2023-09-07 |
De l'oubli à la splendeur |
par Zhang Juan, Xia Yuanyuan et Ma Li · 2023-09-07 |
Mots-clés: revitalisation rurale ; Lishui |
Le district de Songyang se dévoile comme le parfait exemple de la manière dont tradition et modernité peuvent s’harmoniser.
Un studio photographique situé à Pingtian. (YU XIANGJUN)
Le village de Chenjiapu, avec ses dalles d’ardoise et ses ruelles chargées d’histoire, présente un tableau pittoresque. Des centaines de maisons ocre, étagées à même le flanc de la montagne, se mêlent aux arbres centenaires, aux forêts de bambous et aux vastes étendues de nuages. En été, ce village attire de nombreux visiteurs, séduits par sa beauté bucolique.
Niché à 850 m d’altitude dans le district de Songyang à Lishui (Zhejiang), le village, fort de ses 640 années d’histoire, était autrefois entravé dans son développement par les montagnes élevées et les sentiers abrupts, poussant les jeunes à le délaisser.
Depuis 2014, dans le sillage du programme de revitalisation rurale, Chenjiapu a misé sur la préservation de son patrimoine villageois. Anciennes demeures ont été métamorphosées en librairies, auberges, ateliers artistiques et centres culturels. Désormais, le village jadis déserté séduit un nombre croissant de touristes.
Préservation de l’authenticité
En 2016, un projet dédié à la protection des villages traditionnels a vu le jour à Songyang, sous l’égide du ministère des Finances et de l’Administration nationale du patrimoine culturel, financé par le Fonds pour la protection du patrimoine culturel de Chine. Doté d’une enveloppe de 40 millions de yuans (5,6 millions de dollars), ce projet ambitionnait la restauration, la protection et la mise en valeur des anciennes demeures. En précurseur, Songyang a établi ses propres normes.
Zheng Sheng, conservateur adjoint du Musée du district de Songyang, précise : « Bien que chaque village ait sa propre silhouette, pour véritablement revitaliser ces villages et leurs maisons historiques, tout en adoptant un mode de vie écologique, une intervention minimale est cruciale. »
Les maisons historiques de Songyang, datant des dynasties des Ming (1368-1644) et des Qing (1644-1911) ainsi que de la République de Chine (1911-1949), se distinguent par leurs murs en pisé, leurs tuiles d’ardoise, leurs charpentes en bois et leurs pignons évoquant des têtes de cheval. Suite à la désertification rurale, nombre d’entre elles sont tombées en désuétude, victimes d’effondrements et de dégradations.
« Réhabiliter ces bâtisses tout en conservant leur essence originelle est un défi bien plus ardu que d’ériger de nouvelles constructions », affirme M. Zheng. Pour préserver leur caractère unique tout en les rendant confortables, des spécialistes de l’Institut de conception des bâtiments anciens du Zhejiang ont été sollicités. La majorité de l’équipe de restauration était composée d’artisans locaux, détenteurs de techniques ancestrales.
Zeng Xinliang, charpentier originaire du village de Yinyuan à Songyang et fort de plus de 30 années d’expérience, craignait que certains savoir-faire, comme la réfection des murs et des tuiles, disparaissent. Formé à 15 ans, il s’était établi à Hangzhou. Informé du projet de restauration, il est revenu avec son fils participer aux travaux. Cette démarche lui a non seulement permis d’augmenter ses revenus, mais aussi d’assurer la transmission de son art à la nouvelle génération.
Selon M. Zheng, le district a mobilisé plus de 30 équipes d’artisans, soit plus de 2 000 personnes, pour cette entreprise. Beaucoup sont revenus dans leurs villages nataux pour contribuer à la mission. À ce jour, 312 demeures issues de 75 villages du district ont été remises à neuf. Dans le même élan, des chemins, couloirs, puits, stèles et arbres centenaires ont été restaurés et préservés, respectant leur charme d’antan.
Bao Chaohuo, secrétaire du Comité du Parti pour le village de Chenjiapu. (YU XIANGJUN)
Mise en valeur du patrimoine
Protéger sans développer n’est pas une solution viable à long terme. Le district de Songyang embrasse le credo « protéger par la valorisation » en exploitant ses ressources naturelles – montagnes, eaux, forêts, champs – ainsi que son riche héritage historique et humain.
Bao Chaohuo, qui avait quitté Chenjiapu à 16 ans, y est revenu en 2012 comme secrétaire du Comité du Parti du village. Inspiré par la vision d’une « campagne idyllique », il a envisagé un développement écologique pour Chenjiapu.
Grâce à la richesse naturelle du village et à son expérience professionnelle, M. Bao a su attirer des investisseurs. En 2016, la réputée librairie Avant-garde, listée parmi les dix plus belles librairies mondiales, a inauguré une filiale à Chenjiapu, attirant de nombreux visiteurs.
Pour optimiser le potentiel rural, il faut conjuguer bénéfices écologiques, gains économiques et avantages sociaux. Les projets introduits à Chenjiapu doivent s’harmoniser avec le contexte local, valoriser les ressources écologiques et dynamiser l’économie locale. Aujourd’hui, le village a mobilisé près de 100 millions de yuans (13,9 millions de dollars) en investissements, accueillant plusieurs auberges de luxe. En 2022, il a séduit plus de 400 000 visiteurs, générant un revenu de plus de 19 millions de yuans (2,6 millions de dollars).
Mais les transformations de Chenjiapu ne sont qu’une facette de la revitalisation rurale de Songyang. Avec plus de 100 villages traditionnels préservés et classés (dont 78 reconnus au niveau national), chaque hameau offre un panorama de maisons traditionnelles nichées entre montagnes luxuriantes et eaux cristallines.
Le district a valorisé plus de 600 de ces demeures, mobilisant près d’un milliard de yuans (138,9 millions de dollars) en investissements et proposant plus de 500 auberges haut de gamme qui produisent annuellement près de 136 millions de yuans (18,9 millions de dollars). Les domaines de l’hôtellerie, du tourisme éducatif et de la création culturelle ont été développés dans 60 % des villages du district, boostant les revenus des habitants de 20 % en moyenne.
À Songzhuang, des mesures sont actuellement prises pour la préservation des villages traditionnels. (YU XIANGJUN)
Revitalisation des villages traditionnels
« Pour retenir les villageois, la restauration des demeures ne doit pas seulement préserver l’apparence, mais aussi améliorer le confort de vie », affirme M. Zheng. À Songyang, la rénovation des maisons anciennes s’est focalisée tant sur la conservation du patrimoine que sur l’amélioration de l’habitat.
La transformation de Chenjiapu séduit de nombreux jeunes précédemment partis travailler en ville. C’est le cas de Wang Zhijie, 34 ans. En 2021, elle et sa sœur cadette sont revenues au village pour convertir leur demeure en gîte. En plus, elles commercialisent des légumes locaux. Leur revenu annuel dépasse désormais 100 000 yuans (13 888,9 dollars). « Le village, jadis en déclin, renaît de ses cendres », observe-t-elle. Si auparavant, Chenjiapu comptait moins de 40 résidents permanents, aujourd’hui plus de 200 personnes, dont de nombreux jeunes, y résident.
À 5 km de là, à Pingtian, les auberges « Pingtian sur les nuages » jalonnent le village. Ye Liqin, l’une des co-fondatrices, était autrefois conseillère en image à Hangzhou. En 2014, sa passion pour sa région natale l’a poussée à contribuer à la protection des villages traditionnels.
En huit ans, les anciennes maisons décrépites de Pingtian ont cédé la place à six auberges « Pingtian sur les nuages ». Des restaurants, salons de thé, un musée agricole et un centre de formation au batik ont vu le jour, créant de l’emploi local. Des architectes des Universités Tsinghua et de Hong Kong y ont aussi élu domicile. Mme Ye révèle que les revenus annuels s’élèvent à 8 millions de yuans (1,1 million de dollars).
La rénovation des demeures anciennes a non seulement embelli les villages, mais a aussi profité économiquement aux villageois, insufflant une dynamique renouvelée à ces hameaux traditionnels.
Reportage de Lishui
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