2016-01-12 |
Un oeil dans le ciel |
par Sudeshna Sarkar | VOL.8 JANVIER 2016 |
Mots-clés: nature ; écotourisme ; Afrique |
COURTESY PHOTO
C’est le jour J pour la petite Kiara et son excitation est palpable...ce n’est pas tout à fait ce que ses dresseurs avaient espéré. Cette femelle chimpanzé de 11 mois, élevée en captivité à Johannesburg, doit apprendre à chasser par elle-même avant de pouvoir être relâchée dans la nature. Au lieu de chasser sa proie, elle est cependant plus intéressée par le drone qui la survole et filme l’exercice. Sur la vidéo, on peut la voir bondir sans arrêt et viser en vain l’intrus vrombissant avec ses petites pattes.
Protéger la nature
Earl Smith est le fondateur de Volunteer Southern Africa (VSA), une agence d’écotourisme basée à Johannesburg. Il décrit son projet « Living With Cheetahs » : « Les chimpanzés sont menacés d’extinction. Ils se font tirer dessus ou empoisonner par certains fermiers, qui veulent protéger leur bétail. Ils sont également menacés par les chasseurs et par le développement, qui rogne sur leurs territoires. Ce projet consiste à élever des chimpanzés et à leur apprendre à chasser et à survivre par eux-mêmes. »
Les véhicules aériens sans pilote - ou drones - sont un atout pour photographier la nature vue du ciel. Ils sont utilisés à travers le continent, particulièrement par les agences d’écotourisme spécialisées dans les safaris.
Ben Kreimer est un Américain de 26 ans, diplômé du Drone Journalism Lab de l’Université du Nebraska à Lincoln, qui a travaillé avec des entreprises de tourisme dans toute l’Afrique : « J’ai travaillé au Botswana pour filmer le delta de l’Okavango, en Zambie le long du fleuve Zambèze et dans le parc naturel OL Pejeta Conservancy au Kenya. En Éthiopie, nous avons aussi filmé les églises creusées dans le roc de Lalibela, classées à l’UNESCO. »
Au-delà de la photographie aérienne, les drones peuvent avoir leur utilité dans la préservation de la nature, notamment pour aider à combattre le braconnage.
Il y a trois ans, le Daily Telegraph décrivait dans un article comment l’organisation sud-africaine Endangered Wildlife Trust utilisait un drone pour guetter les braconniers du rhinocéros dans le parc national Kruger : le drone survole la brousse avec une caméra embarquée. Lorsqu’une tâche blanche apparaît à l’écran, le drone se rapproche pour avoir une meilleure vue et s’il s’agit d’un braconnier, une alarme alerte des gardes armés.
VSA serait en pourparlers avec une entreprise américaine de logiciels pour drones, afin de surveiller les réserves d’animaux sauvages : « Le projet en est encore à la phase pilote et concernera tout d’abord les éléphants. Un drone filmera des éléphants et les enregistrements serviront à montrer au logiciel à quoi ressemble un éléphant vu du ciel. Ce logiciel détectera lorsque des personnes se rapprocheront des éléphants et permettra d’alerter les autorités d’une situation potentielle de braconnage. »
Élargir le champ de vision
Dickens Olewe a reçu la bourse Knight pour le journalisme de la Stanford University. Lors des inondations de 2012 au Kenya, il avait 32 ans et était responsable des contenus numériques au journal Star à Nairobi. La crue atteignait les toits des maisons et il y avait aussi eu des glissements de terrain. Il fut frappé de la façon dont les reporters tentaient de couvrir la catastrophe : « Ils engageaient des pêcheurs locaux, qui les emmenaient sur des petits bateaux de pêche aussi près que possible des maisons submergées. Lorsqu’un survol des zones submergées en hélicoptères de police fut organisé pour les journalistes, j’ai senti que l’indépendance éditoriale était en jeu. Lorsque vous couvrez une inondation, vous essayez aussi de voir comment le gouvernement gère cette crise. Si vous faites vos sorties avec eux, votre reportage ne peut pas être impartial. »
Il s’est alors rendu compte du potentiel des drones : moins chers, plus sûrs et donnant une meilleure idée de l’étendue d’un désastre. Lorsque que l’Initiative médiatique africaine, une organisation panafricaine, dont le siège se trouve à Nairobi, lança le Challenge de l’innovation de la presse africaine pour encourager les journalistes des nouveaux médias à trouver des solutions innovantes, M. Olewe proposa une approche aérienne, impliquant l’utilisation de drones, mais également de ballons équipés de caméras. Son projet African SkyCAM figura parmi les 20 projets gagnants choisis pour être financés.
M. Olewe n’avait aucune expérience avec les drones et cherchait quelqu’un qui puisse lui enseigner, lorsqu’un ami lui présenta Ben Kreimer. Celui-ci travaillait sur un projet de drone en Inde, mais il rencontra Dickens Olewe sur Internet puis vint à sa rencontre à Nairobi.
« J’ai acheté le drone en ligne pour environ 800 dollars », explique M. Kreimer. L’un de leurs reportages porta sur la décharge Dandora près de Nairobi, qui reçoit plus de 850 tonnes d’ordures quotidiennement. En 2001, les autorités avaient déclaré que sa capacité maximale était atteinte, mais la décharge avait continué à être utilisée.
Pour M. Kreimer, il s’agit d’une histoire sur les plus de 10 000 personnes, qui survivent dans cet endroit en fouillant dans les ordures. Il s’agissait également d’exprimer certaines inquiétudes par rapport à la sécurité. Beaucoup d’entreprises pharmaceutiques jetaient leurs déchets chimiques là-bas et Dandora était en train de devenir un enjeu de santé publique pour la ville. « En faisant une vidéo aérienne et une reconstruction en 3D de la décharge, nous pouvions donner une idée de son ampleur. »
M. Olewe ajoute : « Il existe plusieurs domaines dans lesquels les drones peuvent être utilisés. L’Afrique est une terre de grands espaces. En utilisant des drones, les paysans pourraient surveiller leurs cultures et le gouvernement pourrait récolter des données sur la pollution ou les catastrophes naturelles. Les drones pourraient aussi être utilisés pour des services d’urgence et des opérations de sauvetage. »
La Nigerian National Petroleum Corporation prévoirait de déployer des drones pour surveiller ses pétroliers et prévenir le vol. La quantité détournée régulièrement est estimée à près de 100 000 barils, soit environ 5 % de la production quotidienne de pétrole au Nigéria. Le pays commence également à intégrer les drones dans ses mesures contre le terrorisme.
La même année, le Sudan Tribune rapporte que l’Éthiopie a également construit son premier drone, dont l’objectif consiste à réaliser des missions militaires, comme le contrôle de sécurité aux frontières, les relevés géophysiques, ainsi que l’observation des feux de forêt et autres catastrophes naturelles.
Le consortium Red Line Flying Robot a lancé un projet ambitieux de routes aériennes pour acheminer les marchandises par drone et connecter les villes et les villages. Cette année, l’un de ses premiers usages serait de transporter le sang des banques de sang jusqu’aux cliniques. Pour 2020, l’objectif serait d’avoir un drone plus important pouvant transporter des chargements de 20 kg ou plus sur plusieurs centaines de kilomètres.
Zones d’exclusion aérienne
Malgré ce potentiel, plusieurs pays ont cependant interdit l’utilisation de drones, au moins jusqu’à ce qu’une réglementation ait été mise en place pour contrôler leur utilisation.
« Il faut désormais un permis pour faire voler des drones en Afrique du Sud, explique Earl Smith. Il s’agit de réguler le vol et l’utilisation des drones, ce qui ne peut être qu’une bonne chose. Tout pilote souhaitant faire voler un drone doit ainsi avoir le permis adéquat. »
Pour Wilderness Safaris, un opérateur en écotourisme originaire du Botswana et opérant dans huit pays à travers le continent, les drones peuvent être bénéfiques mais une utilisation non-éthique « peut conduire notamment à des niveaux de perturbation inacceptables de la faune ».
Grant Woodrow, le directeur général de son agence au Botswana, explique : « Nous avons décidé d’interdire cette activité dans nos concessions au Botswana, au Congo, au Malawi, en Namibie, en Afrique du Sud, en Zambie et au Zimbabwe ».
Le gouvernement kenyan a interdit l’utilisation de drones en janvier 2015, mais Dickens Olewe pense qu’au lieu d’une interdiction totale, le gouvernement et les acteurs de l’industrie devraient réfléchir ensemble à la façon dont l’industrie pourrait être régulée.
Cette année, il souhaite mettre en place à Nairobi une conférence similaire avec des membres du gouvernement, afin de plaider en faveur d’une utilisation contrôlée des drones. En cas d’échec, il tentera de trouver une affectation avec l’Université du Kenya pour faire de la recherche, afin de persuader les autorités de donner un nouveau souffle à son projet African SkyCAM.
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