| 2025-11-05 |
Jeunesse en transition |
| VOL. 17 / NOVEMBRE 2025 par LI YIN · 2025-11-05 |
| Mots-clés: G20 ; Y20 ; COP |
De jeunes délégués au G20 appellent à intensifier l’action climatique.

Photo de groupe des jeunes délégués internationaux du Y20. (COURTOISIE)
Le Sommet du Youth 20 (Y20) s’est tenu à Johannesburg, en Afrique du Sud, du 18 au 23 août. Sun Ruoshui, assistant de recherche à l’Institut du changement climatique et du développement durable de l’Université Tsinghua, y représentait la Chine, désigné par la Fédération nationale de la jeunesse de Chine pour participer aux discussions sur le climat et la durabilité environnementale.
Spécialiste de la gouvernance climatique mondiale, des négociations internationales et des politiques climatiques, M. Sun a déjà été membre de la délégation chinoise à la 28e Conférence des parties (COP) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) en 2023 ainsi qu’à la 60e Réunion des organes subsidiaires de la CCNUCC en 2024.
CHINAFRIQUE s’est entretenu avec lui sur son expérience aux côtés des jeunes représentants du G20, ainsi que sur sa vision de la coopération sino‑africaine des jeunes face aux défis climatiques mondiaux.
CHINAFRIQUE : En tant que délégué chinois au Sommet du Y20 de 2025, quels étaient vos objectifs personnels et les attentes collectives que vous portiez ? Dans votre domaine de spécialisation, la gouvernance climatique, quel message
souhaitiez-vous transmettre à la jeunesse internationale, et plus particulièrement à vos homologues africains ?
Sun Ruoshui : J’ai candidaté pour le Y20 dès 2021. J’avais atteint la phase finale de sélection, sans être retenu, ce qui fut une réelle déception. L’invitation reçue cette année m’est donc apparue comme l’occasion de concrétiser enfin cette expérience que j’avais longtemps espérée.
Ces quatre dernières années, j’ai achevé mes études et représenté la Chine dans plusieurs négociations climatiques à l’échelle des Nations unies. Ces expériences m’ont permis de dépasser le regard académique pour aborder la gouvernance climatique avec davantage de profondeur, de complexité et de hauteur de vue. Cette transformation m’a conféré plus de maturité et de confiance pour aborder sereinement le Sommet du Y20.
À l’échelle collective, deux motivations principales m’animaient. La première : comprendre comment la jeunesse mondiale perçoit aujourd’hui la gouvernance climatique, à un moment où celle-ci semble marquer le pas, notamment depuis le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris sous l’administration Trump. Je voulais savoir si cette évolution avait émoussé l’engagement des jeunes, ou si leur détermination restait intacte.
La seconde : partager le point de vue et l’expérience de la Chine dans les négociations climatiques. Mon souhait était d’éclairer les fondements de nos positions, tout en accueillant celles des autres avec ouverture. Mon objectif n’était pas de réciter des discours convenus, mais de susciter un dialogue sincère et mutuel.
Le message que je souhaitais adresser à la jeunesse mondiale, notamment africaine, est que malgré la montée du scepticisme, l’élan pour l’action climatique est irréversible. Non seulement parce que c’est « la bonne chose à faire », mais aussi parce que les énergies renouvelables sont désormais plus accessibles, efficaces et compétitives. Même sans objectifs d’émissions, elles offrent une meilleure productivité. La transition verte s’impose ainsi comme une tendance historique durable, au-delà des cycles politiques ou des opinions individuelles, une idée qui a fortement résonné auprès des autres délégués.

Les jeunes délégués internationaux du Y20 lors d’une séance de travail. (COURTOISIE)
Durant le sommet, vous avez présenté des exemples concrets d’initiatives climatiques menées en Chine. Quels aspects ont suscité le plus d’intérêt chez les jeunes délégués internationaux ?
Ce qui les a le plus frappés, c’est l’ampleur de la transition énergétique en Chine. Aujourd’hui, près de la moitié de la capacité mondiale installée en énergie solaire et éolienne se trouve en Chine. Le pays installe chaque année davantage de nouvelles capacités que tous les autres réunis. Autrement dit, sans l’apport de la Chine, la transition mondiale vers une économie bas carbone ne serait pas ce qu’elle est.
Les délégués des pays en développement se sont montrés très intéressés par les politiques publiques qui ont permis à la Chine de progresser aussi rapidement et en profondeur. De leur côté, ceux des pays développés s’interrogeaient sur le maintien de la place du charbon dans le mix énergétique chinois. Pourquoi, alors que les énergies renouvelables représentent déjà plus de 60 % de la capacité installée, la Chine continue-t-elle à construire des centrales à charbon plutôt que de miser exclusivement sur les énergies renouvelables ? C’est une question légitime, qui a suscité de riches échanges.
Quels échanges avez-vous eus avec les jeunes délégués africains, et quelle est, selon vous, la place de l’amitié sino‑africaine dans cette jeune génération ?
Cette année, le délégué sud-africain exerce exactement la même fonction que moi au sein de sa délégation à la COP : négociateur pour la transition juste. Cette coïncidence nous a beaucoup amusés.
Nous avons échangé nos visions respectives de la transition énergétique, en mettant en lumière aussi bien nos différences que nos points communs. Mais surtout, nous avons identifié plusieurs pistes concrètes de coopération future entre la Chine et l’Afrique.
Le délégué sud-africain a souligné que le développement chinois ouvrait des perspectives inédites pour les pays du Sud global, et en particulier pour l’Afrique. Il montre qu’une transition bas carbone peut s’accompagner de croissance économique. Ce constat est porteur d’espoir : avec de l’innovation et de la volonté, les pays en développement peuvent eux aussi concilier durabilité et prospérité.

Sun Ruoshui (à gauche, au deuxième plan) avec d’autres délégués chinois.
Sur des plateformes multilatérales comme le Y20, quelles pistes concrètes voyez-vous pour renforcer la coopération sino‑africaine des jeunes dans le domaine du développement durable ?
Deux axes me paraissent particulièrement prometteurs : la transition énergétique et l’agriculture durable.
La transition énergétique est un enjeu crucial. La Chine et l’Afrique y disposent d’atouts très complémentaires. La Chine a acquis une maîtrise technologique avancée et une solide capacité financière dans les domaines de l’éolien, du solaire et de l’hydroélectricité. L’Afrique, de son côté, est riche en ressources naturelles, notamment solaires, et offre un vaste potentiel de développement.
Alors que de nombreux pays d’Asie-Pacifique sortent progressivement des énergies fossiles, de vastes régions rurales d’Afrique souffrent encore d’un accès limité à l’énergie. Ce déséquilibre ouvre la voie à une coopération stratégique : la capacité de production chinoise et la demande africaine doivent désormais être reliées par des mécanismes efficaces et équitables.
Le deuxième axe, c’est l’agriculture durable. L’agriculture, en Afrique, n’est pas seulement un pilier économique, mais aussi un levier essentiel pour répondre aux grands défis du développement durable. La sécurité alimentaire conditionne toute avancée. Pourtant, le continent est particulièrement vulnérable aux effets du changement climatique sur les systèmes agricoles.
La Chine a accumulé une riche expertise en matière de modernisation agricole : irrigation de précision, semences de qualité, pratiques agronomiques innovantes… Autant de savoir-faire qui peuvent grandement bénéficier à l’Afrique.
Selon vous, comment la jeunesse internationale peut-elle mieux mobiliser sa force collective pour faire avancer le développement durable à l’échelle mondiale ?
Je vois trois leviers majeurs. D’abord, les jeunes doivent rester fermement engagés en faveur du développement durable et de la transition bas carbone. Une vision partagée nous permet d’agir de façon déterminée et de fédérer nos énergies.
Ensuite, il faut renforcer les échanges et la compréhension mutuelle. Au Sommet du Y20, par exemple, nous avons collaboré comme une véritable équipe de projet pour rédiger un communiqué commun reflétant nos aspirations collectives, plutôt que des positions antagonistes. Cette atmosphère d’écoute et de coopération a favorisé un respect sincère, indispensable à la construction d’initiatives durables. L’empathie dissipe bien des malentendus.
Enfin, il convient d’activer et d’élargir nos réseaux intersectoriels. Cette année, la délégation du Y20 rassemblait des profils très diversifiés : entrepreneurs japonais, chercheurs français, consultants indiens et britanniques, représentants gouvernementaux argentins… Cette diversité est une richesse. Il faut la mobiliser.
Les échanges entre jeunes doivent être ancrés dans l’action : encourager les investissements transnationaux portés par des jeunes entrepreneurs, favoriser la coopération scientifique internationale et connecter les ressources au-delà des frontières. En dynamisant ces réseaux, la jeunesse mondiale peut transformer sa coopération en actions tangibles, accélérant ainsi l’agenda du développement durable.
Bien que le Sommet du Y20 ne se soit pas conclu par un communiqué commun, en raison de facteurs extérieurs, l’ambiance est restée très positive. Sur les enjeux climatiques et de développement durable, les jeunes ont fait preuve d’unité et d’un engagement sincère. Loin de refléter une fracture, cette absence a révélé, dans un contexte de tensions géopolitiques, une solidarité juvénile plus forte que jamais.