| 2025-11-05 |
Un monde à parité |
| VOL. 17 / NOVEMBRE 2025 par HU FAN · 2025-11-05 |
| Mots-clés: G20 ; Afrique du Sud |
À la veille du G20, l’Afrique du Sud appelle à une égalité réelle et agissante des genres.

Des participantes à la Réunion globale des dirigeants sur les femmes dansent avec des artistes de l’ethnie dong lors d’une exposition sur les avancées chinoises dans l’autonomisation numérique et intelligente des femmes et des filles, à Beijing, le 14 octobre. (XINHUA)
La Réunion globale des dirigeants sur les femmes s’est tenue à Beijing, capitale de la Chine, les 13 et 14 octobre. À cette occasion, la ministre sud-africaine des Femmes, de la Jeunesse et des Personnes handicapées, Sindisiwe Chikunga, a pris part aux échanges. CHINAFRIQUE s’est entretenu avec elle sur les messages qu’elle a portés à cette réunion, les progrès de son pays en matière d’autonomisation des femmes, les perspectives ouvertes par la présidence sud-africaine du G20, ainsi que le rôle que peut jouer la Chine. Voici un extrait édité de l’entretien.
CHINAFRIQUE : Quels messages clés l’Afrique du Sud a-t-elle transmis à la Réunion globale des dirigeants sur les femmes ?
Sindisiwe Chikunga : Le message que nous avons voulu transmettre à ce sommet mondial est limpide : l’autonomisation des femmes n’appartient ni au passé ni à une catégorie négligeable des priorités nationales. Elle est un impératif de justice et de progrès.
Nous devons placer les femmes sur un pied d’égalité avec leurs homologues masculins, afin qu’elles puissent combler le fossé et accéder aux mêmes responsabilités. Cela passe par une mise en œuvre résolue des 12 priorités et principes énoncés dans la Déclaration et le Programme d’action de Beijing.
Chaque pays a ses expériences à partager : l’un excelle dans l’autonomisation économique, l’autre dans la lutte contre la pauvreté. Le dialogue et l’échange permettent de mutualiser ces approches et de créer des espaces où les avancées peuvent être mesurées et discutées. En résumé, nous affirmons haut et fort que les droits des femmes sont des droits humains.

Sindisiwe Chikunga, ministre sud-africaine des Femmes, de la Jeunesse et des Personnes handicapées. (HU FAN)
Quels progrès l’Afrique du Sud a-t-elle accomplis en matière de leadership féminin et de participation aux décisions ?
Nous avons parcouru un long chemin. En 2009, nous avons institué un ministère dédié aux femmes, aux jeunes et aux personnes handicapées, chargé de promouvoir l’égalité des genres, de suivre les politiques publiques et d’évaluer leur impact dans la sphère publique, les entreprises, la société civile et le monde universitaire.
Ce ministère évalue aussi l’effet concret de la présence des femmes à des postes d’autorité, au-delà de la simple représentativité. Leur participation vise à inspirer, à soutenir et à ouvrir la voie à d’autres femmes.
La transformation de notre paysage politique est éloquente : en 1994, les femmes occupaient 28 % des sièges au Parlement ; elles en détiennent aujourd’hui 43 %. À l’époque, seules deux femmes siégeaient à la magistrature. Elles sont désormais 115, et la présidente de la Cour suprême est une femme. C’est un tournant remarquable.
Parmi les ministres et vice-ministres, 43 % sont des femmes, y compris à la tête de ministères longtemps considérés comme réservés aux hommes. Elles président également les deux chambres du Parlement. Nous avons su placer les femmes au cœur des mécanismes décisionnels, en particulier dans le secteur public.
Dans les entreprises publiques comme dans le privé, de nombreuses femmes dirigent des conseils d’administration et occupent des postes de direction. Les effets se font sentir : lorsque notre ministère sollicite l’aide d’une entreprise, les PDG femmes répondent présentes.
En matière de présence féminine dans les cercles de décision, nous avons fait des avancées significatives. Et nous savons que nous pouvons encore aller plus loin.

Des invitées de la Réunion globale des dirigeants sur les femmes visitent un centre de formation artisanale pour femmes dans l’arrondissement de Shunyi, à Beijing, le 14 octobre. (XINHUA)
Alors que l’Afrique du Sud s’apprête à accueillir le G20, quelles opportunités voyez-vous pour faire progresser l’autonomisation des femmes et l’égalité des genres dans l’agenda international ?
Le G20 compte 15 groupes de travail et plusieurs groupes thématiques. Les questions de genre y sont transversales. Que ce soit dans le Business 20, le Youth 20 ou le Women 20, les femmes doivent tirer parti de toutes les dynamiques.
Nous assurons la présidence du Groupe de travail sur l’autonomisation des femmes. Parmi nos priorités figure l’inclusion financière. Cela englobe l’accès des femmes à la terre, aux marchés, aux financements et aux technologies.
Nous voulons bâtir un héritage fondé sur une autonomisation à bénéfices partagés. La question est simple : comment les pays du G20 peuvent-ils non seulement autonomiser leurs propres citoyennes, mais aussi soutenir les femmes d’Afrique du Sud et d’ailleurs ? Que pouvons-nous apprendre de membres comme la Chine ou le Royaume-Uni ?
Un axe crucial est le développement des compétences entrepreneuriales. Beaucoup de femmes lancent leur activité sans les connaissances nécessaires à sa pérennité. Nous devons les outiller pour qu’elles puissent diriger durablement.
Nous échangeons aussi avec les institutions financières pour lever les obstacles structurels. Beaucoup de banques exigent encore des garanties que la plupart des femmes, sans titre foncier, ne peuvent fournir. Pourtant, des études montrent qu’elles remboursent plus régulièrement leurs prêts, ce qui plaide pour un meilleur accès au crédit.
Il ne devrait donc plus y avoir d’obstacle à leur financement. Encore faut-il que les conditions de remboursement soient justes, afin de ne pas mettre en péril les entreprises qu’elles sont censées soutenir.
C’est sur ces enjeux que nous concentrons nos efforts, et les institutions financières commencent à évoluer. Si nous réussissons, nous mettrons en place des mécanismes mieux adaptés aux femmes, leur donnant accès au crédit et à la propriété foncière. Ce serait un legs fort de notre présidence du G20.
Quel rôle la Chine peut-elle jouer pour soutenir les priorités sud-africaines en faveur des femmes ?
La Chine est très avancée dans des domaines clés comme l’éducation, l’entrepreneuriat ou les technologies de pointe, notamment l’intelligence artificielle et le codage. Ce sont des compétences que nous souhaitons acquérir, et nous avons déjà engagé des échanges en ce sens.
Nous avons signé de nombreux accords avec la Chine. Le défi, désormais, est de les concrétiser. C’était d’ailleurs le cœur de notre entretien avec le vice-Président aujourd’hui (le 13 octobre, ndlr).
Prenons l’économie bleue à titre d’exemple. La Chine se distingue dans des secteurs tels que la construction et la réparation navales. L’Afrique du Sud peut y puiser inspiration et expertise, tout en créant des opportunités pour les femmes. Nombreuses sont celles qui manifestent un intérêt pour ce domaine, mais encore faut-il leur ouvrir les bonnes portes.
Notre priorité est donc d’assurer une mise en œuvre effective des accords de coopération sino-
sud-africaine. Aujourd’hui, le Président chinois Xi Jinping a annoncé la création de 50 000 opportunités de formation professionnelle sur les cinq prochaines années. En tant que membre des BRICS, l’Afrique du Sud entend bien en bénéficier pleinement.
Il ne faut pas oublier que notre relation avec la Chine remonte aux années 1980, à l’époque de l’apartheid. Déjà à l’époque, elle se tenait à nos côtés dans notre lutte pour la liberté.