2025-01-10 |
Des rives ressuscitées |
VOL. 17 / JANVIER 2025 par XIA YUANYUAN · 2025-01-10 |
Mots-clés: Xiamen ; nature |
La promesse verte de Xiamen : un modèle d’harmonie urbaine.
Vue du parc de Wuyuan Bay Wetland à Xiamen. (YU XIANGJUN)
Chaque week-end, la piste cyclable de la baie Xinglin, nichée dans l’arrondissement de Jimei à Xiamen, dans la province du Fujian, devient le rendez-vous privilégié des résidents et des touristes. Parmi eux, Théogène Habumugisha, un Rwandais établi à Xiamen depuis de nombreuses années, trouve dans ce lieu un de ses espaces favoris. « C’est l’une de mes attractions préférées à Xiamen, où je viens souvent faire du vélo avec des amis. Le paysage est magnifique et l’air est frais, tout est très agréable ici », confie-t-il. Longue de 2,6 km, cette piste serpente à travers la mer, offrant un contraste saisissant avec le passé marqué par la pollution.
Xiamen, ville côtière emblématique, illustre les défis écologiques que rencontrent ces métropoles maritimes. Au début de l’ère de réforme et d’ouverture de la Chine, l’environnement marin de nombreux sites, dont la baie Xinglin, avait souffert de l’expansion économique. Depuis plus de trois décennies, Xiamen s’engage activement dans une démarche de développement durable, alliant croissance économique et conservation écologique. Cette stratégie s’articule autour de projets phares comme la gouvernance intégrée du lac Yundang.
Aujourd’hui, Xiamen s’est métamorphosée en une ville-jardin exemplaire. Elle a été couronnée par plus de vingt distinctions nationales et internationales, parmi lesquelles le Prix d’Honneur d’ONU-Habitat, et les titres de Ville écologique nationale et de Ville-jardin internationale. Elle a également été récompensée pour ses initiatives de conservation et de restauration de l’écosystème marin, devenant ainsi une référence en matière de gestion écologique des villes côtières.
Un aménagement intégré
Avec ses 1,6 km², le lac Yundang est l’unique lac artificiel intérieur d’eau de mer à Xiamen, entouré d’une végétation luxuriante qui attire fréquemment des aigrettes en vol. « Ce lac a connu une transformation radicale en plus de trente ans », souligne Zhong Pengze, technicien au Centre de protection du lac Yundang.
Dans les années 1970, l’état écologique du lac était alarmant. Les eaux usées domestiques et les rejets non traités de plus de 300 usines se déversaient directement dans ses eaux, entraînant une prolifération de déchets flottants, des odeurs nauséabondes et la disparition de la faune aquatique.
Depuis les années 1980, la municipalité de Xiamen a fait de la réhabilitation écologique une pierre angulaire de son développement
socio-économique. Le projet de dépollution du lac Yundang, mené en cinq phases sur plus de trois décennies, a transformé ce qui était autrefois un « lac malodorant » en un véritable « poumon vert » et « jardin urbain ». Ce succès a encouragé la ville à réhabiliter d’autres zones aquatiques, telles que les baies Wuyuan, Xinglin et Maluan.
« Chaque baie nécessite une approche sur mesure », explique Yang Shengchang, professeur à la faculté de l’environnement et de l’écologie de l’Université de Xiamen. « Il faut développer une approche différenciée, “une baie, une solution”, en fonction des caractéristiques écologiques de chacune. »
Ce renouveau écologique a permis à Xiamen de se doter de paysages marins et de littoraux agréables, comme le confirment les oiseaux, véritables baromètres de la santé environnementale. Burkhard Risse, un Allemand résidant en Chine et passionné d’ornithologie, témoigne de la richesse aviaire de la région. « Xiamen abonde en espèces d’oiseaux, et offre de nombreux points d’observation exceptionnels comme le parc Bailuzhou, la zone humide de Shuangxi et le parc de mangroves Xiatanwei, sans oublier le lac Yundang », explique-t-il. Lors de sa première visite, il y a photographié diverses espèces telles que des aigrettes blanches, des hérons cendrés et des étourneaux à cou noir.
Lin Tao, membre de l’Association d’observation des oiseaux de Xiamen et directeur adjoint du centre de recherche sur la planification et la gestion de l’environnement écologique à l’Institut de l’environnement urbain de l’Académie des sciences de Chine, est également passionné par la photographie ornithologique aux abords du lac Yundang. Il a observé une augmentation significative des espèces d’oiseaux recensées autour de ce lac ces dernières années. Cette diversité croissante est le témoignage d’une amélioration soutenue de l’environnement du lac Yundang, favorisant une harmonie durable entre l’homme, les oiseaux et leur milieu naturel.
Des cygnes noirs glissent paisiblement sur le lac du parc de Wuyuan Bay Wetland à Xiamen. (YU XIANGJUN)
Une barrière écologique
Comment peut-on mieux protéger l’environnement marin, renforcer la barrière écologique, et accroître la résilience des écosystèmes côtiers lors de la restauration des baies ? Les zones humides côtières de Xiamen, en particulier le parc de mangroves Xiatanwei, offrent des pistes de réponse efficaces.
Les mangroves, cet ensemble de plantes ligneuses adaptées à la zone intertidale des côtes tropicales et subtropicales, jouent un rôle crucial. Elles protègent les littoraux contre les vents et les vagues, purifient les eaux marines, capturent et stockent le carbone, et servent d’habitat essentiel à diverses espèces comme les oiseaux, les poissons et les crevettes, méritant ainsi les surnoms de « gardiennes des côtes » et de « poumons verts de l’océan ».
Le parc de mangroves Xiatanwei, situé dans l’arrondissement de Xiang’an, constitue un bel exemple de contraste entre ses forêts denses et les paysages de la baie environnante. En tant que plus grand parc de mangroves artificiellement reconstitué de la province du Fujian, il attire quotidiennement un grand nombre de visiteurs. Ce site était auparavant un marécage négligé, gravement affecté par des pratiques de poldérisation inconsidérées et une aquaculture désorganisée, qui avaient entraîné l’eutrophisation des eaux et la disparition des mangroves pendant plus de deux décennies.
Face à cette dégradation écologique, dès 2005, l’académicien Lin Peng, surnommé le « père de la mangrove chinoise », a mené son équipe à réintroduire 6,67 hectares de mangroves dans une forêt expérimentale au sein du parc. Entre 2010 et 2022, avec le soutien du ministère des Ressources naturelles, le parc a entrepris deux phases de restauration écologique et a replanté environ 85 hectares de mangroves, formant ainsi une « zone tampon verte » qui agit comme une barrière naturelle contre les catastrophes maritimes, y compris les typhons et les surges.
M. Yang souligne l’excellente capacité des mangroves à stocker le carbone, avec un potentiel de séquestration annuelle estimé à 4,3 tonnes de CO2 par hectare. En septembre 2017, lors du Sommet des BRICS à Xiamen, la deuxième phase de restauration de Xiatanwei en a fait le premier événement BRICS neutre en carbone, promouvant ainsi la vision de Xiamen pour un développement durable et bas-carbone à l’échelle mondiale.
Lu Changyi, professeur à la faculté de l’environnement et de l’écologie de l’Université de Xiamen, met en lumière les avantages écologiques, sociaux, et économiques offerts par ces « gardiennes des côtes ». Le parc de mangroves Xiatanwei, capable d’accueillir jusqu’à 46 000 visiteurs par jour, stimule l’investissement local et améliore les conditions de vie, générant de nouvelles opportunités pour un développement de qualité à Xiamen. Selon une récente enquête de la faculté, la ville comptait 180 hectares de mangroves à la fin de l’année 2023.
Balade en rosalie sur la piste cyclable marine de la baie Xinglin, à Xiamen. (YU XIANGJUN)
Un modèle côtier
Erik Solheim, ancien directeur exécutif du Programme des Nations unies pour l’environnement, a salué Xiamen comme un modèle exemplaire de restauration écologique pour les villes côtières mondiales, soulignant que l’expérience de Xiamen mérite d’être étudiée et reproduite à l’international.
Depuis trois décennies, Xiamen a dynamisé le « partenariat bleu », élargissant son réseau de « cercle d’amis maritimes » et intensifiant les échanges et la coopération avec d’autres villes côtières, notamment dans les domaines de l’exploitation des ressources marines et de la restauration écologique. La ville a notamment organisé des formations sur les technologies de la mariculture au Costa Rica, collaboré avec la Thaïlande pour la restauration des plages de sable de Pattaya, et mis en place un observatoire conjoint des océans avec l’Indonésie dans la province de Sulawesi du Nord.
En octobre 2005, Xiamen a inauguré le premier Forum international des villes maritimes, marquant le début d’une coopération mondiale pour le développement durable. Ce forum a abouti à la signature de la Déclaration de Xiamen, qui a proposé l’organisation régulière à Xiamen d’une Semaine internationale de l’océan. Depuis 2007, cet événement annuel, se déroulant chaque novembre, attire plus de 130 pays et régions ainsi que des dizaines d’organisations internationales.
En 2006, le secrétariat du PEMSEA Network of Local Governments (PNLG) a été établi à Xiamen, unissant 53 villes de dix pays dans l’effort de promouvoir la gestion intégrée des zones côtières. « Xiamen, autrefois bénéficiaire de la coopération internationale maritime, joue désormais un rôle de contributeur clé », indique Zhou Lumin, expert en océanographie à Xiamen.
L’Université de Xiamen a lancé en 2007 le premier programme chinois de master en affaires maritimes, dont environ un tiers d’étudiants viennent des pays partenaires de l’initiative « la Ceinture et la Route », comme l’Indonésie, le Bangladesh et le Pakistan. En 2008, la Semaine internationale de l’océan de Xiamen a formé un partenariat avec la Semaine mondiale de l’eau de Stockholm.
Xiamen a également développé plusieurs plateformes d’échanges maritimes internationaux, dont le Centre de développement durable marin de l’APEC et la plateforme de formation des talents du Centre d’innovation du partenariat des BRICS sur la nouvelle révolution industrielle, partageant activement son expertise et collaborant pour le développement durable des océans.
Tungamirai Eric Mupona, étudiant zimbabwéen en Chine spécialisé dans les affaires internationales et la gouvernance mondiale à l’Université du Zhejiang, résume : « La question de la conciliation entre croissance économique et protection de l’environnement, souvent perçue comme conflictuelle, est particulièrement prégnante pour les pays en développement. L’expérience de Xiamen démontre que ces deux dimensions peuvent se renforcer mutuellement et évoluer en synergie. »
Reportage de Xiamen
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