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  2025-09-01
 

À petits points, grands destins

VOL. 17 / SEPTEMBRE par HU FAN  ·   2025-09-01
Mots-clés: économie des districts

Le commerce électronique propulse le district de Caoxian au cœur de la tradition vestimentaire chinoise. 

Une animatrice fait la promotion de hanfu dans l’entrepôt Youai Cloud de Caoxian, province du Shandong, le 18 juin. (XINHUA) 

  

En franchissant les portes de l’entrepôt Youai Cloud à Caoxian, base de diffusion en direct dédiée au hanfu (des costumes de style han), on a davantage l’impression de pénétrer dans une capsule temporelle que dans un simple entrepôt. Des milliers de tenues finement brodées y sont suspendues, des élégantes jupes mamianqun aux déclinaisons modernisées du costume traditionnel chinois. 

D’un côté, des animateurs vêtus de hanfu sourient à leur caméra de smartphone, tournoyant avec grâce pour leurs spectateurs en ligne, tandis que le tintement des commandes reçues rythme l’atmosphère. En arrière-plan, des visiteurs effleurent les étoffes d’organza, fascinés par la fusion du savoir-faire ancestral et du goût contemporain. 

L’histoire de Caoxian illustre une métamorphose inespérée. Jadis l’un des districts les plus pauvres du sud-ouest de la province du Shandong, il s’impose aujourd’hui comme le cœur battant du hanfu en Chine. En 2024, les ventes locales de hanfu ont dépassé 12 milliards de yuans (1,67 milliard de dollars), représentant plus de la moitié du marché national. Une prouesse exceptionnelle pour un district de moins de 2 millions d’habitants. Le moteur de cette ascension fulgurante : le commerce électronique. 

 

Une employée présente l’étiquette vestimentaire du hanfu à une visiteuse africaine, à Caoxian, province du Shandong, le 19 juin. (XINHUA) 

  

L’essor d’un pôle du hanfu 

Longtemps marquée par la pauvreté, l’économie de Caoxian reposait autrefois sur l’agriculture et la sylviculture. Nombre de ses habitants migraient vers des régions plus prospères. 

Un tournant s’est amorcé en 2008, lorsque quelques jeunes travailleurs migrants sont rentrés au pays avec une idée en tête : vendre des costumes en ligne. Ayant observé l’essor de l’e-commerce dans les grandes villes, ils ont commencé à proposer sur Taobao, principale plateforme d’e-commerce en Chine, des tenues de photographie et des toges de cérémonie. Les revenus, bien supérieurs à ceux de l’agriculture, ont rapidement suscité des vocations. 

Les initiatives se sont multipliées. Dès 2013, les autorités locales ont embrassé cette dynamique : subventions, formations, allègements fiscaux, simplification des procédures, octroi de prêts. Les infrastructures ont suivi : les réseaux logistiques se sont densifiés, et l’Internet haut débit a irrigué jusqu’aux villages les plus reculés. Ce qui n’était qu’un revenu d’appoint est devenu une activité à part entière. 

En 2018, Caoxian s’était imposé comme centre névralgique du commerce en ligne, avec 113 « villages Taobao », formant le deuxième plus grand cluster national. À Dinglou, le revenu annuel par habitant dépassait 100 000 yuans (13 920 dollars), un niveau supérieur à celui de Beijing ou de Shanghai. Lors de la Journée des célibataires, le grand rendez-vous de l’e-commerce chaque 11 novembre, Caoxian se hissa parmi les districts les plus performants du pays. 

L’essor du hanfu auprès d’une jeunesse avide de renouer avec ses racines culturelles a ouvert une nouvelle brèche. Les entrepreneurs locaux, capitalisant sur les savoir-faire en couture et les ateliers existants, ont réduit les coûts. Grâce à ses prix accessibles, le hanfu est devenu un vêtement du quotidien, propulsant Caoxian au sommet. 

En 2021, le district comptait plus de 2 000 entreprises dans le secteur, dont 600 spécialisées dans le hanfu. Ensemble, elles détenaient un tiers du marché chinois, une part passée à plus de 50 % en 2024.  

Le commerce en ligne a grandi en parallèle. Aujourd’hui, Caoxian héberge 8 476 entreprises de l’e-commerce et 91 200 boutiques en ligne, dont 15 000 consacrées au hanfu. Près de 350 000 habitants, soit un sur cinq, y travaillent directement comme vendeurs, couturiers, logisticiens ou animateurs de livestream. 

Mais plus encore qu’une source d’emplois, l’e-commerce a inversé les flux migratoires. Les jeunes ne fuient plus : ils reviennent pour lancer leur propre activité. Des villages vidés de leurs forces vives bruissent à nouveau d’activité. 

Lorsque la jupe mamianqun devint virale lors du Nouvel An chinois 2024, Caoxian confirma son rôle de fournisseur de référence, gage de sa compétitivité durable. 

 

Défilé de nouveaux modèles de hanfu lors d’un événement mode à Caoxian, province du Shandong, le 10 avril. (XINHUA) 

  

Des imitateurs aux créateurs 

Caoxian incarne une tendance nationale : celle d’un commerce électronique qui redonne vie à des filières en sommeil et contribue à la revitalisation rurale. À Shuyang (Jiangsu), les horticulteurs vendent désormais leurs fleurs en ligne au lieu de traverser le pays. À Qiuxian (Hebei), patates douces et moutons trouvent preneurs aux quatre coins de la Chine. À Anxi (Fujian), un quart du thé vendu en ligne provient du commerce local. 

Selon un rapport présenté lors de la 5e Conférence chinoise sur le nouveau commerce électronique en juillet dernier, ce secteur a permis l’émergence d’opportunités diverses, y compris pour les agriculteurs et les artisans. Les plateformes de vidéos courtes ont à elles seules généré plus de 40 millions d’emplois. En 2024, le commerce de détail en ligne rural a atteint 2 560 milliards de yuans (356,5 milliards de dollars), avec une hausse de 16 % des ventes de produits agricoles sur un an. 

Mais le modèle n’est pas sans failles. L’uniformisation des produits accroît la guerre des prix. La dépendance aux algorithmes rend l’activité instable. Caoxian, en dépit de son avance, n’échappe ni à la surproduction, ni à la réduction des marges, ni aux copies. 

Pour Hou Guodong, né en 1989, la survie passe par la créativité. Fils de marchands sur Taobao, il a fondé sa propre marque après des études en e-commerce, et emploie aujourd’hui 35 personnes. 

La mode des jupes mamianqun lui a appris à ne pas miser sur un seul produit. Sa marque décline désormais des collections par dynastie et saison, testées en direct pour jauger la demande. Avec un taux de retour de 15 %, bien inférieur à la moyenne, il mise sur le design, la réactivité et la qualité : « C’est la nouvelle norme », affirme-t-il. 

Dans l’entrepôt Youai Cloud, plus de 1 000 machines côtoient des lignes de production numériques flexibles. Les données de production sont synchronisées en temps réel avec les plateformes de vente, permettant une planification automatisée selon les performances. Résultat : une grande réactivité face aux tendances. 

Les autorités soutiennent activement cette modernisation. Des fonds spéciaux accompagnent l’intelligence industrielle, des partenariats universitaires apportent leur expertise en design, et des studios mutualisés favorisent l’innovation en matière de propriété intellectuelle. 

Le district bénéficie même d’un circuit accéléré d’enregistrement des brevets : dix jours seulement, contre plusieurs mois auparavant. Une vitesse cruciale dans un secteur où un article peut ne rester à la mode que quelques semaines. 

Le hanfu est aussi présent là où on l’attend le plus : les sites culturels et touristiques. Ces lieux abritent désormais des centres spécialisés, combinant exposition, vente, location et services de stylisme. Caoxian ne se contente plus de produire : il promeut activement la culture hanfu. Festivals, défilés, conférences, événements à thème… Trois grands festivals culturels ont déjà été organisés pour renforcer l’engouement populaire.  

À l’international, les entreprises de Caoxian se font aussi une place. Elles ont participé à des salons en République de Corée et en Italie, et collaboré avec des géants comme Shein ou Temu. Sur les réseaux sociaux, des fans étrangers publient désormais des photos d’eux en jupe mamianqun, exportant l’image de Caoxian bien au-delà de la Chine. 

Aujourd’hui, Caoxian poursuit son essor en alliant hanfu et commerce numérique. Appuyé sur des réseaux logistiques performants, il rivalise avec les grandes villes et diversifie ses filières : artisanat, agroalimentaire, accessoires pour animaux. 

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