiang. « Avec plusieurs sources de revenus, mes gains ont été multipliés et j’ai bien plus de temps qu’avant. La vie devient de plus en plus belle », confie-t-elle. 

Le parcours de Mme Dilinur reflète une mutation bien plus large. Grâce à des politiques ciblées et à des investissements massifs dans les infrastructures, la technologie et les programmes sociaux, le Xinjiang est en passe de se métamorphoser : de région frontalière enclavée, il devient un carrefour économique rayonnant, où les améliorations du quotidien sont tangibles. 

Des touristes sillonnent la route panoramique du lac Sayram, dans le département autonome mongol de Bortala, le 8 juillet. (XINHUA) 

Des décennies de progrès 

Alors que le Xinjiang célèbre le 70^e anniversaire de sa fondation, les indicateurs de développement illustrent le chemin parcouru. L’espérance de vie moyenne, qui avoisinait les 30 ans au début des années 1950, a atteint 77 ans en 2024. Le PIB régional a franchi le seuil des 2 000 milliards de yuans (281 milliards de dollars), soit une progression spectaculaire de plus de 1 600 fois par rapport à 1955. 

Les revenus ont, eux aussi, connu une croissance vertigineuse. En zone urbaine, le revenu disponible moyen s’est élevé à 42 820 yuans (6 017 dollars) en 2024, soit 130 fois plus qu’en 1978. En milieu rural, le revenu net par habitant a été multiplié par plus de 160 pour atteindre 19 427 yuans (2 730 dollars). 

Le quotidien des habitants a profondément changé : vêtements de qualité, alimentation diversifiée, logements modernes et transports améliorés font désormais partie du paysage. 

Shi Huan, résidente du centre-ville de Yining, dans le département autonome kazakh d’Ili, incarne ces avancées. Autrefois, pour traverser la rivière Ili, considérée comme la « rivière-mère » de la région, les habitants n’avaient d’autre choix que les ferries. Cette rivière, essentielle à la vie, faisait aussi office de frontière, cloisonnant les échanges et les communautés. 

Ce temps-là semble désormais révolu. Huit ponts enjambent aujourd’hui la rivière. Le plus récent, long de 2,86 km, reliera bientôt un parc industriel de Yining au district autonome xibe de Qapqal, réduisant de moitié le temps de trajet et ouvrant de nouvelles perspectives économiques et sociales. 

Pour Mme Shi, gérante d’un supermarché à proximité, cette infrastructure représente bien plus qu’un gain de temps : « Avant, je mettais plus de 30 minutes pour me rendre au travail. Bientôt, ce sera 15. » Elle se remémore le passé : « On voyait des charrettes à cheval sur les ponts. Aujourd’hui, ce sont des voitures modernes qui les ont remplacées. » 

Le Xinjiang, qui couvre un sixième du territoire chinois, regorge de merveilles naturelles : monts Tianshan enneigés, désert du Taklamakan, lacs alpins, prairies verdoyantes et forêts de peupliers. L’essor des infrastructures a permis au tourisme de s’y développer rapidement. 

Le département d’Ili attire un nombre croissant de visiteurs, venus de toute la Chine et des pays voisins comme le Kazakhstan, séduits par la diversité de ses paysages, sa richesse culturelle et ses liens avec l’ancienne Route de la soie. 

En mai dernier, le gouvernement régional a lancé 500 projets majeurs pour 2025, pour un total de 3 470 milliards de yuans (487 milliards de dollars) d’investissements, dans des secteurs stratégiques comme les transports, l’eau, l’énergie ou les technologies numériques. 

Des projets dans la science, l’éducation, la culture, le tourisme, la santé et le sport viendront également renforcer les services publics et le développement social. 

Une ouverture croissante 

Région la plus frontalière du pays, le Xinjiang abrite également le plus grand nombre de ports terrestres en Chine. Ces dernières années, ses connexions avec le reste du monde se sont intensifiées, favorisant les échanges humains et une coopération mutuellement bénéfique. 

En 2024, plus de 16 400 trains de fret Chine‑Europe ont traversé la région, soit une hausse de 14 % par rapport à l’année précédente, représentant plus de la moitié du trafic ferroviaire national de ce type. Ce réseau ferroviaire stratégique facilite un transport rapide et rentable de produits électroniques, machines, pièces automobiles ou textiles vers l’Europe et les pays situés le long du tracé. En retour, ces convois ramènent produits alimentaires, articles de luxe et équipements industriels, consolidant les liens économiques et soutenant la croissance régionale. 

Le développement de la Zone pilote de libre-échange de Chine (Xinjiang), inaugurée en novembre 2023, en est un autre signe fort. Première du genre dans le nord-ouest du pays et 22^e à l’échelle nationale, elle héberge aujourd’hui plus de 40 000 entreprises. Selon les statistiques du département régional du commerce, le nombre d’entreprises à capitaux étrangers y est 1,5 fois supérieur à celui enregistré lors de son ouverture. 

Malgré les incertitudes internationales, le commerce extérieur du Xinjiang reste vigoureux, enregistrant une hausse de 27,3 % sur un an au cours des sept premiers mois de l’année, d’après les douanes d’Urumqi. La région a, durant cette période, commercé avec 223 pays et régions, soit une progression de 8,3 % sur un an. 

Les échanges avec les pays partenaires de l’initiative « la Ceinture et la Route » ont, quant à eux, bondi de 14,2 % en glissement annuel au cours des trois premiers trimestres, représentant désormais 86,9 % du volume total du commerce extérieur du Xinjiang. 

L’auteure est journaliste à Beijing Review.