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Afrique
  2016-06-06
 

Réfugiés en détresse

par Messi Bala | VOL.8 JUIN 2016
Mots-clés: Urgence humanitaire;Cameroun

Habitat provisoire pour réfugiés construit en paille, à Mborgop dans l’Adamaoua

 

Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) au Cameroun a besoin de 19 millions de dollars de toute urgence. Celui-ci doit en effet démarrer la reconstruction des abris et des latrines et être en mesure d’offrir des soins de santé basiques et une éducation aux enfants des camps pendant la grande saison des pluies qui commence en ce mois de juin 2016. Immersion dans les camps camerounais où 275 000 Centrafricains et 73 000 Nigérians ont trouvé refuge.  

  

Région de l’Est   

Le 20 avril 2016, Racine Kane, représentant de la Banque africaine de développement (BAD) est en visite dans le camp de réfugiés centrafricains de Lolo (arrondissement de la Bombé, département de la Kadey dans l’Est-Cameroun). Il est venu voir comment le HCR a dépensé le million de dollars que la BAD lui a octroyé. Or, malgré les investissements réalisés, d’énormes efforts restent à fournir sur ce site, comme dans bien d’autres, pour rendre leur dignité aux réfugiés. 

« D’ici le mois de juin, on aurait besoin de 19 millions de dollars pour démarrer les activités urgentes, comme la reconstruction des abris, des latrines, les soins de santé basiques, l’éducation », confie le représentant du HCR au Cameroun, Khassim Diagne, à son homologue de la BAD. Ainsi, à quelques semaines du début de la grande saison des pluies, « Le principal défi c’est de stabiliser les infrastructures construites, surtout à une période où le retour de ces réfugiés n’est pas envisageable dans l’immédiat. Cet effort se situe au niveau des abris et des questions d’eau et d’assainissement. Il faut à tout prix éviter que les maladies hydriques ou les endémies surgissent », souligne le fonctionnaire onusien. 

À Lolo précisément, 1 954 abris sont nécessaires car tous les réfugiés n’ont pas pu être logés dans les gîtes en semi-dur. Bon nombre sont encore dans des tentes en bâches ou en paille, et dorment à même le sol. Les enfants présentent des signes de malnutrition aiguë. Certains ont d’ailleurs pu faire parvenir, discrètement, une lettre de doléances à Racine Kane. Pour pouvoir alimenter le camp en eau potable, 240 m3 d’eau seraient nécessaires par jour, estime le HCR. Or, les forages existants ne fournissent que 220 m3. Pour faire face à ce problème, Racine Kane suggère « la construction d’un système de captation et de traitement des eaux à partir d’un cours d’eau ». « Mais cela serait très coûteux et les populations n’auraient pas les moyens d’entretenir l’investissement par la suite », regrette un humanitaire de l’ONG Care International. Il faut donc chercher d’autres solutions et trouver rapidement des moyens pour les mettre en œuvre. 

  

Région de l’Adamaoua   

Ici, les camps de réfugiés centrafricains établis à Borgop et à Ngam (dans l’arrondissement de Djohong, département du Mbéré), ressemblent à une ruche d’abeilles. Il y a quelques années encore, la population locale était estimée à 28 000 habitants avant l’arrivée de ces réfugiés. Aujourd’hui, cette population a quasiment doublé. Les réfugiés sont répartis dans 53 villages. Ils vivent essentiellement de l’agriculture, de l’élevage et du petit commerce. Des besoins pressants en infrastructures scolaires et sanitaires, entre autres, sont signalés. De même qu’une forte demande en eau potable. 

Le 4 avril dernier, le gouverneur de la région de l’Adamaoua, Kildadi Taguiéké Boukar, a visité le camp de réfugiés de Borgop, lors d’une tournée dans le Mbéré. Il a pu mesurer l’étendue des besoins de ces étrangers qui trouvent asile au Cameroun. Ces réfugiés, qui ont fui les atrocités de la guerre dans leur pays, se déplacent avec leurs troupeaux. Des conflits agropastoraux naissent donc forcément. Par ailleurs, certains de ces réfugiés font partie des bandes armées qui écument la localité. Ils commettent des actes de banditisme et procèdent à des enlèvements. D’autres se livrent au braconnage et à l’exploitation clandestine des ressources minières. L’équilibre écologique du parc de la vallée du Mbéré, riche en ressources minières, est aujourd’hui menacé. 

L’une des priorités du HCR en 2016, c’est l’enregistrement biométrique. Cette opération a été lancée officiellement dans la région de l’Adamaoua le 4 avril dernier. Ce processus, à en croire les responsables du HCR, est un préalable pour une prise en charge à long terme des réfugiés. « L’opération de la biométrie est essentielle dans la démarche d’octroi des droits. Elle revêt une importance capitale pour eux. Elle permettra d’établir un répertoire fiable, une cartographie conforme des réfugiés. Ceci permet de leur accorder un soutien continu et fiable », précise Patricia Otiato, chargée de l’enregistrement pour le HCR de Bertoua, à l’est du Cameroun. Selon le HCR, à ce jour, 275 000 réfugiés centrafricains sont enregistrés dans les régions de l’Adamaoua, du Nord et de l’Est. « À elle seule, la région de l’Adamaoua compte plus de 70 000 réfugiés centrafricains, soit plus de 30 % des réfugiés établis dans ces trois régions. 13 000 sont répertoriés dans la localité de Borgop », précise-t-on au HCR. 

  

Région de l’Extrême-Nord  

Le camp des réfugiés nigérians de Minawao comprend quelques blocs d’habitations étalées sur les 54 hectares de terrain. Au 16 avril dernier, sa population s’élevait à 57 693 habitants. Ici, on compte des dizaines de bornes-fontaines. Presque toutes sont à sec, bien qu’on remarque çà et là des bidons soigneusement alignés et qui attendent l’arrivée du précieux liquide.  

« Le problème d’eau potable est notre principale difficulté. Parfois nous passons trois jours sans qu’un camion-citerne vienne nous ravitailler en eau. L’eau est rare et même quand le camion arrive, les responsables chargés de la distribution veulent ravitailler à la fois deux à trois blocs et quand on sait qu’un bloc peut abriter jusqu’à 300 personnes, vous pouvez imaginer l’immensité du besoin », nous raconte Seyni, un réfugié nigérian qui a accepté de nous guider lors de notre visite à Minawao.  

L’autre problème, tout aussi complexe, auquel les réfugiés font face au quotidien est celui du bois de chauffe. Pour cuire de la nourriture, il faut du feu. Ici, le bois de chauffe constitue une denrée rare. C’est ainsi que les réfugiés se lancent dans la destruction de la nature, une question de survie. Actuellement, ils exercent une forte pression sur la réserve forestière de Zamaï, non loin de leur camp. Ils y coupent non seulement du bois et l’utilisent pour faire du feu, mais y abattent aussi du gibier ; ce qui est formellement interdit par la législation en vigueur.  

  

Solidarité tous azimuts  

Rappelons que c’est en 2003 qu’arrivent les premiers réfugiés centrafricains au Cameroun, suite à la chute du Président Ange-Félix Patassé. En 2004, arrive une deuxième vague de réfugiés, leur nombre est considérable. Au fur et à mesure que la crise perdure – avec le départ de François Bozizé et les difficultés de Michel Djotodia, jusqu’à la mise en place de la Transition – de plus en plus de réfugiés se déplacent. Aujourd’hui, ce sont plus de 460 000 réfugiés qui ont été dispersés au Cameroun, au Tchad, en République du Congo et en République démocratique du Congo. Au Cameroun, l’afflux de réfugiés centrafricains a coïncidé avec les exactions de la secte Boko Haram au Nigéria voisin, qui ont également jeté sur le chemin de l’exil des milliers de Nigérians. Sans compter des centaines de milliers de déplacés nationaux.  

Depuis que la situation est critique, environ deux ans, le Cameroun a bénéficié de l’aide de la communauté internationale. Plusieurs pays ont apporté leur appui financier au pays pour faire face aux coûts liés à la gestion des réfugiés : la Chine, la France, l’Italie, la Turquie, la Russie… En plus de ces efforts sur le plan humanitaire, nombre de ces pays ont aussi travaillé à éradiquer la source des exactions qui ont amené les populations à trouver refuge au Cameroun. Le Président Paul Biya l’a rappelé récemment en visite à Abuja, lors du sommet sur la sécurité au Nigéria. « L’efficacité de la lutte contre Boko Haram doit également beaucoup au soutien de nos grands partenaires internationaux, notamment les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Chine, la Russie et l’Union européenne. Bien entendu, l’Union africaine, à travers la Force mixte multinationale, a apporté une contribution déterminante », affirmait alors le chef de l’État camerounais. En République centrafricaine, les Nations unies ont déployé une mission sur le terrain, Minusca, avec une forte participation de l’armée camerounaise et d’autres armées de pays africains. C’est cette mission de l’ONU qui est parvenue à stabiliser la situation pour que se tiennent enfin des élections, mettant ainsi fin à plusieurs années de crise. 

  

L’avenir des réfugiés  

« Pour ce qui est de l’avenir, il a été envisagé de maintenir et de développer la coopération militaire entre les pays de la Commission du Bassin lac Tchad (CBLT), coopération qui a fait ses preuves. Nous avons également convenu d’accorder une attention particulière à certaines questions spécifiques : la situation des réfugiés et des personnes déplacées, la reconstruction des infrastructures dans les zones détruites par Boko Haram. Sur ce point, je rappelle que c’est par une amélioration des conditions de vie des populations et un accès élargi à l’éducation que nous pourrons efficacement prévenir la réapparition de phénomènes comme Boko Haram », annonçait le 14 mai 2016 Paul Biya, à la clôture du sommet sur la sécurité au Nigéria.  

En Centrafrique, le nouveau Président Faustin Touadéra a prêté serment en promettant le rétablissement de la sécurité, la réconciliation politique et la relance de l’économie. Sur le volet sécuritaire, le pays est encore largement coupé en deux. Si les casques bleus de la Minusca et la force française Sangaris ont pour le moment évité le pire, le pays est encore dominé par les affrontements intercommunautaires. Le programme de désarmement est en cours de négociation, pour faciliter le retour de la confiance entre communautés. Petit à petit, le retour volontaire des réfugiés est encouragé. Seul problème majeur à gérer : la survie de ceux qui sont encore dans les camps au Cameroun alors que la grande saison de pluies a commencé.  

 

 

 

« Nous lançons un appel à la solidarité internationale. » 

Khassim Diagne, représentant du HCR au Cameroun  

 

Deux ans après l’arrivée massive de réfugiés au Cameroun, quels sont les nouveaux problèmes liés à leur gestion ?  

Le principal problème à l’heure actuelle est de trouver des solutions pour stabiliser le travail que nous avons pu mettre en œuvre avec nos différents partenaires. Les camps dans l’est du Cameroun sont situés dans une zone assez difficile, du point de vue intempéries. Il pleut beaucoup et cela a une incidence sur les matériaux provisoires que nous avons utilisés : des bâches, du bois, de la paille, etc., qui ont une durée de vie assez limitée. Sur certains sites, il y a des abris un peu plus durables et des abris moins durables. Donc, le principal défi est de stabiliser les infrastructures surtout à une période où le retour n’est pas envisageable dans l’immédiat.  

  

Est-ce que ces besoins sont  chiffrés ? 

Pour l’année 2016, nous avions lancé en janvier dernier, sous l’égide du ministre de l’Administration territoriale du Cameroun, un appel de fonds de 98 millions de dollars pour les réfugiés centrafricains et nigérians au Cameroun. Pour les Centrafricains, les besoins s’élevaient à un peu plus de 55 millions de dollars. À ce jour, sur les 98 millions de dollars, le HCR n’a reçu que 19 millions des donateurs, il nous manque donc à peu près 78 millions. On a bon espoir que, peut-être parce qu’il y a certains pays ou institutions qui sont en début d’exercice budgétaire, il leur faut faire certains ajustements. Mais nous lançons un appel à la solidarité internationale. 

  

Qu’est-ce qui est fait avec les nouvelles autorités centrafricaines pour envisager un retour des  réfugiés ? 

À notre niveau, nous avons des réunions transfrontalières avec nos collègues. Je m’entretiens très régulièrement avec mon collègue de Bangui. Il y a deux mois, nous avons eu une réflexion stratégique à Limbé (sud-ouest du Cameroun), où nous avons convenu de certaines planifications. Vous savez que les réfugiés centrafricains se retrouvent dans plusieurs pays voisins (Tchad, Congo, RDC), donc il fallait nous asseoir pour définir une certaine stratégie. Nous avons conclu que si les élections se déroulaient bien en 2016, ce qui est le cas, on pourrait assister à des retours spontanés. Mais nous pensons que les retours mieux organisés, avec des chiffres un peu importants, seront visibles en 2017. 

  

Quelle lecture faites-vous de la mise en place d’un Comité Ad hoc pour la gestion des réfugiés au Cameroun ? 

Quand le Président camerounais a décrété de façon visionnaire la mise en place de cette structure, le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a été désigné comme organe directeur. Et au sein de ce ministère, il y a la direction de la Protection civile qui aidait le ministre dans la mise en place du fonctionnement de ce comité. J’ai toujours humblement recommandé qu’il y ait aussi des administrateurs de camps. Le ministre a longuement réfléchi et est revenu en me disant que c’était une bonne idée. Un point focal, représentateur de l’État camerounais dans les camps de réfugiés, sera donc désigné dans quelques semaines. Nous avons déjà discuté d’un projet d’appui institutionnel dans le sens d’octroyer des moyens de communication et mobilité à ces points focaux. Là au moins on saura à qui s’adresser en cas de problème.  

 

Exclusif CHINAFRIQUE

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