2024-11-12 |
Irriguer l'avenir |
VOL. 16 / NOVEMBRE 2024 par GITONGA NJERU · 2024-11-12 |
Mots-clés: Kenya |
Quand la Chine nourrit l’espoir au Kenya.
Une femme arrose un champ de légumes grâce aux réservoirs souterrains construits par une entreprise chinoise, à Kimuka, au Kenya, le 10 novembre 2022. (XINHUA)
Caleb Munyao, un agriculteur de 48 ans originaire de l’est du Kenya, connaît plus que quiconque l’importance vitale de l’eau. Sur sa ferme de 13 hectares où il cultive maïs, haricots jaunes et mangues, chaque goutte compte. Le Kenya, confronté comme beaucoup d’autres pays africains à de sévères défis en gestion hydrique, subit les effets conjugués du changement climatique, de l’urbanisation galopante et des précipitations irrégulières.
Face à ces obstacles, des solutions innovantes voient le jour, souvent grâce à des collaborations avec des entreprises internationales. Les entreprises chinoises, notamment, se distinguent par leur leadership dans le développement de projets de traitement des eaux usées, favorisant une gestion plus durable de cette ressource cruciale.
M. Munyao bénéficie directement de ces initiatives, notamment par le biais de nouveaux projets de traitement des eaux usées initiés par des acteurs chinois. Ces projets ne se contentent pas de traiter les déchets ; ils réinventent l’utilisation de l’eau recyclée pour des applications non potables, telles que l’irrigation, offrant une réponse pratique à la pénurie d’eau qui s’aggrave.
Coopération chinoise
La ferme de M. Munyao est située à une distance significative de Kitui, une ville à environ 180 km de la capitale Nairobi, illustrant les défis géographiques et logistiques inhérents à la gestion des ressources en eau au Kenya. Un trajet typique de Nairobi à Kitui dure trois à quatre heures, en fonction de la circulation et de l’état des routes, ce qui met en relief l’importance cruciale des infrastructures pour soutenir les communautés agricoles et rurales du pays.
« L’accès amélioré à l’eau est une véritable aubaine pour mes cultures, car l’eau reste une ressource rare. Je collabore étroitement avec de grandes entreprises chinoises qui aident à réaliser mes projets », explique M. Munyao. Selon le ministère de l’Environnement, du Changement climatique et des Forêts, environ 462 000 m³ d’eau sont extraites quotidiennement des réservoirs kényans, une quantité insuffisante pour couvrir les besoins de toute la population, particulièrement dans les zones arides et semi-arides.
Le changement climatique, manifesté par des conditions météorologiques imprévisibles et des sécheresses fréquentes, est l’un des principaux vecteurs de la crise hydrique. Cependant, la déforestation, la gestion inadéquate des terres et la surexploitation des eaux souterraines exacerbent également la situation.
Pour contrer ces défis, le Kenya mise sur des collaborations internationales, notamment avec des entreprises chinoises. « Ces partenariats sont essentiels pour la construction d’installations modernes de traitement des eaux usées, qui permettent de soulager la pression sur nos ressources naturelles en recyclant les eaux usées pour des usages non potables tels que l’irrigation, l’aménagement paysager et les processus industriels », affirme Aden Duale, secrétaire du cabinet du ministère de l’Environnement, du Changement climatique et des Forêts. Le ministère collabore également avec d’autres ministères, tels que le ministère de l’Agriculture et du Développement de l’élevage, et le ministère de l’Eau, de l’Assainissement et de l’Irrigation, pour renforcer la durabilité de l’approvisionnement en eau du Kenya.
L’engagement des entreprises chinoises dans l’expansion des infrastructures kényanes est bien établi. Au cours de la dernière décennie, la Chine a émergé comme un acteur majeur dans le développement infrastructurel en Afrique, investissant des milliards de dollars dans des projets routiers, ferroviaires et énergétiques à travers le continent. « De nombreuses entreprises chinoises se sont engagées pleinement dans l’amélioration de la gestion de notre eau », souligne M. Duale.
Parmi ces entreprises, Jiangxi Construction Engineering Group se distingue. Yu Keming, directeur financier du groupe au Kenya et en Zambie, mentionne que son entreprise traite environ 80 000 m3 d’eaux usées par jour. « Nous prévoyons d’augmenter notre capacité de traitement à mesure que nous procédons à des mises à niveau supplémentaires de la station de traitement des eaux usées de Dandora », rapporte M. Yu. Située à environ 30 km de Nairobi, cette station traite actuellement 80 % des eaux usées de la ville, d’après SMEC, une firme internationale de conseil en infrastructures. M. Yu révèle également que de nouvelles stations sont en cours de construction à Mombasa, Kisumu et Meru.
Parallèlement, le groupe China Henan International Corporation joue un rôle clé à Nairobi, pilotant deux installations et augmentant les réseaux d’égouts tout en construisant davantage de forages. Wanjiku Njuguna, députée du comté de Kiambaa, souligne : « Avec ces initiatives, nous augmentons nos capacités de recyclage des eaux usées et espérons produire 200 000 m3 d’eau traitée d’ici mi-2025. »
Un enfant tient un verre d’eau dans un jardin d’enfants grâce aux réservoirs souterrains construits par une entreprise chinoise à Kimuka, au Kenya, le 10 novembre 2022. (XINHUA)
Modernité et durabilité
Au Kenya, l’implication des entreprises chinoises a radicalement transformé le paysage infrastructurel. Elles ont construit de vastes autoroutes, agrandi le port de Mombasa et développé le chemin de fer à voie standard entre Mombasa et Nairobi, dynamisant ainsi la logistique et l’économie nationale.
M. Duale souligne que les stations d’épuration représentent une extension logique de cette coopération en infrastructures. Ces installations, équipées de technologies avancées, sont conçues pour traiter les eaux usées domestiques et industrielles jusqu’à un niveau sûr pour leur réutilisation en irrigation et autres usages non potables. Cette initiative aide non seulement à préserver les ressources en eau douce pour la consommation et l’assainissement, mais assure aussi une source d’eau fiable pour les agriculteurs comme M. Munyao, qui dépendent de cet approvisionnement pour cultiver leurs terres.
Le concept de recyclage de l’eau, bien que relativement nouveau au Kenya, montre un potentiel significatif. En redirigeant les eaux usées traitées vers l’agriculture, ces installations contribuent à atténuer les effets des pénuries d’eau, surtout dans les zones sévèrement affectées par les sécheresses, offrant ainsi une plus grande fiabilité hydrique durant les saisons sèches.
Des interrogations persistent cependant quant à l’impact environnemental de ces installations et à leur gestion post-contrat avec les entreprises chinoises. Malgré ces préoccupations, M. Duale reste optimiste : « Avec l’intensification des crises de l’eau, il est crucial d’adopter des solutions innovantes pour une gestion plus efficace de nos ressources hydriques. Notre collaboration avec les entreprises chinoises marie développement infrastructurel et pratiques durables, promettant un effet bénéfique prolongé sur la sécurité hydrique du Kenya. »
Au-delà du recyclage des eaux usées, le gouvernement kényan et des acteurs locaux explorent également le recyclage d’autres types d’eaux usées. Les autorités s’attachent aussi à développer l’expertise locale. « Notre but n’est pas de dépendre uniquement des compétences étrangères, mais de renforcer nos capacités internes », explique M. Duale. « Nous nous employons à former des ingénieurs et techniciens locaux pour qu’ils puissent maintenir et exploiter ces infrastructures de recyclage. »
Reportage du Kenya
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