| 2025-11-04 |
Forger un consensus à l'ère des divisions |
| VOL. 17 / NOVEMBRE 2025 par LI XIAOYU · 2025-11-04 |
| Mots-clés: G20 |
De la réforme financière à la lutte contre la pauvreté, le G20 s’efforce de rendre la gouvernance mondiale plus inclusive, représentative et équitable.

Le Président sud-africain Cyril Ramaphosa prend la parole lors de la Réunion des ministres des Affaires étrangères du G20 à Johannesburg, en Afrique du Sud, le 20 février. (XINHUA)
Lorsque le G20 a été créé à la suite de la crise financière asiatique de 1999, peu imaginaient qu’il deviendrait un jour le centre névralgique de la gouvernance mondiale. Vingt-six ans plus tard, les principales économies de la planète, représentant 85 % du PIB mondial et les deux tiers de la population, se retrouvent confrontées à une époque tourmentée, marquée par des rivalités géopolitiques aiguës, une fragmentation économique croissante et l’élargissement des écarts de développement.
Fin 2024, l’Afrique du Sud a accédé à la présidence du G20. Le symbole est fort : du sauvetage des banques à la gouvernance climatique, ce forum s’est transformé en une instance où le pouvoir se partage davantage, et où le Sud global fait entendre une voix collective de plus en plus affirmée.
D’un mécanisme d’urgence à un pilier de gouvernance
Issu d’une crise, le G20 s’est forgé dans la gestion des turbulences. En 1999, face à la tempête asiatique, le ministre canadien des Finances, Paul Martin, et le secrétaire américain au Trésor, Lawrence Summers, lancèrent un dialogue informel réunissant ministres des Finances et gouverneurs de banques centrales du G7.
La crise financière mondiale de 2008 a changé la donne. Le premier Sommet des dirigeants du G20 à Washington, cette même année, marque un tournant historique : les grandes économies émergentes, telles que la Chine, l’Inde et le Brésil, y ont pris place à égalité avec le G7. Le Sommet de Londres, en 2009, injecte plus de 1 000 milliards de dollars dans l’économie mondiale et établit le Conseil de stabilité financière, tandis que celui de Pittsburgh consacre le G20 comme « principal forum de coopération économique internationale ».
Entre 2010 et 2024, l’agenda du G20 s’est considérablement élargi : de la coordination des politiques macroéconomiques à la transformation numérique, en passant par la santé mondiale, le climat et la croissance durable. Le G20 est passé d’un instrument de stabilisation à court terme à un acteur de gouvernance à long terme. Des mécanismes tels que le Cadre pour une croissance forte, durable et équilibrée ou le Processus d’évaluation mutuelle lui ont donné une profondeur institutionnelle nouvelle, qui enracine aujourd’hui ses capacités de pilotage.
L’ascension du Sud global
Aucun pays n’illustre mieux cette mutation que la Chine. Le Sommet de Hangzhou, en 2016, sous sa présidence, a été un moment charnière. Le pays y a promu « une économie mondiale innovante, revigorée, interconnectée et inclusive », alignant la coordination des politiques macroéconomiques du G20 sur l’Agenda 2030 des Nations unies pour le développement durable. Il y a aussi lancé l’Initiative du G20 sur le soutien à l’industrialisation en Afrique et dans les pays les moins avancés, plaçant le développement au cœur de l’agenda du groupe.
Comme le souligne le professeur Zheng Yongnian, de l’Université chinoise de Hong Kong (Shenzhen), « la mission du G20 n’est pas seulement de coordonner les politiques économiques et financières pour prévenir les crises futures, mais aussi de promouvoir un développement international durable et une gouvernance mondiale plus équitable ».
Le Sommet de Rio de Janeiro, en 2024, sous présidence brésilienne, a prolongé cette dynamique, en inscrivant « la lutte contre la faim et la pauvreté » au premier rang des priorités. L’établissement de l’Alliance mondiale contre la faim et la pauvreté y a réaffirmé l’ambition d’une mondialisation inclusive.
La Chine, forte de son expérience dans l’éradication de la pauvreté absolue, y a réaffirmé son rôle de stabilisateur et de réformateur. Le Président Xi Jinping a affirmé : « Si la Chine peut le réussir, les autres pays en développement le peuvent aussi. » Il a également annoncé l’élargissement du traitement de tarif douanier zéro à 100 % des lignes tarifaires pour les pays les moins avancés entretenant des relations diplomatiques avec la Chine, ainsi que le renforcement de la coopération scientifique et technologique avec l’Afrique et l’Amérique latine.
Après la présidence brésilienne, celle de l’Afrique du Sud en 2025 prolonge cette dynamique du Sud global. Le Président Cyril Ramaphosa s’est engagé à rendre la mondialisation plus juste et le multilatéralisme plus représentatif. À cette fin, l’Afrique du Sud a convié 13 pays invités, dont l’Égypte et les Émirats arabes unis, ainsi que 24 organisations internationales, dont le FMI, la Banque mondiale, les Nations unies et huit institutions régionales africaines. Cette configuration traduit une vision du G20 non pas comme un club exclusif de puissances, mais comme une plateforme inclusive où les économies périphériques peuvent contribuer à définir l’agenda mondial.
Sur le plan institutionnel, l’Afrique du Sud rejoint le Brésil et les États-Unis au sein de la « troïka » du G20, garantissant la continuité des décisions collectives sur trois ans, signe d’une maturité croissante et d’une diversité renforcée au sein du groupe.

Des voitures électriques Wuling, fabriquées en Chine, sont exposées sur le site principal du 17e Sommet du G20 à Bali, en Indonésie, le 12 novembre 2022. (XINHUA)
Réformer la finance et la gouvernance mondiales
Au fil des années, le G20 s’est imposé comme un pilier central de la gouvernance économique mondiale. Il constitue désormais un levier essentiel de réforme de l’architecture financière internationale et un vecteur de promotion d’un ordre mondial plus inclusif, équilibré et équitable.
De nombreux experts saluent sa capacité à instaurer un mécanisme durable de gestion des crises mondiales. Outre ses réponses coordonnées face aux crises financières et à la pandémie de COVID-19, le G20 a su mobiliser les ressources et harmoniser les mesures fiscales plus efficacement que ne l’auraient fait l’OMS ou les Nations unies. Son action s’est aussi étendue à la lutte contre le changement climatique, la perte de biodiversité et le financement du terrorisme, affirmant son rôle de forum clé pour la sécurité et le développement mondiaux.
La stabilité financière demeure centrale : le groupe a soutenu une redistribution des droits de vote au sein du FMI et de la Banque mondiale, l’intégration du yuan dans le panier des droits de tirage spéciaux, et le renforcement de la supervision financière transfrontalière. Sous la présidence sud-africaine, il met l’accent sur un agenda africain axé sur la pauvreté, le chômage et les inégalités, en phase avec les appels de la Chine et du Brésil pour un ordre mondial plus équitable et inclusif.
Mais le G20 reste soumis à de forts vents contraires : rivalités géopolitiques, montée du protectionnisme et recul du multilatéralisme fragilisent l’esprit de coopération du groupe. L’avenir dira s’il saura demeurer un trait d’union entre économies avancées et émergentes, transformant l’héritage de gestion des crises en modèle durable de gouvernance mondiale. Les défis émergents, que sont l’intelligence artificielle, la transition énergétique, la soutenabilité de la dette, en façonneront sans doute la prochaine évolution.
Principaux résultats des Sommets des dirigeants du G20
(2008-2024)
Novembre 2008
Washington, États-Unis
Publication de la première Déclaration des dirigeants du G20 ; opposition au protectionnisme ; adoption de 95 engagements en matière de réforme financière.
Avril 2009
Londres, Royaume-Uni
Augmentation des ressources du FMI à 750 milliards de dollars ; création du Conseil de stabilité financière ; renforcement de la régulation des fonds spéculatifs.
Septembre 2009
Pittsburgh, États-Unis
Reconnaissance du G20 comme « principal forum de coopération économique internationale » ; transfert d’au moins 5 % des quotes-parts du FMI vers les économies émergentes ; institutionnalisation du sommet annuel.
Juin 2010
Toronto, Canada
Lancement du Processus d’évaluation mutuelle ; exigence d’un renforcement des fonds propres bancaires ; adoption d’un calendrier de réforme du FMI.
Novembre 2010
Séoul, République de Corée
Adoption du Consensus de Séoul pour une croissance collective ; inscription du développement à l’agenda de long terme ; finalisation de la réforme quantitative du FMI.
Novembre 2011
Cannes, France
Adoption du Plan d’action pour la croissance et l’emploi ; engagement à renforcer les filets de sécurité sociale ; mise en place de mécanismes souples de mobilisation des ressources du FMI.
Juin 2012
Los Cabos, Mexique
Contribution de 456 milliards de dollars au FMI ; réaffirmation du rôle central de l’OMC.
Septembre 2013
Saint-Pétersbourg, Russie
Prolongation de l’engagement contre le protectionnisme jusqu’en 2016 ; adoption d’un Plan d’action anticorruption.
Novembre 2014
Brisbane, Australie
Création d’un cadre de gouvernance énergétique mondiale ; publication d’une déclaration sur l’épidémie d’Ebola.
Novembre 2015
Antalya, Turquie
Accent mis sur la coordination et la synergie des politiques ; priorité donnée à l’emploi de qualité et aux politiques de développement inclusif.
Septembre 2016
Hangzhou, Chine
Adoption du Consensus de Hangzhou ; publication de 28 documents de résultats ; promotion de l’économie numérique et du développement durable.
Juillet 2017
Hambourg, Allemagne
Création du Partenariat du G20 avec l’Afrique ; adoption de plans d’action sur la numérisation et le développement durable.
Novembre 2018
Buenos Aires, Argentine
Réaffirmation de l’attachement au commerce multilatéral ; examen de la réforme de l’OMC.
Juin 2019
Osaka, Japon
Adoption de la piste d’Osaka sur l’économie numérique et la gouvernance des données ; engagement à réduire les déchets plastiques marins.
Novembre 2020
Riyad, Arabie saoudite (virtuel)
Réponse coordonnée à la pandémie ; lancement de l’Initiative de suspension du service de la dette ; soutien à un accès équitable aux vaccins.
Octobre 2021
Rome, Italie
Accord sur un impôt minimum mondial de 15 % sur les sociétés ; réaffirmation des objectifs climatiques et de la feuille de route pour la finance durable.
Novembre 2022
Bali, Indonésie
Accent mis sur la santé, la sécurité alimentaire et énergétique ; appui à la création d’un fonds pour les pandémies.
Septembre 2023
New Delhi, Inde
Admission de l’Union africaine comme membre permanent ; lancement de l’Alliance mondiale pour les biocarburants ; promotion des infrastructures publiques numériques pour une croissance inclusive.
Novembre 2024
Rio de Janeiro, Brésil
Mise en avant de l’inclusion sociale, du financement climatique et de la réforme de la gouvernance mondiale ; renforcement de la coopération sur la transition énergétique.
*Compilé à partir des documents officiels du G20.