2020-02-27 |
Elle construit, elle crée |
par Li Xiaoyu · 2020-02-27 |
Mots-clés: STIM; femme; Chine |
Jill Tang (au premier rang, 7e à gauche) et Charlene Liu (au premier rang, 8e à droite) lors de l’Assemblée 2019 de Ladies Who Tech qui s’est tenue le 11 mai 2019 à Shanghai. (COURTOISIE)
Les spécialistes dans les domaines de l’automobile, de la robotique, des technologies médicales, des semi-conducteurs, du commerce électronique et des technologies financières… Contre toute attente, sur la liste des intervenants de l’Assemblée 2019 de Ladies Who Tech (LWT), figurent exclusivement des femmes qui travaillent dans des secteurs conventionnellement considérés comme étant masculins.
Ses deux organisatrices Charlene Liu et Jill Tang essaient d’encourager davantage de femmes à découvrir leur potentiel dans le monde des STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques) à travers des événements comme celui-ci qui prend des formes aussi diverses que des discours, ateliers, tables rondes, conversations au coin du feu et cocktails.
La technologie n’a pas de sexe
Née en Malaisie, Charlene Liu est diplômée en génie électrique et possède vingt ans d’expérience dans l’industrie des semi-conducteurs et de l’électronique. En septembre 2015, à la veille de son mariage, elle a assisté à une conférence technique exclusivement féminine à San Francisco, aux États-Unis. S’y sont présentées plus de 1 000 femmes travaillant dans le monde des STIM, y compris des spécialistes des fusées, des informaticiennes et des ingénieures. Elle en est ressortie étonnée et avec l’idée d’organiser une rencontre semblable en Chine.
« Avant de quitter son poste chez Google, Li Feifei était leur directrice scientifique pour l’intelligence artificielle ; nous avons aussi Jean Liu, la présidente de Didi Chuxing », avance Charlene Liu. « Qui sait si la prochaine grande chose ne viendra pas d’une femme ? Nous ne devons donc pas nous limiter. »
Ainsi, son idée s’est concrétisée avec la création de l’entreprise sociale LWT en mars 2017 en association avec la Chinoise Jill Tang, entrepreneuse en série. L’idée derrière LWT est de « montrer à tout le monde que les femmes ont aussi un rôle à jouer dans les STIM. Si vous voulez sincèrement faire partie de ce monde, le genre ne devrait pas être une barrière ».
Leurs appels sont légitimes et fondés. Les femmes sont sous-représentées dans les filières de l’enseignement supérieur consacrées aux STIM, comme le montre le rapport de l’OCDE publié en février 2018 et intitulé Atteindre l’égalité femmes-hommes : Un combat difficile. À ce jour, elles ne comptent que pour 19 % des effectifs dans les pays de l’OCDE. De plus, celles qui ont intégré le monde de « la tech » sont deux fois plus nombreuses que les hommes à le quitter.
« Les entreprises doivent comprendre que si elles manquent de diversité, il leur manquera 50 % de la perspective du monde. Nous visons à inciter les femmes à occuper des postes dans le milieu des STIM, qui sont souvent considérés comme des emplois masculins », affirme Jill Tang.
Pour elle, il est très bénéfique de donner la priorité à la diversité et à l’inclusion pour une entreprise. L’amélioration de l’innovation et de la durabilité, ainsi que l’optimisation de la conception de produits figurent parmi les nombreux avantages. Les hommes ingénieurs par exemple n’arrivent pas à concevoir des produits féminins, ajoute-t-elle.
Pour en finir avec les stéréotypes
Mais il n’y a que le premier pas qui coûte. Au cours des six premiers mois, elles n’ont organisé que deux événements. « Nous n’étions que deux personnes et nous ne savions pas vraiment par où commencer », se souvient Jill Tang. En contrepartie, elles sont très expérimentées dans la construction des communautés. Jill Tang a cofondé deux autres sociétés. Charlene Liu a plus de dix ans d’expérience en gestion d’événements.
Elles ont fait une étude de marché pour voir quel genre de femmes voulaient quel type de services. Elles ont réalisé qu’elles pourraient s’associer à des entreprises pour lancer leurs initiatives. Cela s’est avéré être une bonne piste parce que les grandes sociétés possèdent généralement des ressources qui leur permettent d’atteindre leur audience cible, et il y en a beaucoup qui partagent leur vision de la diversité et de l’inclusion.
Depuis, LWT lance régulièrement des événements en collaboration avec des grandes entreprises comme Bayer, société internationale des sciences de la vie. Elles en profitent pour mettre en avant des modèles féminins dans le milieu des STIM, à l’instar de Celina Chew, ancienne directrice générale du groupe Bayer pour la Grande Chine.
Dans son discours prononcé lors d’un événement mensuel de LWT, Mme Chew a rappelé à l’assistance : « Les femmes doivent participer à la technologie afin qu’elles puissent contribuer à façonner notre avenir et également profiter des avantages de la technologie. La diversité que les femmes apportent à la technologie va générer plus d’innovations et de meilleures solutions. »
LWT se veut également être une plateforme pour les entrepreneuses du monde des STIM. En effet, seulement 7 % des start-ups fondées par des femmes réussissent à recevoir des investissements, et l’accès des femmes aux postes à responsabilité est assez limité, selon Jill Tang. S’il s’agit du monde de « la tech », les obstacles sont encore plus nombreux.
Avec sa série appelée « Founders », LWT essaie de faciliter les connexions entre les fondatrices technologiques, les freelancers informatiques, les partenaires et les clients potentiels. À chaque événement, deux entrepreneuses partagent leur parcours de création d’entreprise, suivies de startupers qui présentent leurs projets à la recherche de co-fondatrices.
Un bras droit vers l’Afrique
Depuis sa création se tient généralement un événement par mois. Sa communauté rassemble désormais plus de 30 000 personnes dans huit villes : Shanghai, Beijing, Chengdu, Hong Kong, Singapour, Taipei, Wuhan et Xi’an. Sa dynamique en fait un partenaire de l’ONU dans sa recherche sur les femmes en technologie en Chine.
L’entreprise sociale est toujours gérée par des bénévoles. Elle compte actuellement quelque 80 volontaires réparties dans les huit villes. Ce constat a amené l’animatrice de Radio Beijing International, Chloe Liu, à affirmer : « C’est époustouflant que LWT soit basée sur le bénévolat. Les membres sont extrêmement dévoués parce qu’elles sont convaincues que le combat contre les préjugés selon lesquels les femmes ne sont pas bonnes en technologie apportera d’énormes bénéfices à l’avenir. »
Sa responsable à Beijing, Miatta Momoh, est l’une de ces bénévoles. Elle est d’ailleurs cofondatrice de Kente & Silk, une entreprise sociale visant à améliorer les relations sino-africaines. Pour elle, le bénévolat avec LWT est un excellent moyen d’enrichir davantage son expérience dans le monde des STIM. « Kente & Silk a développé des plateformes comme Africa China Tech for Social Impact, LWT a donc une bonne synergie avec ce que nous construisons en Chine », explique Miatta.
Selon elle, Beijing est une bonne source d’entrepreneurs africains, d’ingénieurs et d’autres experts STIM désireux de montrer leur travail. Des instituts universitaires comme Beihang et Tsinghua ont également joué un rôle déterminant dans le renforcement du bassin actuel de talents africains STIM à Beijing. Il est donc facile d’engager ce public et de mobiliser cette ressource pour LWT.
LWT se développe pour le moment en Chine et en Asie, mais ses deux cofondatrices sont persuadées que l’Afrique offre une opportunité STIM passionnante avec divers pôles technologiques à croissance rapide dans des pays comme le Nigeria et le Kenya. Miatta affirme vouloir soutenir sa future expansion en Afrique. De fait, elle connaît des communautés similaires sur le continent qui manifestent leur intérêt pour de futurs partenariats potentiels.
Pour vos commentaires : lixiaoyu@chinafrica.cn
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