L’aide chinoise, semence pour la future génération ougandaise. 

Échanges entre invités et élèves lors d’un gala sportif et artistique en hommage à l’aide alimentaire chinoise, à l’École primaire Kasemeri à Moroto, en Ouganda, le 20 juin 2024. (XINHUA) 

Adriano Kanyesigye et ses amis parcourent chaque jour jusqu’à 8 km pour un repas gratuit à l’école, une nécessité face à la famine qui sévit à Karamoja, dans le nord-est de l’Ouganda. « Je suis reconnaissante que mes enfants aient au moins un repas par jour à l’école », confie la mère d’Adriano, Anisha Kanyesigye. « Chez nous, il n’y a souvent rien à manger, sauf du sorgho bouilli ou des résidus d’alcool brassé localement. » 

Cette région, durement frappée par les sécheresses et les ravageurs, souffre d’une grave crise alimentaire. Pendant l’année financière 2022-2023, plus de 1 000 enfants de moins de 5 ans sur une population de 22 740 ont été admis pour malnutrition sévère à l’Hôpital de Moroto, l’un des neuf districts de Karamoja les plus durement frappés par la faim. 

Pour Mme Kanyesigye, le programme de repas scolaires est une bouée de sauvetage. Grâce à cette initiative, ses enfants bénéficient non seulement d’un repas quotidien, mais également d’une éducation gratuite à l’École primaire de Moroto. 

L’école affamée 

Karamoja, une région majoritairement pastorale, traverse une crise sans précédent. La saison des pluies de 2024, qui s’est étendue de mars à juillet, a été la plus aride depuis 1981. Cette sécheresse historique a décimé les cultures et le bétail, tout en provoquant de graves pénuries d’eau. À cela s’ajoutent les ravageurs et les maladies saisonnières, exacerbant une situation déjà critique. 

Les écoles financées par le gouvernement, débordées, voient affluer de nombreux non-
apprenants cherchant désespérément à accéder aux repas destinés aux élèves inscrits. Ce phénomène contribue à des taux d’abandon scolaire élevés dans le primaire et à une baisse significative des inscriptions dans le secondaire. « Nous savons que, sans une alimentation suffisante, les enfants ne peuvent pas se concentrer en classe. Mais nous ne pouvons pas non plus laisser ceux qui ne sont pas scolarisés mourir de faim », a déclaré Emmanuel Lotuke, un enseignant dans une école primaire de Moroto. 

Selon Save the Children International, près de 55 % des enfants de moins de 5 ans dans les districts les plus touchés, tels que Kotido et Kaabong, nécessitent un traitement urgent contre la malnutrition. 

Une vision nourricière 

En 2020, l’Union africaine a désigné l’alimentation scolaire comme une stratégie clé pour promouvoir le développement durable à travers le continent. En réponse, l’Ouganda s’est engagé à élaborer un programme national d’alimentation scolaire aligné sur sa Vision 2040 et son Plan national de développement. 

« Nous continuerons à unir nos efforts pour lever les obstacles à l’éducation en associant une éducation de qualité à des interventions nutritionnelles », a affirmé Joyce Kaducu, ministre d’État ougandaise de l’Éducation et des Sports, lors d’une cérémonie marquant la remise d’une aide alimentaire chinoise à Kampala. Mme Kaducu a souligné l’importance cruciale du programme de repas scolaires pour nourrir et éduquer la prochaine génération. Elle a également insisté sur la nécessité d’éliminer les défis logistiques entravant la livraison de la nourriture et d’améliorer la qualité de l’éducation. 

Réaffirmant l’engagement du gouvernement, la ministre a annoncé qu’une politique nationale d’alimentation scolaire sera finalisée d’ici fin 2025. Elle a également précisé qu’une ligne budgétaire dédiée sera intégrée au budget national, permettant le financement de ce programme dès l’exercice 2025-2026.  

Une aide essentielle  

Face à la crise alimentaire, la Chine a offert 1 480 tonnes de haricots et de maïs, ainsi que 152 tonnes d’huile de cuisson, d’une valeur totale de 2 millions de dollars, par l’intermédiaire du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies. Cette aide a bénéficié à 229 000 enfants dans les écoles de Karamoja. « Ce don s’inscrit dans notre réponse rapide à la demande urgente du gouvernement ougandais pour assurer la sécurité alimentaire à Karamoja », a indiqué Zhang Lizhong, ambassadeur de Chine en Ouganda. 

Depuis 2018, la Chine a fourni trois lots d’aide alimentaire d’urgence, soutenant près de 500 000 habitants vulnérables de Karamoja grâce au PAM, selon l’ambassade de Chine en Ouganda. 

Le PAM a salué le soutien du gouvernement chinois au programme de repas scolaires, qui couvre 315 écoles à Karamoja. Chaque jour, ce programme offre des repas chauds à plus de 210 000 enfants, avec pour objectif de maintenir leur scolarisation et de les protéger contre divers risques sociaux. 

Cependant, la pauvreté reste omniprésente dans la région, qui dépend fortement de l’aide du PAM. Les évaluations récentes des agences humanitaires et des donateurs révèlent qu’environ 91 600 enfants et 9 500 femmes enceintes ou allaitantes souffrent de malnutrition aiguë et nécessitent une prise en charge. 

Le PAM a également souligné que les fonds chinois ont été utilisés pour acheter de la nourriture auprès des agriculteurs locaux, ce qui a stimulé l’agriculture régionale et amélioré les moyens de subsistance à Karamoja. En 2023, le PAM a acquis 2 300 tonnes de nourriture localement, injectant 2 millions de dollars dans l’économie locale. « Nous sommes profondément reconnaissants envers le gouvernement chinois pour ce généreux don de 2 millions de dollars, qui permettra de soutenir le programme de repas scolaires jusqu’au deuxième semestre », a déclaré Abdirahman Meygag, représentant du PAM en Ouganda. 

Reportage d’Ouganda