Le recyclage des cornes et des peaux de bœuf fait le bonheur de la jeunesse du nord du Cameroun

Une exposition de sacs à main pour femmes fabriqués à base de peaux de bœuf. (COURTOISIE)

Dans le septentrion camerounais, depuis deux siècles environ, cornes et peaux de bœuf figurent toujours parmi les composantes pour la fabrication de nombreux objets à usage quotidien tels que les peignes, étuis et boîtes, sandales, sacs à main, entre autres. Mais avec l’évolution du temps, d’autres produits ont été insérés dans le circuit à l’instar des chaises, fauteuils, tables vitrées, moquettes, petits guéridons et poufs. Il s’agit là d’un modèle d’innovation qui a une influence positive sur l’environnement, du fait que l’exploitation des cornes à des fins artisanales contribue à lutter contre la pollution. L’artisanat des objets en cornes et en peaux de bœuf repose par ailleurs sur la valorisation des techniques, du savoir-faire et de l’habileté dont font preuve les artisans de la ville de Maroua, capitale de la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, en créant un nouveau concept artisanal. Et du côté de la commercialisation, la gamme des objets confectionnés est vendue tant au niveau local qu’à l’extérieur du pays.

Valorisation de la créativité

Pour un encadrement optimal, ainsi que pour plus de visibilité et valorisation de l’activité artisanale menée par les jeunes de l’Extrême-Nord du Cameroun, le gouvernement de ce pays d’Afrique centrale a lancé la construction d’un musée consacré à l’artisanat dans la ville de Maroua, qui a été inauguré le 15 décembre 2015.

C’est un espace dédié à la fabrication et à l’exhibition des produits culturels locaux. Dans cette bâtisse et aux alentours, les grossistes et détaillants proposent des sandales (samara) pour hommes et femmes, des chaussures, des porte-monnaie, des sacs à main pour femmes, des tenues artisanales, des bijoux, des poufs, et bien d’autres objets fabriqués à base de matériaux de récupération.

À une distance réduite du musée artisanal, l’on retrouve des tanneurs de peaux de bœuf, qui s’activent à longueur de journée, pour la transformation des peaux en cuir. Certains de ces cuirs sont achetés sur place, et l’autre partie est entièrement achetée par des vendeurs grossistes, qui en retour les revendent aux concepteurs des meubles et autres artisans. C’est donc une chaîne d’activité bien organisée qui prospère dans cette cité capitale de l’Extrême-Nord du Cameroun, et qui implique plusieurs intervenants.

Source d’opportunités financières

Le marché de vente des peaux de bœuf de la ville de Maroua, où viennent se ravitailler les artisans. (COURTOISIE)

L’activité liée à la récupération des résidus animaliers (peaux et cornes de bœuf) a permis aux jeunes artisans camerounais de sortir du désœuvrement et d’en tirer des devises importantes qui garantissent leurs besoins, et participent à l’assainissement urbain de la ville de Maroua ainsi que de toute la région de l’Extrême-Nord. C’est le cas de Djibrila Oumarou, jeune artisan d’à peine trente ans, qui se rend régulièrement dans l’abattoir non pas pour acheter de la viande comme un client ordinaire, mais pour collecter des cornes de bœuf. Une fois les cornes sélectionnées, il les emmène dans son atelier où elles sont nettoyées, poncées et prêtes à être utilisées. C’est dans l’atelier du musée artisanal qu’il fabrique depuis plus d’une décennie des meubles originaux avec cette matière première assez particulière.

Abdel Wahab, homme nanti bien connu du coin, s’est acheté un salon complet de sept places plus une moquette pour 750 dollars. « Je suis venu pour acheter des chaises. J’ai vu que ces chaises sont bien confortables et magnifiques. Dans tous les voyages que j’ai effectués, je n’ai jamais vu une telle qualité de chaises. Je vois qu’ici à Maroua on peut fabriquer des meubles admirables réalisés à base des cornes et de peaux de bœuf. C’est vraiment formidable. » Il est à noter qu’un tel montant représente une grosse somme pour des meubles du genre, qui coûtent chacun environ 500 ou 600 dollars. Cette rémunération suffit à alimenter Djibrila pour plus d’un moi à Maroua même dans d’autres villes du Cameroun, où le salaire moyen est de 90 dollars par semaine.

Abdel Wahab, homme nanti bien connu du coin, s’est acheté un salon complet de sept places plus une moquette pour 750 dollars. « Je suis venu pour acheter des chaises. J’ai vu que ces chaises étaient bien confortables et magnifiques. Dans tous les voyages que j’ai effectués, je n’ai jamais vu une telle qualité. Je vois qu’ici, à Maroua, on peut fabriquer des meubles admirables à base des cornes et de peaux de bœuf. C’est vraiment formidable. » Il est à noter qu’un tel montant représente une grosse somme pour des meubles du genre, qui coûtent chacun environ 500 ou 600 dollars. Cette somme suffit à subvenir aux besoins de Djibrila pour plus d’un mois à Maroua, où le salaire moyen tourne autour de 90 dollars par semaine.

Secteur d’activité reluisant

D’emblée, nombre de jeunes abordés au sujet de l’activité liée au recyclage des cornes et peaux de bœuf n’ont pas occulté leur fierté d’exercer le métier d’artisan. Cependant, ceux-ci précisent que leur profession nécessite un doigté vif, beaucoup de concentration et de patience pour briller dans cette fonction qui nourrit bien son homme. Ainsi, le savoir-faire de ces artisans a forcé le respect des organisateurs des fêtes foraines internationales, qui n’hésitent pas à adresser des invitations à ces façonniers.

De ce fait, Issa Mahamat, jeune artisan âgé de 29 ans, affirme prendre régulièrement part à des foires vouées au bétail, qui se tiennent au Cameroun ainsi que dans d’autres pays de la région d’Afrique centrale. « Nos réalisations en cuir sont solides comme celles des usines, ce qui me vaut des invitations pour participer à certaines grandes foires. Et je profite de ces plateformes pour présenter mon savoir-faire aux nombreux visiteurs. Et je vous assure que je reçois beaucoup de commandes durant ces foires. C’est donc un métier bien rémunérateur. Par exemple, si je dépense 350 dollars pour l’achat des matériaux de fabrication d’un ensemble salon de sept places, que je le façonne en un mois de travail, je le revends au moins à 750 dollars, vous voyez ce que ça donne en termes de gain financier. Et en une année, je peux vendre des dizaines de salons de différentes valeurs », indique-t-il.

De son côté, Ibrahim Arouna, un jeune artisan de 32 ans, opère dans la filière de l’artisanat depuis plus d’une décennie, et a su tirer profit de l’exploitation des cornes et des peaux de bœuf, une ressource très présente dans toutes les régions du nord du Cameroun, où prospère l’élevage à grande échelle (bœufs, vaches, caprins, ovins, pour ne citer que ceux-ci). Ibrahim se procure les peaux de bœuf au marché et assure lui-même la transformation des cornes dont la phase préparatoire l’occupe pendant trois à quatre jours au cours desquels il va rendre la corne malléable. Puis vient l’agencement du bois et de la peau, pour obtenir en fin de compte un meuble original de toute beauté qui sera soit une table, un guéridon ou une chaise.

Sur le plan financier, l’activité des cornes permet à Ibrahim d’en tirer des revenus importants et d’entretenir sans trop de peine sa famille. Le jeune artisan fait savoir par ailleurs que son chiffre d’affaires oscille entre 6 000 et 7 000 dollars par an.

Ainsi, compte tenu de la spécificité et de l’originalité de cet artisanat dont les acteurs font preuve de maîtrise de leur sujet, l’Université de Maroua, à travers son école de formation d’ingénieurs, l’Institut supérieur du Sahel, envoie ses étudiants de la filière Beaux-Arts en stage professionnel dans les ateliers d’artisanat sur corne, soit trois à quatre étudiants par an, qui sont encadrés par ces artisans autodidactes.

Reportage du Cameroun

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