2025-10-09 |
Les voix enfouies |
VOL. 17 / OCTOBRE 2025 par ZHANG YAGE · 2025-10-09 |
Mots-clés: parcs archéologiques nationaux ; Chine |
Présentation numérique au Musée du site de Dahecun, à Zhengzhou, province du Henan, le 14 juin. (PHOTOS : XINHUA)
Forte d’une civilisation plurimillénaire, la Chine veille depuis longtemps sur un patrimoine historique d’une richesse exceptionnelle. Ces dernières années, parallèlement à la création de musées, le pays a accéléré le développement de parcs archéologiques nationaux : des espaces novateurs où les sites de fouilles deviennent des salles de classe à ciel ouvert. Ces parcs ne se contentent pas de conserver les vestiges anciens : ils invitent le public à s’immerger dans le processus de recherche, ce qui tisse un lien entre savoir académique et compréhension populaire.
Là où les musées présentent les reliques historiques derrière des vitrines, les parcs archéologiques offrent une alternative vivante : des paysages étendus où les visiteurs arpentent des ruines reconstituées, participent à des fouilles simulées et observent des recherches en temps réel. Cette approche immersive donne chair au passé, valorise le contexte et permet un contact direct avec les époques révolues.
Le 14 juin, l’Administration nationale du patrimoine culturel (ANPC) a annoncé l’ajout de dix nouveaux parcs archéologiques nationaux, portant leur nombre total à 65, répartis dans 21 provinces, régions autonomes et municipalités relevant directement de l’autorité centrale. Ces nouveaux sites se trouvent notamment dans les provinces du Shaanxi, du Henan, du Shandong, de l’Anhui et dans la région autonome de Mongolie intérieure.
« Ces dix parcs récemment désignés illustrent des étapes cruciales de l’évolution humaine : les débuts de l’agriculture, la formation des premiers États et civilisations, le développement continu de la culture chinoise. Ils soulignent à la fois l’ancienneté et la vitalité de la civilisation chinoise », a déclaré un responsable de l’ANPC à l’agence de presse Xinhua. « Ils permettent une conservation intégrale des vestiges, tout en innovant dans la muséographie et en proposant des activités culturelles, scientifiques et participatives. »
Un développement aux multiples visages
Souvent qualifié de « berceau de la civilisation chinoise », le Henan occupe une place à part dans l’histoire ancienne du pays. C’est dans le bassin du fleuve Jaune que sont apparues les premières dynasties chinoises, dont celle des Shang (1600‑1046 av. J.‑C.), célèbre pour ses inscriptions oraculaires, les plus anciens exemples connus d’écriture chinoise.
Parmi les nouveaux sites figure le Parc archéologique national de Dahecun, situé dans le nord-est de Zhengzhou, chef-lieu du Henan. Couvrant 960 hectares, il s’organise en trois zones principales : le nouveau musée du site, une aire de restauration écologique et un espace patrimonial central. Il s’agit du troisième parc archéologique national de Zhengzhou, après ceux de l’ancienne capitale des États Zheng et Han, et de la cité ancienne des Shang.
Axé sur les vestiges de Dahecun et la culture de Yangshao (5000‑3000 av. J.‑C.), ce parc associe préservation, recherche archéologique, éducation culturelle et loisirs, ouvrant une fenêtre vivante sur la Chine néolithique.
Datant d’environ sept millénaires, la culture de Yangshao est renommée pour ses poteries peintes et ses villages agricoles, avec des habitations semi- enterrées. Des sites majeurs comme Banpo (à Xi’an, province du Shaanxi) ou Dahecun révèlent des outils sophistiqués, la culture du millet et des structures sociales fondées sur les clans.
Des élèves en visite au Parc archéologique de la cité de Yaowang, à Rizhao, province du Shandong, le 23 mai.
« Le parc de Dahecun s’inscrit dans la stratégie nationale de préservation écologique et de développement de qualité du bassin du fleuve Jaune », a expliqué Hu Jizhong, conservateur du musée du site, au Zhengzhou Daily. « Il privilégie à la fois la protection du patrimoine culturel et la restauration des écosystèmes. Le plan directeur, la conception muséale et les expositions témoignent de standards élevés. » M. Hu a ajouté que ce parc jouera un rôle moteur dans l’essor du tourisme culturel au Henan.
À l’inverse des parcs du Henan, centrés sur les civilisations agricoles du bassin du fleuve Jaune, ceux de la région autonome de Mongolie intérieure, Salawusu et Helingeer Tuchengzi, évoquent les échanges entre cultures nomades et sédentaires. Grâce à ces ajouts, la région compte désormais trois parcs archéologiques nationaux.
Le site de Salawusu, dans la bannière d’Uxin à Ordos, est l’un des plus anciens sites paléolithiques découverts en Chine. S’étendant sur plus de 1 700 hectares, il a livré des fossiles humains (peuple Hetao) datés de 50 000 à 100 000 ans, des outils en pierre finement taillés, ainsi que de nombreux fossiles de mammifères. Ce site joue un rôle clé dans l’étude de l’évolution des hominidés d’Asie orientale, des environnements paléolithiques et de la diversité culturelle du nord de la Chine.
Autre lieu remarquable : le site de Helingeer Tuchengzi, l’une des cités anciennes les mieux conservées de la région. Occupé de la période des Printemps et Automnes (770‑476 av. J.‑C.) jusqu’aux dynasties des Liao (907-1125), des Kin (1115-1234) et des Yuan (1271-1368), il incarne les échanges entre civilisations agricoles de la Plaine centrale et cultures nomades du Nord, tout en reflétant l’essor d’une administration centralisée dans les régions frontalières. Il ambitionne de devenir un pôle culturel alliant recherche, éducation et tourisme.
« L’inscription de ces deux sites consolide la structure de préservation du patrimoine en Mongolie intérieure et insuffle une nouvelle dynamique à l’étude des cultures frontalières du Nord et du développement socio- économique régional », a fait part Zhi Xiaoyong, directeur adjoint du Bureau du patrimoine culturel de Mongolie intérieure, à l’agence de presse China News Service.
Des retombées concrètes
Depuis une décennie, les parcs archéologiques nationaux se sont imposés comme piliers de la stratégie culturelle chinoise. Leur développement s’inscrit dans le XIVe Plan quinquennal (2021‑2025) pour le développement économique et social national et les Objectifs à long terme à l’horizon 2035.
Pour soutenir cette dynamique, la Commission nationale du développement et de la réforme a désigné ces parcs comme prioritaires dans son programme de conservation et de valorisation du patrimoine culturel, assurant financements et soutien politique. Les ministères des Ressources naturelles ainsi que de l’Agriculture et des Affaires rurales ont également édicté des lignes directrices pour l’aménagement du territoire. Quinze provinces ont à ce jour désigné ou planifié 193 parcs archéologiques provinciaux, illustrant un engagement institutionnel marqué.
Sur le plan juridique, la Loi révisée sur la protection des biens culturels, entrée en vigueur en mars, reconnaît officiellement les parcs archéologiques. Elle prévoit des mesures incitatives pour la recherche et sa mise en valeur, tout en renforçant leur rôle de médiateurs culturels auprès du grand public.
Soutenus par ce cadre législatif et politique, les parcs ont connu une croissance vigoureuse en 2024. Selon l’ANPC, les recettes de billetterie ont atteint 1,83 milliard de yuans (252 millions de dollars), soit 194 millions de yuans (27 millions de dollars) de plus qu’en 2023. Les ventes de produits culturels créatifs ont progressé de 50 % en glissement annuel pour atteindre 55,4 millions de yuans (7,7 millions de dollars). Pas moins de 1 339 événements ont été organisés, attirant 5,3 millions de participants supplémentaires.
« Les parcs archéologiques nationaux incarnent une réponse contemporaine à la double exigence de préservation et d’innovation dans le domaine du patrimoine », a souligné He Zhenhua, directeur adjoint du Bureau du patrimoine culturel du Sichuan, lors de l’inauguration de la sixième Semaine de la culture et des arts des parcs archéologiques, le 27 avril à Guanghan (Sichuan). « Guidés par les principes d’usage durable, d’innovation et de développement intégré, nous poursuivrons nos efforts pour préserver et faire revivre les grands sites patrimoniaux. Notre ambition est d’insuffler une nouvelle vie à ces trésors culturels, afin qu’ils participent pleinement à la continuité de la civilisation et au progrès partagé », a-t-il conclu.
ZHANG YAGE, journaliste à Beijing Review
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