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Afrique
  2016-05-03
 

L'incontournable reconversion

par Messi Bala | VOL.8 MAI 2016 CHINAFRIQUE
Mots-clés: Cameroun;call-box

 
Dans les rues du Cameroun, rien de plus commun qu’un call-box

 

Depuis des années, les « call-box » font partie intégrante de la vie des Camerounais. Tous ceux qui ont un téléphone portable peuvent y acheter des unités ou du crédit de communication pour appeler. Si vous n’avez pas de téléphone, vous pouvez passer vos appels depuis le call-box. En d’autres termes, ce sont des cabines téléphoniques mobiles, puisque les gérants n’ont le plus souvent qu’un parapluie pour se déplacer vers les clients ou bien rester sur place et se protéger du soleil ou de la pluie, en attendant les clients qui voudraient soit téléphoner soit recharger leur téléphone portable. Ces personnages familiers se sont fait entendre le 7 mars dernier au Cameroun. Ayant pris conscience que tout est mis en place par les opérateurs de téléphonie pour les faire disparaître du circuit de distribution, les gérants de call-box ont fait part de leur colère en organisant une grève générale. Sur toute l’étendue du territoire camerounais, les call-box n’ont pas vendu de crédit. Toutefois, le ras-le-bol de ces détaillants n’est pas une nouveauté. 

Depuis quatre ans, les deux leaders de la téléphonie ont lancé chacun un service de finance mobile. Les utilisateurs d’Orange money ou d’MTN Mobile ne sont donc plus obligés de passer par un tenancier de call-box pour avoir du crédit. « Quelle que soit l’heure, à partir de mon compte mobile, j’achète directement du crédit, pourvu que j’ai de l’argent dans mon compte », jubile l’utilisatrice Béatrice Ndebi. Le gain de temps et la facilité de ce service ne sont pas les seules raisons de son succès. En effet, les bonus sont importants en achetant son crédit depuis son portable. Les opérateurs français et sud-africain offrent un bonus de crédit intra-réseau équivalent au montant du crédit acheté. De plus, chez MTN, chaque dépôt d’argent dans votre porte-monnaie mobile vous donne droit à des bonus en crédit. Chez Orange, chaque achat réglé via le paiement marchand, donne droit à une prime en crédit. Certains consommateurs passent ainsi plusieurs mois sans s’arrêter à un call-box. 

Qui n’a jamais vu ces panneaux en bois ou en papier plastifié présentant des offres de « super bonus » au frontispice des call-box ? 6 dollars d’achat et vous rechargiez votre portable pour 18 dollars ; tandis que 8 dollars donnaient droit à 30 dollars ou encore avec 24 dollars vous gagniez 50 dollars de recharge en communication… Prétextant les pressions du régulateur, qui insiste pour que les coûts des communications baissent, « les opérateurs en ont profité pour réduire à la baisse les marges des call-boxeurs. Et ces opérateurs se sont lancés eux-mêmes dans la distribution directe des bonus de crédit de communication aux consommateurs finaux », explique Rostant Tané, spécialiste des questions économiques. 

  

Mise à l’écart 

Une stratégie payante puisque plus aucun call-box ne propose de bonus à la recharge du crédit. L’opérateur Orange propose à ses clients de multiplier leur crédit : 4 cents de recharge donnent droit à 4 dollars de crédit ; 1,2 dollars pour 5 dollars. Tandis qu’à travers son logiciel « Easy Booster », MTN double, voire triple, les crédits pour les consommateurs de son réseau. Et pour enfoncer le clou et signifier aux gérants de call-box que l’heure a sonné, d’autres mécanismes de distribution se développent. Des partenariats sont noués par certains opérateurs de téléphonie avec une société de paris sportifs pour que les consommateurs finaux puissent recharger leur crédit dans les kiosques de paris. Aujourd’hui, même les stations-service distribuent du crédit, ce que certains bureaux de poste font aussi. 

Or, au départ, les call-box ont permis à ces entreprises de téléphonie mobile d’être plus accessibles pour les utilisateurs, et par conséquent de gagner beaucoup d’argent. À l’avènement de la téléphonie mobile au Cameroun (fin des années 1990-début des années 2000), une nouvelle caste d’hommes et femmes d’affaires se sont déployés sur les rues des principales villes du pays où le réseau GSM était couvert. « Il fallait juste disposer d’une table, d’un banc et d’un parasol ou parapluie et trouver un emplacement dans un coin pour se lancer dans la vente au détail du crédit de communication », explique Faustin Ndzobo, enseignant et ancien gérant de call-box. Sur le nombre d’emplois générés, Jean Pierre Babayak, président du Syndicat des délégués et commerciaux, distributeurs des produits de télécommunications au Cameroun affirme par exemple que ce secteur d’activité « pourrait avoir absorbé plus de 400 000 emplois si les choses étaient bien faites, au lieu des 50 000 qu’on dénombre actuellement ».  

  

Bénéfices en chute 

En effet, à mesure que l’activité s’est développée, les profits eux, ont connu la courbe inverse. Marguerite Sika est aujourd’hui propriétaire d’une boutique de cosmétiques et accessoires de beauté, dans un grand marché de Yaoundé. Elle se souvient encore du début des années 2000, lorsqu’elle se lançait dans les « affaires », en ouvrant un call-box à Douala. « Il y avait beaucoup moins de tenanciers de call-box à l’époque. Dans ce contexte, les marges bénéficiaires se réalisaient de trois façons au moins. » Tout partait de l’achat des cartes de crédit, qui se faisaient en gros. « Pour une carte de 10 dollars par exemple, vous gagniez 1,6 dollars de bénéfices. Et pour une carte de 20 dollars, vous empochiez 3 dollars de bénéfices », raconte Mme Sika. Ainsi, grâce à un mode d’abonnement spécial qui permettait d’avoir un tarif préférentiel (autour de 0,25 dollars la minute), non seulement elle revendait la minute d’appel à 0,3 dollars, gagnant ainsi 5 cents sur chaque minute d’appel passé, mais la marge faite sur les cartes rechargées venait renforcer ces profits. « À l’époque, l’appel coûtait dans les 0,5 dollars pour les abonnements ordinaires. Les gens trouvaient donc plus profitable d’appeler sur les call-box qu’avec leurs propres téléphones. On ne manquait vraiment pas de clients », poursuit l’ancienne tenancière. Ainsi, un call-box situé dans un bon emplacement pouvait produire entre 180 dollars et 300 dollars de bénéfices chaque mois. Une ancienne call-boxeuse à Garoua, dans le nord du Cameroun, raconte comment elle a adopté une stratégie de fidélisation de certains gros clients, qui lui permettaient certains mois d’avoir près 1 000 dollars de bénéfices. 

Puis vers la fin des années 2000, le transfert de crédit est devenu le moyen privilégié de recharger les téléphones. Du coup, les call-box ont réduit l’achat et la vente de cartes téléphoniques, mais aussi les bonus sur l’achat de forfait en gros, lesquels constituaient la marge bénéficiaire des tenanciers de call-box. Entre temps, le secteur purement informel a commencé à s’organiser, ce d’autant plus que plusieurs jeunes désœuvrés se sont lancés dans le call-box, certains devant même reverser des taxes. Les marges bénéficiaires subissent ainsi le contrecoup, les bénéfices oscillant entre 100 dollars et 140 dollars mensuellement. Entre temps, le jeu de la concurrence fait considérablement chuter les prix de la minute d’appel. Très peu d’utilisateurs de téléphone font désormais appel aux call-box pour cela, les recharges de crédit devenant le principal fonds de commerce.  

Parvenus en 2016, les gérants de call-box ont tout essayé pour continuer à vivre de cette activité. On a associé au transfert de crédit du petit commerce : vente de cigarettes, bonbons, biscuits, confiserie, jus, etc. « Mais ça ne profite plus », regrette Michèle Haito, tenancière de call-box devant le commissariat central de Bertoua, dans l’est du Cameroun. Incapable de réunir assez de capital pour ouvrir un commerce en bonne et due forme, elle a abandonné. Seule solution désormais, l’incontournable reconversion face à l’évolution technologique du business.

  

(Reportage du Cameroun) 

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