2025-10-09 |
La sagesse pousse à l'ombre des arbres |
VOL. 17 / OCTOBRE 2025 par JOSEPH OLIVIER MENDO’O · 2025-10-09 |
Mots-clés: concept des « deux montagnes » ; Chine ; Afrique |
Joseph Olivier Mendo’o marche aux côtés d’un chien robot dans le village de Xiaogucheng, municipalité de Hangzhou, province du Zhejiang, en juillet. (PHOTOS : COURTOISIE)
Il y a 20 ans naissait en Chine une philosophie du développement qui allait redéfinir les contours mêmes de la prospérité : « Les rivières limpides et les montagnes verdoyantes constituent une grande richesse. » Baptisée concept des « deux montagnes », elle balaie l’idée d’un compromis entre progrès économique et protection de l’environnement, affirmant au contraire leur profonde interdépendance.
Récemment, j’ai parcouru la province du Zhejiang, dans l’est de la Chine, pour observer comment cette philosophie s’incarne sur le terrain. Sous les ramures d’un camphrier bicentenaire, au cœur du village de Xiaogucheng, j’ai découvert un modèle de développement vert où se conjuguent, avec une étonnante harmonie, dialogue communautaire ancestral et outils numériques de pointe. Une approche singulièrement pertinente pour le chemin que l’Afrique entend tracer vers un développement durable.
L’un des symboles les plus parlants de la gouvernance locale à Xiaogucheng est la « Réunion sous le camphrier ». Plus qu’un simple rituel, elle incarne un véritable outil de démocratie participative. Chaque soir, autour de l’arbre, une assemblée informelle prend place. Les gestionnaires des réseaux d’électricité, d’eau ou de télécommunications y répondent aux signalements des habitants, qu’il s’agisse d’un panneau solaire en panne ou d’une voiture mal stationnée. L’information est immédiatement enregistrée sur la plateforme numérique « Village Affairs Connect », qui transmet une mission au technicien ou au volontaire disponible le plus proche. Le problème est bien souvent réglé en quelques minutes.
Cette gouvernance « sous l’arbre » incarne un système à la réactivité remarquable, où les préoccupations du quotidien se transforment en actions concrètes, sans délai.
Un cercle vertueux
Ce mode de gestion instaure un cycle vert auto- entretenu. En limitant les déplacements grâce à une coordination fondée sur les données, il s’inscrit dans une logique bas carbone. La rapidité des interventions garantit la fiabilité des équipements, tels que les bornes mobiles, les panneaux solaires ou les compteurs intelligents, ce qui renforce la confiance des habitants. Plus ces dispositifs sont fiables, plus les pratiques écologiques s’ancrent durablement. La durabilité nourrit la commodité, qui, à son tour, renforce la durabilité.
Le succès de Xiaogucheng repose aussi sur la mise en œuvre concrète des « trois droits » : le droit à la décision, le droit à la supervision et le droit au partage des bénéfices. Cette participation citoyenne s’exprime à travers un « registre vert » numérique. Chaque initiative écologique, comme l’installation de panneaux solaires ou l’amélioration des infrastructures, doit être approuvée lors de la « Réunion sous le camphrier ».
Ici, protéger l’environnement devient un engagement collectif, visible et valorisé. Les revenus des installations vertes sont redistribués selon la contribution de chacun, tandis que ceux de l’écotourisme servent à entretenir le cadre naturel. La beauté nourrit les bénéfices, qui renforcent l’envie de préserver. L’écologie n’est plus une contrainte, mais un capital vert en croissance.
Joseph Olivier Mendo’o découvre la « Réunion sous le camphrier » dans le village de Xiaogucheng, municipalité de Hangzhou, province du Zhejiang, lors d’une visite en juillet.
Un modèle inspirant
Forte de ses traditions de palabres sous les arbres et de son aspiration à un développement inclusif, l’Afrique est bien placée pour s’inspirer de ce modèle. Dans bien des régions, les communautés débattent déjà en plein air : y intégrer des écrans solaires affichant les données climatiques, la qualité des sols ou les flux touristiques enrichirait les échanges.
De nombreux projets portés par des ONG échouent parce qu’ils ne tiennent pas compte des dynamiques locales. Offrir aux communautés la possibilité de voter sur les initiatives, qu’il s’agisse d’éclairage solaire, de préservation des zones humides ou de développement touristique, permettrait de renforcer la transparence, la responsabilité et la durabilité.
La Chine a intégré les impératifs environnementaux dès la planification de ses projets. L’Afrique peut en faire autant, en concevant dès le départ des systèmes énergétiques fondés sur les renouvelables, appuyés par des réseaux intelligents capables d’automatiser l’usage des énergies propres et d’éliminer progressivement les sources polluantes.
Le 20e anniversaire du concept des « deux montagnes » ne propose pas un modèle figé, mais une boussole adaptable. Il montre que la prospérité n’implique pas de choisir entre tradition et modernité. Le camphrier symbolise l’ancrage communautaire ; les plateformes numériques, l’efficacité et la transparence de l’action.
Les plus grandes richesses de l’Afrique résident dans ses communautés dynamiques et ses paysages préservés. En alliant valeurs collectives et technologies adaptées, les pays africains peuvent bâtir un modèle de développement où croissance et préservation vont de pair, au service des générations futures.
JOSEPH OLIVIER MENDO’O : chef de la délégation de la jeunesse africaine en Chine
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