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  2023-09-14
 

Embrasser le monde moderne

VOL. 15 SEPTEMBRE 2023 par Godfrey Olukya  ·   2023-09-14
Mots-clés: RDC

Entre droits ancestraux, défis contemporains et espoirs renouvelés, la vie du peuple des forêts en RDC.

Des Batwa pygmées. (GODFREY OLUKYA) 

 

Sabiti Kado, 45 ans, rejoint tranquillement ses compatriotes pygmées dans un bar d’Aru, à la lisière de la province orientale de l’Ituri en République démocratique du Congo (RDC). Tous y dégustent une bière locale. M. Kado vient de la forêt de l’Ituri, foyer de sa famille et d’autres pygmées. Ces derniers, parmi les rares encore résidant en forêt, sortent épisodiquement pour commercer ou trouver des emplois temporaires. 

 

« Je commercialise des vêtements, du sucre, du sel et des biens ménagers. Je les achète à Aru pour les revendre en forêt. Je suis un Mbuti, et je suis fier de mon héritage. C’est ainsi que Dieu m’a façonné », confie-t-il. 

 

Les Mbuti, ou Bambuti, sont des Pygmées 
chasseurs-cueilleurs. Parmi les plus anciens habitants du Congo, ils auraient élu domicile dans la forêt de l’Ituri depuis deux millénaires. 

 

M. Kado représente l’un des nombreux Pygmées de la RDC, majoritairement installés en forêt de l’Ituri. Quelques-uns vivent plus au nord. Kafupi Sabiti, un de ses confrères ayant rejoint Aru il y a une décennie, cherchait un emploi pour subvenir aux besoins de sa famille restée en forêt. « Je décharge les camions pour les marchands et je suis rémunéré pour cela. Lors de mes visites en forêt, j’emmène des biens essentiels », explique-t-il. 

 

Avec le temps, une solidarité s’est tissée envers ces peuples forestiers. Robert Kilihosi, un agent forestier de l’Ituri, note que malgré les discriminations et marges de la société, certains Pygmées s’intègrent peu à peu au monde contemporain sans renier leur identité. Des organisations ont même fondé des écoles forestières pour les jeunes Pygmées. 

 

Le pasteur Simon Longwa, affilié à l’église pentecôtiste d’Aru, mentionne que, outre l’éducation, des églises ont été instaurées dans certaines communautés pygmées. « Nombre d’entre eux ont embrassé la foi chrétienne », témoigne-t-il. 

 

Préservation des forêts 


L’éminent écologiste africain, Fredrick Mugira, reconnu à la fois comme explorateur pour National Geographic, boursier du Pulitzer Center et du Bertha Challenge, souligne la nature nomade des pygmées. Traditionnellement, ils migrent à travers la forêt, se repositionnant en fonction des ressources disponibles. Cette mobilité permet à la faune, principale source de leurs protéines, de se régénérer après leur passage. 

 

« Contrairement à une idée reçue, les Pygmées ne déforestent pas. Lorsqu’ils s’installent, ils nettoient le sous-bois, éliminant jeunes pousses et arbustes, mais préservent les grands arbres. Ces derniers leur offrent une ombre salvatrice et abritent des abeilles productrices de miel. Grâce à cette approche respectueuse, les zones qu’ils occupent peuvent rapidement retrouver leur vigueur forestière une fois qu’ils les quittent. Leurs abris sont conçus à partir d’herbes et de feuillages », explique-t-il. 

 

Les Pygmées ont une méthode écologique pour récolter le miel : ils grimpent souvent jusqu’à huit mètres de hauteur. Arrivés à la ruche, ils utilisent la fumée d’herbes pour apaiser les abeilles, sans les blesser, facilitant ainsi la récolte du miel. 

 

Leur approche conservatrice s’enracine également dans des croyances ancestrales. Par exemple, ils s’abstiennent de chasser dans les zones de reproduction ou pendant les périodes de gestation des animaux. 

 

Une famille Batwa pygmée devant leur demeure en forêt à Kalehe, en République démocratique du Congo. (GODFREY OLUKYA) 

 

Les droits des Pygmées  

 

En 2022, la RDC a marqué un tournant majeur en ratifiant la Loi pour la promotion et la protection des droits des peuples autochtones pygmées. Cette législation inédite représente la première initiative du pays pour reconnaître et sécuriser officiellement les droits des communautés autochtones, notamment en matière de territoire. Elle est perçue comme un levier pour renforcer la sécurité foncière des Pygmées, améliorer leurs conditions de vie et les positionner en acteurs clés pour atteindre les objectifs climatiques et de préservation de la RDC. 

 

Charles Mungaya, responsable gouvernemental de la province de l’Ituri, s’est exprimé en ces termes : « Pour la première fois, nos autorités reconnaissent et défendent explicitement les droits des Pygmées. Cette loi est précieuse car elle protège leurs droits ancestraux dans les forêts. » 

 

Dorothée Lisenga, figure emblématique de la communauté et coordinatrice de la Coalition des femmes leaders pour l’environnement et le développement durable, a qualifié la loi de « véritable outil d’émancipation pour les Pygmées de la RDC ». 

 

Pius Kiri, un chef pygmée local, a quant à lui exprimé sa gratitude : « Nous saluons cette initiative gouvernementale qui nous reconnaît et garantit notre droit de vivre en forêt. » 

 

Des défis persistants 


La vie des Pygmées est profondément affectée par plusieurs facteurs : la déforestation, la dégradation des forêts, l’extension des voies forestières et la croissance de la population rurale. L’exploitation forestière est au cœur du problème. En abattant des arbres, elle facilite la colonisation rapide de vastes zones forestières autrefois préservées. 

 

Habituellement en symbiose avec leur écosystème forestier, les Pygmées voient aujourd’hui leurs pratiques de chasse mises en péril par la commercialisation accrue de la viande de brousse. Cette demande croissante émane non seulement des villages locaux et des centres urbains, mais aussi des marchés internationaux. 

 

Dans plusieurs zones forestières habitées par les Pygmées, ils sont sous la menace de la disparition de leur territoire ancestral, de l’arrivée de nouveaux arrivants et des directives gouvernementales visant à ébranler leurs traditions en les soumettant à une colonisation forcée. Toutefois, leur résilience est manifeste : ils adaptent leur mode de vie, comme en adoptant de nouveaux vêtements ou en intégrant le sucre et le sel à leur alimentation. 

 

La loi récente visant à protéger les droits des Pygmées représente un espoir face à ces défis, offrant une perspective de préservation de leur héritage culturel. 

 

ENCADRÉ

Les Pygmées : 
qui sont-ils ? 

 

Les Pygmées sont un ensemble de peuples distincts, reconnus principalement pour leur petite stature, que certains scientifiques attribuent aux adaptations aux conditions environnementales de leur habitat. En général, un Pygmée adulte mesure rarement plus de 1,5 mètre. 


Il existe plusieurs groupes majeurs de Pygmées en Afrique. Parmi eux, on trouve les Mbuti des forêts de la RDC, les Aka en République centrafricaine et au nord de la RDC, les Baka au sud du Cameroun, et enfin les Batwa présents dans le bassin central du Congo ainsi que dans les forêts ougandaises. 

 

Leur petite stature pourrait être le résultat de la sélection naturelle qui les a favorisés pour une vie dans des forêts tropicales denses, où les conditions sont à la fois étouffantes et où la nourriture peut être limitée. 

 

En RDC, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) estime la population pygmée entre 600 000 et 1,5 million d’individus. Fondée en 1948, l’UICN est une coalition d’entités gouvernementales et de la société civile qui s’appuie sur un vaste réseau d’experts. Elle est considérée comme l’autorité mondiale en matière de conservation de la nature. 

 

Selon l’UICN, grâce à leurs connaissances et pratiques traditionnelles, les Pygmées jouent un rôle fondamental dans la préservation de la biodiversité exceptionnelle de leurs régions. 

 

Reportage depuis la République démocratique du Congo 

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