L’économie numérique au service de la convivialité urbaine. 

Un véhicule autonome livre des colis dans les rues de Rugao, province du Jiangsu, le 6 août. (CNSPHOTO) 

À Beijing, la Semaine de l’expérience de l’économie numérique a donné corps à la technologie en la rendant accessible et sensible : livres illustrés conçus par une intelligence artificielle vocale, visites en réalité augmentée, captation de mouvement sans capteurs… Autant d’innovations qui ont séduit un public nombreux. « Plus d’une dizaine de zones thématiques permettent d’expérimenter de nouvelles immersions et de découvrir les dernières avancées de plus de 50 entreprises », explique à CHINAFRIQUE Lu Yumin, une habitante locale venue spécialement pour l’événement. 

Prélude à la Conférence mondiale sur l’économie numérique 2025, cette semaine avait pour ambition de rendre le numérique tangible et accessible. Selon Xu Ran, du Bureau municipal de l’économie et de l’informatisation de Beijing, le modèle « conception scénarisée + exploitation sous forme de propriété intellectuelle » permet aux habitants de percevoir, dans leur quotidien comme dans la culture, les effets concrets de la transition numérique. 

Dans un monde en pleine mutation technologique, les villes deviennent le cœur battant de cette transformation. Du 2 au 5 juillet, la capitale chinoise a accueilli experts nationaux et internationaux autour du thème « Construire une ville numérique conviviale », afin d’esquisser un avenir inclusif et centré sur l’humain. 

Pour Wang Qinmin, directeur du Comité d’experts sur l’administration électronique, la construction de telles villes repose sur l’alliance entre innovation technologique et institutionnelle, dans le but de bâtir un écosystème numérique à la fois sûr, inclusif et universel. Ce processus dessine une nouvelle voie de développement urbain et pose les fondements d’une gouvernance mondiale renouvelée. 

Des enfants, accompagnés de leurs parents, découvrent une exposition immersive en réalité virtuelle sur le thème des océans, au Musée du Shandong, à Jinan, province du Shandong, le 17 juillet. (CNSPHOTO) 

La technologie au service du bien commun 

Selon la Commission nationale du développement et de la réforme, la valeur ajoutée des industries phares de l’économie numérique a atteint 10,4 % du PIB chinois en 2024, franchissant pour la première fois le seuil des 10 %. Entre 2020 et 2024, cette part a progressé de 2,6 points de pourcentage, soit quelque 6 000 milliards de yuans (835 milliards de dollars) supplémentaires. 

Troisième grande forme économique après l’agriculture et l’industrie, l’économie numérique repose sur trois piliers : les données comme ressource centrale, les réseaux d’information modernes comme infrastructure principale et la numérisation de tous les facteurs de production comme moteur. 

Si ses effets se font sentir dans les secteurs industriels et agricoles, c’est dans la vie quotidienne que ses bénéfices deviennent les plus palpables. À Hebi, dans la province du Henan, Li Xiangsheng constate avec satisfaction que ses trajets domicile-travail sont désormais plus fluides : « Avant, il fallait parfois attendre plusieurs cycles de feux rouges ; aujourd’hui, on passe plus souvent au vert. » La ville a optimisé ses feux tricolores grâce à la fusion de données issues de satellites, de drones et de capteurs. Les feux s’adaptent en temps réel à la circulation, passant d’un système où l’homme attend le feu à un système où le feu observe l’homme. 

Santé, éducation, mobilité, gestion des risques climatiques : les technologies numériques améliorent les services publics et renforcent la résilience urbaine. Mais, comme le souligne Xu Xinchao, secrétaire général adjoint du gouvernement municipal de Beijing, cette avancée soulève aussi des défis majeurs : fracture numérique, cybersécurité, enjeux éthiques. C’est pourquoi Beijing entend devenir la première « ville numérique conviviale », en garantissant un accès sûr, équitable et durable aux bénéfices de la technologie. 

En 2024, la valeur ajoutée de l’économie numérique à Beijing s’est élevée à 2 200 milliards de yuans (306 milliards de dollars), soit 45 % du PIB municipal. L’essor des clusters industriels autour des véhicules intelligents et de l’intelligence artificielle, ainsi que les performances de la hotline gouvernementale « 12345 », avec un taux de satisfaction et de résolution supérieur à 97 %, illustrent les résultats d’une gouvernance urbaine fondée sur les données. 

Le 2 juillet, lors du forum principal intitulé « Dialogue mondial sur la construction de villes numériques conviviales », Beijing a présenté ses « Dix applications phares de l’économie numérique », couvrant l’administration intelligente, la santé connectée, la conduite autonome, la préservation du patrimoine ou encore l’audiovisuel immersif. 

« Chacune de ces applications répond à des besoins concrets et perceptibles. Beijing agit comme un vaste laboratoire pour l’économie numérique, dans une démarche résolument innovante », explique Jiang Guangzhi, directeur du Bureau municipal de l’économie et de l’informatisation. Cette stratégie a permis d’établir de nouveaux standards nationaux, tout en mettant les technologies au service du bien commun et de l’évolution urbaine. 

Une visiteuse teste un dispositif de capture de mouvement lors de la Semaine de l’expérience de l’économie numérique, à Beijing, le 29 juin. (CNSPHOTO) 

Coopération internationale 

Construire une ville numérique conviviale, ce n’est pas seulement innover : c’est repenser en profondeur les modèles de gouvernance urbaine, dans une perspective mondiale. 

Pour Liu Liehong, directeur de l’Administration nationale des données, l’intégration entre industrie et ville est la source vive de l’économie numérique. Une transformation numérique réussie passe par la consolidation des fondations urbaines, l’usage concret des technologies et une meilleure gestion des données. Il plaide pour une mutualisation intelligente des ressources, une réforme de leur circulation, et un écosystème qui encourage l’innovation. 

La coopération internationale est également un moteur essentiel. À l’occasion de la Conférence, Beijing s’est alliée à plus de 40 villes partenaires d’Europe, d’Asie-Pacifique, d’Amérique du Nord, du Moyen-Orient et d’Amérique latine pour créer l’Alliance mondiale des villes de l’économie numérique. Ensemble, elles souhaitent promouvoir des standards partagés sur la circulation transfrontalière des données, l’éthique de l’intelligence artificielle, la co-construction d’écosystèmes industriels et la modernisation des politiques publiques. 

Zhang Xiangchen, directeur général adjoint de l’Organisation mondiale du commerce, rappelle que les services numériques représentent désormais 54,2 % du commerce mondial des services, soit plus de 4 500 milliards de dollars. Pourtant, l’écart entre pays développés et pays en développement s’accentue en matière d’infrastructures, d’innovation et de compétences. « Il faut bâtir un cadre international plus équitable et plus ouvert, pour que la technologie bénéficie à tous, sans jamais s’éloigner de l’humain », insiste-t-il. 

La Conférence a lancé l’« Initiative mondiale pour des villes numériques conviviales », fondée sur dix axes – de la gouvernance à la sécurité en passant par l’innovation et la transition verte. Elle prône une technologie au service de l’humain, en tenant compte des aînés, des enfants, des femmes et des groupes vulnérables, tout en réduisant la fracture numérique et en améliorant un accès universel aux services publics et aux fruits de l’innovation. 

Pour Lluís Soler i Panisello, maire de Deltebre (Espagne), la coopération internationale est un levier décisif pour numériser le tourisme, l’agriculture ou encore les services sociaux, et faire en sorte que l’économie numérique profite à toute la population. 

De Beijing au reste du monde, ces villes numériques conviviales incarnent à la fois progrès technologique et nouvelle gouvernance : grâce à une gestion intelligente des données et à une diffusion équitable des innovations, elles pourront bâtir des sociétés inclusives, résilientes et humaines.