2025-06-03 |
Des ailes sur la pelouse |
VOL. 17 / JUIN 2025 par LIU CHANG · 2025-06-03 |
Mots-clés: football ; un avenir prometteur |
Les jeunes filles de la première promotion de la classe de football féminin de l’École primaire Yisa posent avec l’entraîneur en chef An Fu. (PHOTOS : COURTOISIE)
« Allez ! Plus vite ! » « Fais la passe ! » Sur un vaste terrain de football, deux groupes d’élèves s’affrontent avec fougue, encadrés par leurs entraîneurs. Dans le lointain, des montagnes aux courbes majestueuses se découpent sur le ciel, leurs sommets effleurant les nuages. Malgré le vent mordant et la fraîcheur printanière, les visages rougis des enfants, animés par une passion ardente, rayonnent d’une énergie contagieuse. Cette scène vive et joyeuse est le quotidien de l’École primaire Yisa, nichée dans le district de Butuo, au cœur de la préfecture autonome yi de Liangshan, au Sichuan.
À 2 400 mètres d’altitude, le climat alpin a forgé une robustesse que les autorités ont mise à profit en intégrant le football à l’éducation. En 2016, la première équipe féminine a vu le jour. Un an plus tard, le projet Action Weiguang (« lueur d’espoir »), lancé par le Comité du Parti Zhi Gong de Chine pour la province du Sichuan et celui de la ville de Chengdu, a renforcé cette dynamique, promouvant le football scolaire. Depuis, le ballon rond ouvre la voie à l’émancipation de nombreuses jeunes filles, qui quittent ces terres enclavées pour Chengdu, Beijing ou d’autres grandes villes, portées par leur passion.
Un modèle éducatif inspirant
Depuis juillet 2023, l’École primaire Yisa est devenue un modèle du projet Action Weiguang pour le football féminin. De jeunes élèves venues des douze cantons du district y suivent un cursus alliant enseignement scolaire et entraînement intensif, après deux phases de sélection rigoureuse.
« Notre école est la première du district à avoir lancé une classe spécialisée en football féminin », indique Lai Xuejiang, directeur de l’établissement. Après une année d’adaptation, les élèves intègrent cette section dès la deuxième année, suivant un programme équilibré entre cours généraux et entraînements techniques. Chaque classe compte 48 élèves réparties en trois groupes selon leur niveau, un système qui stimule l’émulation et le dépassement de soi.
En plus du programme scolaire, trois heures quotidiennes sont consacrées au football. Internes à l’école, les élèves ne rentrent chez elles qu’aux vacances d’hiver et d’été. Malgré la rigueur du rythme, leurs résultats scolaires sont excellents : la classe de troisième année est première en chinois et deuxième en mathématiques au niveau du district.
« Le sport et les études s’enrichissent mutuellement », affirme M. Lai. « Le football développe la confiance en soi, et les acquis scolaires nourrissent la réflexion stratégique. C’est une synergie gagnante. » Il souligne toutefois l’essentiel : « Le développement sportif ne doit jamais compromettre l’avenir académique. »
Concentration, vivacité et esprit d’équipe : les jeunes footballeuses de Yisa donnent le meilleur d’elles-mêmes.
Une passion viscérale
Lorsque les cours s’achèvent, le terrain retrouve son effervescence. Un match s’y déroule avec intensité. An Fu, l’entraîneur en chef, suit chaque mouvement avec attention. Tantôt il prodigue des conseils précis, tantôt il applaudit une belle action, le visage illuminé par la fierté.
À 29 ans, ce jeune homme de l’ethnie yi, diplômé en éducation physique de l’Université normale d’Aba du Sichuan, consacre son quotidien à ces jeunes joueuses. Présent dès la création de la première classe féminine, il est aujourd’hui entraîneur à plein temps. « L’école est un peu devenue ma deuxième maison », confie-t-il en souriant. Il connaît chacune de ses élèves, leurs qualités, leurs faiblesses, leur tempérament. « Nous adaptons nos entraînements aux capacités individuelles. Par exemple, cette petite qui dribble là-bas, elle est rapide et vive : un vrai potentiel d’attaquante. »
Elle s’appelle Sugame Liwai. Issue d’un milieu modeste, elle s’est présentée aux sélections pieds nus, ses chaussures – trop grandes et empruntées à sa sœur – menaçant de tomber à chaque foulée. Elle a tout de même terminé première. « Sa détermination m’a bouleversé. J’ai su immédiatement que je devais l’accompagner. »
Interrogées sur la rudesse des entraînements, les jeunes filles secouent la tête en souriant. Dans leurs yeux, une lueur brille : celle d’un rêve devenu moteur. « Chaque fois que je vois cette flamme, je me sens investi d’une mission », confie leur entraîneur.
Un rêve en construction
En avril 2024, l’école Yisa a été désignée « École pilote nationale de football scolaire pour les adolescents ». En septembre dernier, elle a remporté le tournoi U10 féminin lors de la 40e édition des Jeux scolaires de la préfecture de Liangshan, inscrivant 44 buts pour une différence de +42. En finale, les jeunes joueuses ont triomphé 8 à 1, une performance d’autant plus remarquable qu’il s’agissait de leur première participation à une compétition préfectorale.
Depuis 2017, 48 joueuses issues du projet Action Weiguang ont intégré des établissements spécialisés de Chengdu comme l’École primaire Baiguolin ou le Lycée n° 18. Parmi elles, neuf ont reçu le titre d’athlète national de classe 1, et deux ont été sélectionnées dans l’équipe nationale U16. En 2023, lors de la 31e Universiade d’été de Chengdu, Wazhame Rige, 15 ans, est entrée dans l’histoire comme la plus jeune porteuse de flamme parmi les 93 relayeurs. Des parcours inspirants qui nourrissent les aspirations des élèves de Yisa.
« Notre modèle éducatif porte ses fruits », affirme M. Lai avec émotion. « Nous voulons que ces filles sortent des montagnes, qu’elles accèdent aux universités et découvrent le vaste monde. » En fin d’année 2023, certaines ont participé à une activité pédagogique à Harbin (Heilongjiang) : une première incursion au-delà de leur univers familier. Matchs de football sur neige, découverte des sports de glace, rencontres avec des champions… l’expérience fut inoubliable.
Mais ce n’est là qu’un début. Ces jeunes filles de l’ethnie yi, en franchissant les frontières de leur territoire natal, commencent déjà à écrire une page vibrante du futur du football chinois.
LIU CHANG, journaliste de La Chine au présent
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