Privé de routes, de courant et d’eau potable : en 2001, le village de Yanbo était coupé de tout et plongé dans une autre ère. Seulement, Yanbo s’est modernisé… et enrichi, passant d’un revenu annuel par habitant inférieur à 800 yuans (123 dollars), à 18 600 yuans (2 800 dollars) en 2017. 

Fort de 300 foyers aujourd’hui, le village doit sa transformation à une femme : Yu Liufen, 49 ans, secrétaire de la cellule du Parti communiste chinois de Yanbo, et membre du XIII^e Comité national de la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC). 

Être l’artisan de sa fortune 

En 1989, Yu Liufen épouse un homme du village. À l’époque, un tiers des villageois souffrent du manque de nourriture. Et rien ne change dans les dix années qui suivent. À l’exception d’une chose, peut-être. Yu Liufen, elle, fait montre d’un esprit d’initiative hors du commun et monte un restaurant, un supermarché et un studio photo. Grâce à son audace, sa famille devient la plus riche du village. En 2001, elle est finalement élue secrétaire de la cellule du Parti et s’engage à sortir son village de la pauvreté. 

Sa première idée est de mobiliser la population autour de la construction d’une route, afin de faire sortir Yanbo de son enclavement. Mais un tel projet nécessite des investissements auxquels le village n’est évidemment pas prêt à faire face. Yu Liufen décide alors d’acheter le matériel nécessaire à ses frais. Après plusieurs mois d’efforts, ce ne sont pas une, mais sept routes qui sont construites, pour une distance totale de près de 29 kilomètres. Un an seulement après son entrée en fonction, le village est desservi par des routes, et possède désormais un réseau électrique et l’eau potable. Les obstacles fondamentaux au développement local ont été levés. 

La première réussite collective 

Après ce premier succès, Madame Yu tourne son regard vers l’exploitation forestière. En effet, Yanbo possède 99 hectares de domaines forestiers, dont le droit de gestion avait été concédé à un individu. En 2002, elle décide de racheter, avec les cadres du village, les terrains pour 230 000 yuans (36 000 dollars). 

Si l’idée est favorablement accueillie sur le principe, les villageois sont moins enthousiastes quant à la collecte de fonds. Mais sûre de l’opportunité, Yu Liufen fait du porte-à-porte dans l’espoir de les persuader. Finalement, elle débourse elle-même 40 000 yuans (6 000 dollars), emprunte encore 110 000 yuans (17 000 dollars) auprès des villageois et rassemble le reste de la somme grâce à un prêt sur gage avant de réussir le rachat. En un an, l’exploitation forestière a permis aux habitants de rembourser la dette et de gagner des centaines de milliers de yuans. 

S’embarquer dans le développement industriel communautaire 

Mais Yu Liufen ne s’arrête pas là. Elle incite alors la population à repenser les structures industrielles, qu’elle considère comme la clé dans la lutte contre la pauvreté. Les villageois se lancent successivement dans la culture sous serre, et dans l’exploitation bovine et avicole. Les actifs collectifs de Yanbo suivent et s’élèvent exponentiellement à 76 millions de yuans (12 millions de dollars) fin 2017. 

En 2004, Yu Liufen envisage de créer une distillerie, en s’appuyant sur les techniques traditionnelles de l’ethnie Yi. Avec son arôme particulier, la liqueur gagne en popularité. En 2012, la distillerie rurale devient une société par actions, et voit sa production annuelle passer de 200 à 5 000 tonnes. Plus de 100 foyers dans la communauté détiennent plus de 55 % des actions. Aujourd’hui, la société emploie plus de 400 personnes – non seulement à Yanbo, mais aussi dans la communauté voisine – et ses bénéfices sont partagés entre les villageois. 

Au final, si des doutes et des craintes ont souvent émergés au cours de l’aventure, Madame Yu a réussi à relever tous les défis : « la fatalité, c’est l’excuse des âmes sans volonté ! »