2025-10-09 |
Un métissage au goût d'avenir |
VOL. 17 / OCTOBRE 2025 par GODFREY OLUKYA · 2025-10-09 |
Mots-clés: Ouganda ; production de viande caprine ; chèvres hybrides |
S’il est une viande particulièrement prisée en Ouganda, c’est bien la chèvre. À travers tout le pays, dans les restaurants, les bars et les clubs, l’arôme envoûtant de la viande de chèvre grillée flotte dans l’air et attire les gourmands à toute heure du jour comme de la nuit.
« À Kampala, plus de 1 000 chèvres sont consommées chaque jour. Les éleveurs locaux ne suffisent pas à répondre à la demande. Certaines bêtes sont importées des pays voisins, notamment de Tanzanie, de République démocratique du Congo et du Kenya », explique Gerald Sebalu, propriétaire de cinq établissements spécialisés dans la viande de chèvre grillée dans la capitale.
Selon le dernier recensement national du bétail, l’Ouganda compte environ 17,4 millions de chèvres autochtones réparties sur l’ensemble du territoire. Elles sont élevées aussi bien dans des fermes de taille moyenne que dans des exploitations familiales, où les paysans possèdent généralement entre quatre et dix animaux.
Frank Tumwebaze, ministre ougandais de l’Agriculture, de l’Industrie animale et de la Pêche, a confié à CHINAFRIQUE que ce cheptel demeure insuffisant pour répondre aux besoins d’une population en plein essor et que l’augmentation du nombre de chèvres est désormais une priorité nationale.
Il n’est donc guère surprenant que des reproducteurs caprins aient récemment été importés dans le cadre du projet de coopération Sud-Sud FAO-Chine-Ouganda, une initiative tripartite destinée à transférer en Ouganda les technologies et les bonnes pratiques agricoles développées en Chine. Cette démarche a été accueillie favorablement tant par les agriculteurs que par les responsables politiques.
Depuis 2012, dans le cadre de cette coopération, la Chine a déjà introduit en Ouganda plusieurs variétés agricoles à haut rendement, telles que du riz et du mil, et a dépêché des experts pour former directement les producteurs locaux. Les chèvres hybrides chinoises ont ainsi été identifiées par le ministère ougandais de l’Agriculture, de l’Industrie animale et de la Pêche (MAAIF) comme un choix stratégique pour transformer le secteur caprin.
Des races locales insuffisantes
Selon Aggrey Kalebi, haut responsable du développement de l’élevage, les chèvres autochtones sont certes bien adaptées aux conditions locales, mais elles présentent de sérieuses limites : croissance lente, faible rendement en viande et en lait, et vulnérabilité accrue aux maladies comme aux parasites. « Nos chèvres sont de petite taille, ce qui se traduit par une production de viande modeste : les carcasses pèsent en moyenne entre 10 et 17 kg. Leur rendement laitier reste faible et leur santé souvent fragile », précise M. Kalebi.
Peter Odoi, directeur du Goat Project Uganda, une organisation offrant des chèvres à des femmes défavorisées pour augmenter leurs revenus, souligne que le cheptel demeure insuffisant. « Nous n’en avons pas assez. Récemment, certains pays arabes souhaitaient en importer depuis l’Ouganda, mais nous n’avons pas pu répondre à leur demande », partage-t-il.
Il plaide pour une amélioration génétique du troupeau national grâce à des races à croissance rapide et à meilleure qualité de viande. À ce titre, il salue l’importation de chèvres hybrides chinoises, qu’il considère comme une étape décisive pour renforcer la filière. « Les chèvres locales mettent beaucoup trop de temps à atteindre un poids commercial. C’est pourquoi l’Ouganda a choisi de franchir une étape majeure en important des hybrides depuis la Chine », confirme M. Tumwebaze.
Le gouvernement a donc retenu la race Jianzhou à grandes oreilles, issue d’un croisement entre la chèvre anglo-nubienne et une espèce locale de la province chinoise du Sichuan. Ces reproducteurs seront ensuite croisés avec des chèvres ougandaises pour améliorer progressivement le cheptel national.
Les atouts de la chèvre hybride
Ces reproducteurs ont atterri début juillet à l’aéroport international d’Entebbe, en provenance de Chengdu, chef-lieu du Sichuan. Le lot comprenait trois boucs et six chèvres.
À leur arrivée, ils ont été transférés au Centre national des ressources génétiques animales et à la banque de données d’Entebbe où, selon Rose Ademun, commissaire à la santé animale au sein du MAAIF, ils feront l’objet de recherches approfondies et de programmes de reproduction. « La chèvre Jianzhou à grandes oreilles est une race de boucherie réputée pour sa croissance rapide, son haut rendement en carcasse et sa remarquable capacité d’adaptation à divers climats agroécologiques », souligne Mme Ademun.
Elle a remercié la Chine pour ce don, précisant que ces animaux permettront non seulement d’accroître la production de viande, mais aussi d’améliorer les races locales par croisement, ce qui contribuera à augmenter la productivité et les revenus des éleveurs.
Julius Twinamasiko, responsable ougandais du projet de coopération FAO-Chine-Ouganda, insiste sur un autre bénéfice majeur : ce programme offrira aussi aux éleveurs une formation précieuse en techniques modernes d’élevage caprin. « Nous plaçons de grands espoirs dans ces chèvres. Si tout se déroule comme prévu, elles permettront d’augmenter à la fois le cheptel et la production de viande. Dans quelques années, nous les aurons multipliées et pourrons les distribuer aux éleveurs de tout le pays. »
L’expert chinois en élevage Xiao Zhan partage cet optimisme : « Ces chèvres offrent de nombreux avantages : une croissance rapide, une viande de qualité supérieure et une grande capacité d’adaptation, ce qui les rend idéales pour différentes régions de l’Ouganda. »
Peter Muyimbo, chargé de programme adjoint au MAAIF, confirme que le gouvernement entend moderniser l’élevage caprin à l’échelle nationale. « Une fois la phase de reproduction achevée, ces chèvres seront distribuées dans tout le pays. Le croisement avec les races locales renforcera la productivité des éleveurs et augmentera leurs revenus. »
« L’importation de ces chèvres hybrides marque une avancée majeure dans la modernisation de notre filière animale. Elles créeront également des emplois. Nous sommes convaincus qu’elles s’adapteront parfaitement à notre climat et permettront de répondre à la demande croissante en viande », conclut M. Tumwebaze.
À Kampala, le commerçant John Bamuturaki se réjouit déjà des perspectives : « Avec leur croissance rapide et leur rendement élevé en carcasse, ces chèvres peuvent véritablement augmenter nos revenus. »
Reportage d’Ouganda
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