2023-09-13 |
Les vents de l'est |
VOL. 15 SEPTEMBRE 2023 par Gitonga Njeru · 2023-09-13 |
Mots-clés: Ehthiopian Airlines ; Éthiopie |
Métier de prestige, formation d’excellence, la Chine façonne la prochaine génération de pilotes éthiopiens.
Un pilote s’entraîne dans un simulateur de vol à Zhuhai, dans la province du Guangdong, le 13 juin. (XINHUA)
Abiot Hailu, pilote éthiopien de 58 ans, possède plus de 32 ans d’expérience dans l’aéronautique. Spécialisé dans les avions cargo commerciaux et affrétés, il a servi dans diverses capacités depuis ses débuts à 26 ans, y compris en tant que capitaine pour Ethiopian Airlines. Il travaille aujourd’hui pour Aquarius Aviation, une entreprise de location d’avions basée à Addis-Abeba.
« J’ai l’intention de continuer à voler, c’est ma principale source de revenus. En parallèle, je collabore avec d’autres entreprises en leur offrant mes services en freelance », partage M. Hailu. « En tant que pilotes, la responsabilité qui nous incombe est immense, car nous avons la charge de vies humaines. Selon les règles de l’Association du transport aérien international (IATA), une évaluation de notre santé mentale est exigée tous les six mois. »
Créée en 1945 à La Havane, à Cuba, l’IATA regroupe des compagnies aériennes et des organisations aéronautiques, dont l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Cette dernière, une entité des Nations unies, est dédiée à la sécurité aérienne et est reconnue mondialement avec la majorité des nations comme membres.
Recyclage technique pour pilotes en Chine
Pour rester à jour avec les avancées technologiques, M. Hailu révèle que les pilotes éthiopiens se forment régulièrement en Chine. « Le pilotage exige un apprentissage constant. Face à l’évolution technologique, nous devons sans cesse renouveler nos compétences. Les nouveaux avions sur le marché viennent souvent avec des innovations technologiques », explique-t-il. Il souligne également leur collaboration étroite avec des entités comme l’OACI et l’IATA pour résoudre tout problème. M. Hailu s’est personnellement formé à l’École d’aéronautique et d’aviation de l’Université Tsinghua à Beijing.
Selon Alemu Semie, ministre éthiopien récemment nommé des Transports et de la Logistique, cette formation est cruciale pour élever les normes de l’aviation nationale. Les relations fructueuses avec la Chine ont ouvert la porte à de nouvelles possibilités et créé des emplois. « L’Éthiopie a massivement investi dans l’aviation, comme en témoigne l’aéroport international de Bole. Notre compagnie nationale, Ethiopian Airlines, bénéficie des pilotes les mieux formés du continent. Nous avons également facilité la formation d’autres pilotes dans des compagnies plus petites via ce programme chinois », ajoute M. Semie. Il précise que le ministère finance une partie des frais de formation tandis que les entreprises prennent le relais.
« Bien que nous ayons formé près de 345 pilotes, il reste encore du chemin à parcourir. Ethiopian Airlines emploie 1 800 pilotes, et seulement 5 % d’entre eux ont bénéficié de cette formation supplémentaire. Cependant, notre ambition est d’atteindre une formation à 100 % pour tous nos pilotes », explique le ministre, tout en annonçant un nouveau programme de formation pour les pilotes dans les mois à venir, en collaboration avec des experts du domaine.
M. Hailu détaille davantage le contenu de leur formation en Chine : « Nous nous immergeons dans des exercices rigoureux améliorant nos aptitudes, allant de la communication à la prise de décision rapide en vol. La technologie, y compris l’intelligence artificielle (IA), est une composante clé de notre formation. L’IA, par exemple, analyse les données des capteurs pour anticiper les défaillances. » Il projette d’ailleurs, après sa retraite, de créer sa propre école d’aviation.
Pour M. Semie, bien que le secteur se développe annuellement, seuls quelques-uns parviennent à devenir des professionnels émérites. Actuellement, l’Éthiopie compte plus de 4 800 pilotes licenciés.
Une formation d’excellence
De nombreuses compagnies aériennes éthiopiennes de renom, comme Ethiopian Airlines, envoient régulièrement leurs pilotes en Chine pour des formations intensives d’une durée de 6 à 12 mois. Ces formations sont généralement financées soit par le gouvernement chinois, soit directement par les compagnies aériennes. Ethiopian Airlines, par exemple, forme annuellement 200 pilotes en Chine, et d’autres compagnies de moindre envergure font de même.
Le gouvernement éthiopien est résolu à maintenir ce programme de formation sans date de fin fixée. Entre-temps, Habiba Ali, une jeune Éthiopienne mariée, est en route pour réaliser son rêve de pilotage. « J’ai déjà postulé pour intégrer le Collège de pilotage Xinjin affilié à l’Université de l’aviation civile de Chine à Chengdu. Mon ambition est de piloter pour des géants comme Ethiopian Airlines, Kenya Airways, ou même Qatar Airways », confie-t-elle.
En Éthiopie, nombreux sont ceux qui rêvent de devenir pilotes, un métier que le gouvernement considère comme l’une des carrières connaissant la croissance la plus rapide. Cependant, la concurrence est rude, la demande étant supérieure au nombre de candidats qualifiés.
Avec l’âge de retraite des pilotes fixé à 67 ans, le gouvernement prévoit d’augmenter le nombre de pilotes en recrutant dès l’âge de 22 ans, anticipant ainsi les départs à la retraite des pilotes expérimentés.
Habiba confirme : « Être pilote, c’est plus qu’un métier, c’est une vocation. Cette profession jouit d’un prestige équivalent à celui d’autres métiers comme avocat, médecin, ingénieur, ou encore entrepreneur renommé. »
Selon les prévisions de la Banque africaine de développement, l’économie éthiopienne devrait croître de 6 % cette année. Cette dynamique favorise la stabilité du marché du travail éthiopien, qui compte parmi les plus importantes populations d’expatriés d’Afrique. Habiba note : « Beaucoup d’expatriés sont passionnés d’aviation, cherchant à obtenir des licences pour des jets commerciaux ou privés. C’est l’Autorité éthiopienne de l’aviation civile qui délivre ces licences. D’ailleurs, on peut obtenir une licence de pilote dès l’âge de 17 ans. »
John Dee, un citoyen américain ayant vécu en Éthiopie depuis son plus jeune âge, souligne l’attrait d’Ethiopian Airlines pour de nombreux aspirants pilotes. « Travailler pour cette compagnie est un véritable atout pour la carrière d’un pilote. Malgré mon échec aux examens de pilotage, je compte retenter ma chance. Outre Ethiopian Airlines, il y a ici d’autres acteurs comme East African Aviation, Trans Nation Airways, ainsi que diverses petites compagnies commerciales et écoles de pilotage », précise-t-il.
Face à une concurrence accrue de la part de son principal rival, Kenya Airways, Ethiopian Airlines, avec le soutien du gouvernement éthiopien, mise sur la formation technique en Chine pour conserver son avantage compétitif.
Reportage d’Éthiopie
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