La route Huye-Kibeho, soutenue par la Chine, dynamise le Sud du Rwanda. 

Des membres du clergé catholique posent pour une photo de groupe avec des étudiants en visite à Kibeho, au Rwanda. (ALAFATI MUGABO) 

Esperance Mukamusoni devait jadis voyager trois heures depuis sa résidence à Huye pour atteindre Kibeho, un sanctuaire prisé par les chrétiens du district de Nyaruguru, au sud du Rwanda. Toutefois, avec la construction d’une nouvelle route par une entreprise chinoise, ce trajet est désormais réduit à seulement 50 minutes. Aujourd’hui, Esperance peut aisément rejoindre les milliers de pèlerins venant du monde entier pour se recueillir à Kibeho chaque année. 

Esperance se remémore avec précision l’époque où les pèlerins ougandais étaient contraints de passer une nuit en chemin avant d’atteindre Kibeho. La défaillance d’un pont les obligeait à emprunter un itinéraire plus sinueux. Ce détour était particulièrement contraignant, surtout lorsque l’on considère que la distance entre Huye et Kibeho n’est que de 27 km. 

La nouvelle route Huye-Kibeho, mesurant 27 km et faisant partie d’un axe plus long de 66 km reliant Huye à Kibeho, Munini et Ngoma dans le district de Nyaruguru situé dans la province du Sud, a transformé le voyage vers ce lieu sacré grâce à une infrastructure moderne. Financée par le gouvernement chinois via l’initiative « la Ceinture et la Route », cette route a grandement amélioré les déplacements depuis son achèvement, rendant le pèlerinage accessible à tout instant. Ainsi, grâce à cette amélioration, les fidèles peuvent désormais entamer leur voyage spirituel plus aisément, y compris à pied. 

Un accès plus facile 

Le père Jean Pierre Gatete, responsable du site sacré de Kibeho ainsi que de l’église catholique locale, a indiqué que la fréquentation des pèlerins à Kibeho a doublé suite à l’inauguration de la route Huye-Kibeho. 

L’année passée, Kibeho a accueilli plus de 700 000 pèlerins provenant de différentes parties du monde, contre 300 000 à 400 000 les années antérieures. Cette augmentation est attribuée au projet routier financé par la Chine et à l’efficacité des ingénieurs chinois. 

La réalisation de cette route a découlé de 15 protocoles d’accord bilatéraux signés entre le Rwanda et la Chine pendant la visite du Président chinois Xi Jinping en 2018. Grâce à ces ententes, le Rwanda a bénéficié d’un prêt concessionnel de 77,9 millions de dollars pour l’édification de la route Huye-Nyaruguru, selon les dires des dirigeants de l’Agence de développement des transports du Rwanda. 

Outre l’augmentation du nombre de pèlerins en Terre sainte, la route a aussi amélioré la mobilité des personnes et des biens, stimulant par conséquent le développement des entreprises locales. 

Suite à la hausse du nombre de visiteurs, Emmanuel Murwanashyaka, maire du district de Nyaruguru, a affirmé que les investisseurs, précédemment réticents à développer des infrastructures, notamment dans l’hôtellerie, montrent désormais leur enthousiasme. 

Le maire a souligné qu’après la construction de la route, des hôtels ont émergé, incitant les touristes à prolonger leur séjour. Cette offre d’hébergement a dissipé les préoccupations liées au logement. Par conséquent, la valeur foncière du centre urbain de Kibeho a significativement augmenté. 

Dans l’ensemble, la route réalisée par la Chine a bouleversé le tourisme à Kibeho tout en boostant la croissance économique, profitant ainsi aux agriculteurs, aux entreprises et à la communauté dans sa globalité. La modernisation des infrastructures routières a renforcé la connectivité, encourageant la prospérité et suscitant des investissements dans la région. 

Un tronçon de la route Huye-Kibeho. (ALAFATI MUGABO) 

Développement économique 

Joseph Nkusi, dirigeant d’une société basée à Huye, a confié à CHINAFRIQUE que le transport de ses produits vers et depuis Nyaruguru, notamment vers des prospects à Kibeho, représentait un véritable casse-tête. Toutefois, grâce à la construction de la nouvelle route, son temps de trajet a drastiquement diminué, passant d’une heure à bien moins. 

L’amélioration de cette connectivité a non seulement dynamisé l’activité de M. Nkusi, mais lui a aussi ouvert les portes d’un marché élargi, attirant pèlerins et touristes en visite à Kibeho. Il distribue à présent ses produits avec une efficacité accrue, favorisant l’expansion de son entreprise. 

En entrepreneur visionnaire, M. Nkusi a observé le potentiel offert par les améliorations apportées aux infrastructures routières de Kibeho, notamment en termes de réduction des temps de trajet et d’accessibilité renforcée, et envisage d’acquérir un véhicule de 29 places pour le transport public. Ceci faciliterait les déplacements entre Huye et Nyaruguru. « Face à la dynamique économique grandissante de la région, les investisseurs sont à l’affût d’opportunités pour en tirer profit », a-t-il souligné. 

Alice Uwimana, une entrepreneure locale, gère une charmante maison d’hôtes à Kibeho. Avant la réalisation de la route, ses taux d’occupation variaient, les visiteurs éprouvant des difficultés à accéder à la région. Toutefois, depuis la finalisation de cette voie, sa maison d’hôtes enregistre une nette hausse des réservations. Son succès sert d’ailleurs de modèle et stimule l’intérêt d’autres investisseurs. 

Jane Mutesi, une commerçante locale, avait du mal à garnir les étagères de son magasin, l’accès limité aux fournisseurs étant un frein. Les longs trajets décourageaient les distributeurs de livrer régulièrement chez elle. Cependant, depuis l’inauguration de la nouvelle route, Mme Mutesi a étoffé son offre de produits, attirant ainsi davantage de pèlerins et de touristes. Cette infrastructure a également suscité l’intérêt d’investisseurs, séduits par le potentiel croissant du commerce de détail dans la région. 

« Depuis mon plus jeune âge, je nourrissais l’ambition de révolutionner l’agriculture locale. L’optimisation de la connectivité routière a concrétisé cette aspiration. Avec une facilité de transport accrue vers les marchés, j’ai pu établir une coopérative offrant des produits frais aux habitants et aux pèlerins de passage à Kibeho », a confié Gabriel Munyaneza, un trentenaire résidant à Kibeho. 

Reportage du Rwanda