| 2025-11-05 |
Les bâtisseurs d'un monde sans faim |
| VOL. 17 / NOVEMBRE 2025 par DAVID MONYAE · 2025-11-05 |
| Mots-clés: G20 ; Afrique du Sud |
La Chine et l’Afrique du Sud unissent leurs efforts contre la pauvreté au sein de la GAAHP, portée par le G20.

Des stagiaires kényanes apprennent des techniques agricoles lors d’une séance de formation organisée par des experts agricoles chinois dans un village du Kenya, le 18 septembre 2023. (XINHUA)
Le Sommet des dirigeants du G20 se tiendra en Afrique du Sud à la fin du mois de novembre. En tant que pays assumant la présidence, l’Afrique du Sud a déjà accueilli ou prévoit d’organiser 132 réunions officielles au cours de l’année, avec pour ambition de s’attaquer aux défis les plus urgents de notre temps, en particulier ceux qui frappent les pays du Sud global.
La faim et la pauvreté demeurent des fléaux tenaces à l’échelle mondiale. Malgré une croissance économique soutenue dans de nombreux pays, des millions d’êtres humains souffrent encore d’insécurité alimentaire, de malnutrition chronique et de pauvreté extrême. Conscient de cette urgence, le G20 a lancé une initiative phare : l’Alliance mondiale contre la faim et la pauvreté (GAAHP, selon son sigle anglais), destinée à accélérer les avancées vers les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, en particulier l’ODD 1 (« pas de pauvreté »), l’ODD 2 (« faim zéro ») et d’autres cibles connexes portant sur la réduction des inégalités et le renforcement des partenariats mondiaux.
Au sein de cette alliance, l’Afrique du Sud et la Chine se distinguent par leur rôle moteur. Leurs priorités stratégiques, leur capacité d’influence et leurs contributions concrètes offrent un éclairage précieux sur le potentiel de réussite de la GAAHP, tout en mettant en évidence les écueils à anticiper. Officiellement lancée sous la présidence brésilienne du G20 en 2024, cette alliance entend catalyser les efforts pour éradiquer la faim, réduire la pauvreté, combattre les inégalités et raviver la coopération internationale en faveur d’un développement véritablement inclusif.

Des visiteurs découvrent un semoir chinois à deux roues poussé à la main lors d’une exposition agricole en Ouganda, le 8 août 2023. (XINHUA)
La Chine en première ligne
L’engagement actif de la Chine dans la GAAHP, ainsi que sa vision plus large de la lutte contre la pauvreté et la faim, témoignent de sa volonté affirmée de jouer un rôle central dans le développement du Sud global. Ses contributions s’étendent du redressement intérieur à la coopération internationale, en passant par le financement, le transfert d’expertise et l’engagement politique.
En sortant près de 800 millions de personnes de la pauvreté, la Chine a atteint les ODD des Nations unies avant l’échéance, affirmant sa légitimité dans le plaidoyer mondial. À travers l’Initiative pour le développement mondial, elle mobilise des ressources financières et techniques en faveur des infrastructures, de la lutte contre la pauvreté et du progrès partagé. Plus de 1 100 projets ont été proposés dans ce cadre, soutenus par des instruments tels que le Fonds de la Route de la soie.
Lors du Sommet du G20 à Rio de Janeiro en 2024, la Chine a exprimé son soutien officiel à la GAAHP, réaffirmant son attachement au commerce équitable, à l’investissement responsable et à la coopération au développement. Elle a également défendu la vision d’une prospérité partagée, d’une gouvernance mondiale plus juste et d’un développement centré sur l’humain.
Forte d’une longue tradition de coopération Sud‑Sud, la Chine a collaboré étroitement avec l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, envoyant des experts, partageant des technologies agricoles et cofinançant des programmes de renforcement des capacités dans plusieurs pays partenaires, autant d’initiatives qui alimentent le pilier « connaissances » de la GAAHP.
Elle a par ailleurs accordé le traitement tarifaire zéro aux pays les moins avancés pour élargir l’accès à son marché intérieur, contribuant à la construction d’un environnement commercial plus équitable. Enfin, les priorités portées par la GAAHP (agriculture durable, systèmes alimentaires résilients et filet de sécurité sociale élargi) résonnent avec les politiques nationales chinoises. La Chine agit ainsi comme modèle de transformation, investisseur stratégique et partenaire de coopération. Elle contribue à donner corps aux engagements de la GAAHP, à travers le financement, le partage d’expertise et le dialogue international.

Un expert chinois dispense une formation technique à des agriculteurs locaux dans une base de démonstration de culture de bananes au Sri Lanka, le 10 octobre 2024. (XINHUA)
L’Afrique du Sud, porte-voix du continent
Acteur-clé au sein du G20 et ardent défenseur du Sud global, l’Afrique du Sud s’impose comme un maillon essentiel de la GAAHP, conciliant responsabilités internationales et réalités domestiques.
Sa présidence tournante du G20 intervient à un moment où les enjeux de sécurité alimentaire, de pauvreté, de justice climatique et d’inégalités occupent une place centrale sur la scène internationale. L’Afrique du Sud a placé au cœur de son agenda l’allègement de la dette, le financement climatique, la transparence des systèmes de notation et la coopération en faveur des pays les plus fragiles.
Sous sa présidence, le G20 a créé un Groupe de travail sur la sécurité alimentaire et renforcé celui consacré à l’agriculture. Lors des réunions tenues à Durban en avril, l’Afrique du Sud a souligné les liens profonds entre faim, pauvreté rurale, résilience climatique et systèmes de protection sociale.
Elle plaide pour des solutions endogènes, adaptées aux réalités locales et articulées autour d’une agriculture résiliente, de systèmes alimentaires inclusifs et d’une protection sociale solide. Son soutien aux outils politiques de la GAAHP, tournés vers les petits exploitants, les populations vulnérables et les zones rurales, reflète cette orientation.
L’Afrique du Sud milite également pour une réforme des mécanismes de notation financière, la réduction des primes de risque appliquées aux pays en développement, et une plus grande représentativité au sein des institutions financières internationales, autant de leviers structurels pour favoriser l’investissement et réduire la pauvreté.
Un Sud global moteur du changement
Les rôles prépondérants de la Chine et de l’Afrique du Sud révèlent à la fois les promesses et les défis de la GAAHP. La Chine incarne un modèle de transformation sociale et économique ; l’Afrique du Sud, une voix politique forte au service du continent africain.
Leur participation conjointe confère à l’Alliance une légitimité accrue : loin d’être une initiative dictée par l’Occident, la GAAHP émerge du Sud global, ce qui lui donne un poids symbolique et stratégique considérable. L’expertise technique chinoise vient compléter les efforts diplomatiques et politiques sud-africains. Par exemple, les avancées chinoises dans la science agricole peuvent renforcer les priorités sud-africaines en matière de résilience rurale et d’adaptation climatique.
Toutefois, les défis restent nombreux. La GAAHP peine encore à transformer ses promesses en actions tangibles. Pour y parvenir, il faudra assurer une coordination étroite, un financement soutenu, des mécanismes de redevabilité efficaces et un suivi rigoureux. Par ailleurs, l’endettement élevé, la vulnérabilité climatique et l’accès limité aux financements continuent de freiner les efforts des pays du Sud, d’où les appels pressants de l’Afrique du Sud pour des réformes systémiques.
La voie à suivre
Pour que la GAAHP tienne ses engagements d’ici 2030, plusieurs leviers devront être activés, à la lumière des expériences chinoise et sud-africaine.
Mobiliser les banques de développement, les bailleurs bilatéraux et le secteur privé est essentiel. Tandis que la Chine assure l’apport de financements conséquents, l’Afrique du Sud œuvre à créer un environnement plus favorable à l’investissement, par le biais de réformes structurelles. Il importe surtout que les ressources atteignent les collectivités locales, là où leur impact est immédiat.
Le partage des connaissances, l’assistance technique et la coopération Sud‑Sud doivent être renforcés. Les projets chinois dans ces domaines constituent des modèles reproductibles, tout comme les démarches de plaidoyer panafricain menées par l’Afrique du Sud au sein de l’Union africaine.
Comme la faim et la pauvreté sont intimement liées aux bouleversements climatiques, la GAAHP devra intégrer pleinement l’adaptation, la durabilité agricole, la conservation de la biodiversité et la gestion des catastrophes dans son architecture opérationnelle. Les priorités agricoles défendues par l’Afrique du Sud et l’engagement de la Chine en faveur d’un développement vert s’inscrivent dans cette dynamique.
En définitive, la GAAHP incarne un effort commun et ambitieux pour relever les défis majeurs de notre époque. La Chine et l’Afrique du Sud y jouent des rôles complémentaires : la première mobilise son expérience, ses ressources et sa coopération Sud‑Sud ; la seconde met sa présidence du G20 au service des peuples, de la réforme des institutions et de la voix africaine.
Mais le succès de l’Alliance dépendra d’une volonté partagée, d’une gouvernance inclusive, de la résilience face aux chocs et d’un engagement à long terme. Si ces conditions sont réunies, la GAAHP pourrait rapprocher le monde d’un avenir où la faim et la pauvreté appartiennent au passé.
L’auteur est directeur du Centre d’études Afrique-Chine à l’Université de Johannesburg, en Afrique du Sud.