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  2025-11-05
 

Les veilleurs du nouvel équilibre

par HUANG ZHONG et SONG XIAOLI  ·   2025-11-05
Mots-clés: G20 ; Sud global

La présidence sud-africaine du G20 et le rôle croissant des pays du Sud global marquent l’émergence de « puissances moyennes clés ». 

Des journalistes couvrent le Forum des médias et des think tanks du Sud global 2025 à Kunming, province du Yunnan, le 6 septembre. (XINHUA) 

  

Alors que le monde traverse une ère de crises systémiques, les pays du Sud global quittent les marges de la scène internationale pour en devenir des acteurs centraux du progrès collectif. 

L’élargissement des BRICS et l’entrée de l’Union africaine au G20 comme 21e membre illustrent cette montée en puissance. Le Sud global n’est plus spectateur : il devient moteur et coarchitecte de la gouvernance mondiale. 

La présidence sud-africaine du G20 en 2025, quatrième d’affilée confiée à un pays du Sud, s’inscrit dans cette dynamique. Elle reflète une volonté commune de défendre le multilatéralisme, de rejeter les logiques hégémoniques et de promouvoir un développement plus juste. 

Dans la continuité du Brésil en 2024, l’Afrique du Sud met l’accent sur la solidarité, l’égalité et la durabilité, avec pour priorités la résilience aux catastrophes, l’allègement de la dette des pays pauvres, le financement d’une transition énergétique juste et la valorisation des minerais critiques en faveur d’une croissance inclusive. Le Président sud-africain Cyril Ramaphosa a exhorté le G20 à « forger un consensus sur les actions à mener collectivement pour bâtir une économie mondiale plus résiliente, plus durable et plus équitable ». 

  

Une puissance en affirmation 

Si les fondements stratégiques de la stabilité mondiale subsistent, la rivalité entre grandes puissances s’impose désormais comme un facteur d’incertitude majeure. Les puissances moyennes traditionnelles, comme le Canada, l’Australie, le Japon, la République de Corée, l’Allemagne ou la Suède, ont pour la plupart resserré leur alignement sur les États-Unis, au détriment de leur autonomie diplomatique. À l’inverse, un nouveau groupe de « puissances moyennes clés », emmené par l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud, mise sur le multi-alignement : une stratégie souple fondée sur l’autonomie et la coopération ouverte et inclusive. 

Ce concept désigne des pays du Sud global ayant accru leur influence depuis l’aprèsguerre froide. Sa définition varie, mais un noyau dur regroupe le Brésil, l’Inde, l’Indonésie, l’Arabie saoudite, l’Afrique du Sud et la Turquie. D’autres y incluent le Mexique, l’Argentine, le Nigeria, la Thaïlande, les Émirats arabes unis ou le Vietnam. Tous sont perçus comme des « États pivots mondiaux », capables de faire bouger les lignes géopolitiques par des partenariats flexibles, en dehors des alliances figées. 

S’ils n’égalisent pas encore les économies développées, ces pays affichent une envergure notable et un fort potentiel. D’après les Perspectives économiques mondiales publiées par la Banque mondiale en janvier 2024, certains producteurs pétroliers riches, comme l’Arabie saoudite, sont encore classés parmi les économies en développement, mais plusieurs dépassent largement le seuil des pays les moins avancés, avec des PIB parfois comparables à ceux des pays développés. 

Les données du FMI (avril 2024) placent l’Inde au 5e rang mondial avec un PIB de 3 940 milliards de dollars, devant le RoyaumeUni et la France. Le Brésil figure en 8e position (2 330 milliards de dollars), devant l’Italie et le Canada. Le Mexique, l’Indonésie, la Turquie et l’Arabie saoudite dépassent chacun les 1 000 milliards de dollars et intègrent les 20 premières puissances économiques. Goldman Sachs prévoit que d’ici 2050, l’Inde, l’Indonésie, le Brésil, le Mexique, l’Arabie saoudite et le Nigeria feront partie des 15 premières économies mondiales, l’Inde occupant la 2e place et le Nigeria la 5e d’ici 2075. Ces trajectoires les propulsent au centre du jeu mondial. 

Leur poids s’accroît avec leur rôle dans la reconfiguration des chaînes d’approvisionnement. L’Inde s’affirme comme un futur pôle manufacturier ; le Brésil domine dans les matières premières et l’agriculture ; le Mexique et le Vietnam profitent des externalisations nearshore et offshore ; l’Arabie saoudite, l’Indonésie et l’Argentine se distinguent par leurs réserves stratégiques de pétrole, de nickel ou de lithium. 

Sur le plan politique, malgré des systèmes de gouvernance variés, ces pays partagent une influence internationale croissante, portée par plusieurs atouts structurels. 

Leur poids démographique est considérable : 1,44 milliard d’habitants en Inde, 280 millions en Indonésie, 210 millions au Brésil, 130 millions au Mexique. Même des États plus petits comme lArabie saoudite ou le Nigeria ont une population comparable à celle du Canada ou de l’Australie. Certains jouent aussi un rôle clé dans le monde islamique, comme l’Inde, l’Indonésie, la Turquie ou l’Arabie saoudite. 

Leur leadership régional est affirmé : l’Indonésie guide l’ASEAN, la Turquie contrôle des carrefours géopolitiques, le Brésil, l’Afrique du Sud et le Nigeria dominent leurs zones économiques. Leur position géographique leur permet d’influencer les agendas régionaux. 

Enfin, leur rôle dans les arènes multilatérales s’affirme : huit d’entre eux siègent au G20. Depuis 2022, leurs présidences successives reflètent le basculement progressif des équilibres diplomatiques. 

  

Des délégués participent à la Réunion des ministres des Affaires étrangères du G20 à Rio de Janeiro, au Brésil, le 21 février 2024. (XINHUA) 

  

Une multipolarité encore en devenir 

Là où les puissances moyennes traditionnelles tendent à s’effacer derrière leurs alliances, les puissances moyennes clés revendiquent un rôle actif et assumé. Tandis que le Canada adopte une posture diplomatique plus discrète, la Turquie, l’Inde ou le Brésil mènent des politiques étrangères affirmées, parfois audacieuses. 

Leur stratégie de multi-alignement bouscule l’ordre mondial dominé par les grandes puissances et injecte une dynamique nouvelle dans les relations internationales. Elle ressuscite une forme de « nouveau non-alignement » parmi les pays du Sud global, atténuant les antagonismes géopolitiques et réintroduisant une forme d’équilibre dans un monde fracturé. Elle offre à la Chine et à la Russie de nouvelles marges de manœuvre, tout en accélérant le passage vers un ordre multipolaire. 

Malgré leur essor, ces puissances moyennes clés se heurtent à plusieurs limites. L’influence des ÉtatsUnis sur le Sud global reste prépondérante, et une redéfinition de lordre mondial demeure peu envisageable à court terme. Ces pays misent davantage sur lengagement stratégique que sur la confrontation. 

À l’intérieur, certaines fragilités subsistent. L’Argentine, par exemple, a réorienté sa politique étrangère sous sa nouvelle administration, en se rapprochant de l’Occident et en se retirant des BRICS. 

Enfin, l’unité du Sud global reste relative. Les écarts de développement, les divergences idéologiques et les intérêts stratégiques ne sont pas sans tensions : l’abstention de l’Inde lors du vote onusien sur un cessez-le-feu à Gaza a illustré ces dissonances. Parfois, certaines de ces puissances adoptent même des postures hégémoniques dans leur région, compromettant l’élan de solidarité. 

Ces éléments rappellent que si la diplomatie multilatérale du Sud global offre des perspectives prometteuses, elle demeure semée d’obstacles. La marche vers un véritable ordre multipolaire sera longue, complexe, et nécessitera des efforts soutenus. 

  

HUANG ZHONG est chercheur associé au Centre d’études canadiennes de l’Université des études étrangères du Guangdong. 

SONG XIAOLI est chargée de recherche au Centre de recherche sur le Pérou de lUniversité normale du Hebei. 

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