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Afrique
  2016-04-12
 

Le pétrole africain

par Aggrey Mutambo | VOL.8 AVRIL 2016 CHINAFRIQUE
Mots-clés: pétrole; Afrique

 

Les investissements dans le secteur pétrolier peuvent bénéficier à l’Afrique sur le long-terme

Jusqu’en 2011, la région aride du district de Turkana au Kenya était surtout connue pour sa population en état de malnutrition mendiant sa nourriture, les vols violents de bétail et ses pistes qui faisaient office de routes. Puis on y a découvert du pétrole. Pour les quelque 855 000 habitants de cette région du nord-ouest du Kenya, les signes d’amélioration de leurs conditions de vie sont devenus alors plus visibles quand Tullow Oil – une multinationale du gaz et du pétrole basée à Londres – a annoncé la découverte de gisements estimés à 300 millions de barils. « La découverte de pétrole dans la région va avoir de nombreuses retombées sur l’économie », expliquait Josphat Nanok, le gouverneur du district de Turkana, à un groupe de journalistes en décembre dernier.  

Les prospections pétrolières avaient pourtant commencé au Kenya en 1937, mais sans succès. Il aura fallu attendre 2015 pour que le gouvernement kenyan annonce que la production pourrait commencer fin 2016, avant que la société Tullow Oil ne fasse savoir que les premiers barils seront livrés d’ici à 2020. « Nous devrions assister à la croissance très rapide des villes ici [à Turkana] en raison des activités économiques générées par la production de pétrole », explique M. Nanok.  

 

Manne pétrolière en Afrique de l’Est 

Grâce aux découvertes qui ont suivies – un autre gisement à Turkana par la société canadienne Africa Oil et le long du littoral sud du pays par la société australienne Pancontinental – le ministère kenyan de l’Énergie et du Pétrole a annoncé que le pays possédait maintenant des réserves s’élevant à plus d’un million de barils, dont 600 millions pour le seul district de Turkana. Le Kenya a donc rejoint le club des nouveaux pays producteurs de pétrole ou de gaz d’Afrique avec le Ghana, la Tanzanie, le Mozambique et l’Ouganda, avec des réserves de pétrole et de gaz cumulées estimées de 237 milliards de barils.   

En Ouganda, on a assisté à une euphorie similaire après la découverte d’un gisement dans le bassin du rift Albertin en 2006. Le ministre ougandais de l’Énergie et du Développement des minerais avait déclaré qu’il y avait 6,5 milliards de barils, faisant des réserves du pays les 4e plus importantes d’Afrique subsaharienne. En 2011, Tullow Oil, le Français Total et le Chinois China National Offshore Oil Corp. (CNOOC) ont signé des accords avec le gouvernement ougandais pour installer une raffinerie et un oléoduc pour une production de brut prévue à partir de 2018.   

 

L’impact de la chute du cours du brut  

Quand le cours du brut a entamé sa chute, passant de plus de 100 dollars à 25 dollars en février 2016, la réaction des sociétés pétrolières n’a pas tardé. « Certaines sociétés ont suspendu leurs opérations et leurs investissements quand le secteur a chuté, de crainte que des cours trop bas ne puissent couvrir les coûts », résumait Kwame Owino, PDG de l’Institut des affaires économiques, un groupe de réflexion en politique publique, à Nairobi en janvier dernier, alors que le cours du brut atteignait 30 dollars.  

Quelle est la raison de cette chute des cours ? L’Organisation des pays producteurs de pétrole (Opep) – une organisation basée à Vienne qui regroupe 13 membres représentant 40 % de la production mondiale de pétrole – estime qu’il existe une surabondance de pétrole sur les marchés, causée par les pays non-membres. « Jusqu’en 2015, toute la croissance de l’offre depuis 2008 était le fait de pays qui n’appartiennent pas à l’Opep. Entre 2008 et 2014, la croissance générale hors Opep était de plus de 6 millions de barils par jour, alors qu’il y a eu une contraction pour l’Opep », expliquait Abdalla Salem El-Badri, secrétaire-général de l’Opep, lors d’une conférence sur le pétrole à Londres en février. 

 

Une lueur d’espoir dans la tempête  

Les économistes estiment cependant que la chute des cours ne devrait pas avoir de conséquences sur la prospection. « La baisse des cours n’est pas une raison pour que les sociétés cessent toute prospection. Dans les nouvelles frontières pétrolières comme en Afrique de l’Est, où des pays tels que le Kenya et l’Ouganda ont découvert des gisements massifs de brut, les découvertes signifient que malgré les cours en baisse les sociétés de prospection doivent investir dans les infrastructures initiales afférentes », précise à CHINAFRIQUE Bernard Ayieko, économiste et commentateur spécialisé dans les investissements en Afrique.   

Si la chute des cours est une bonne nouvelle pour les consommateurs, qu’en est-il pour des pays comme le Kenya, l’Ouganda et le Ghana qui rêvent que rejoindre le club des gros producteurs de pétrole ? Qu’est-ce que cela signifie pour ceux dans le club des grands, dont l’économie dépend des revenus du pétrole, comme la Guinée équatoriale et l’Angola ? L’Afrique compte 19 pays dont la production pétrolière est significative et dont l’économie dépend des exportations de pétrole.   

Au Kenya et en Ouganda, pour que les initiatives de prospection aboutissent, le brut doit atteindre 50 dollars. Au Soudan du Sud, où selon la Banque mondiale, la production quotidienne atteint 165 000 barils, le pays n’en bénéficie que si le cours est nettement supérieur à 25 dollars, soit les frais d’utilisation de l’oléoduc qui traverse le Soudan. « La commercialisation mondiale du pétrole et du gaz demeurera difficile à moins que la surproduction ne soit contenue et que les prix ne se raffermissent », constate George Wachira, directeur de la société-conseil Petroleum Focus Consultants, basée à Nairobi. Il estime que les cours actuels rendent difficilement viables de nombreux projets dans le secteur pétrolier et gazier.  

  

Ajuster la production pétrolière  

Les économistes conseillent aux gouvernements et aux sociétés pétrolières de procéder à certains ajustements. Une des modalités est de cesser les activités d’extraction.  

Dans son analyse stratégique pour 2016, publiée en janvier dernier, la CNOOC a fait savoir qu’elle « continuera à réduire les coûts et accroître l’efficacité et se concentrera sur les recettes en équilibrant les bénéfices à court terme et le développement à long terme ». La CNOOC fonde ses analyses sur une estimation de l’indice de référence du Brent et du West Texas Intermediate, qui pourrait atteindre 70 dollars le baril d’ici à 2019. La société chinoise, qui effectue 51 % de ses activités à l’étranger, a fait savoir qu’elle avait réduit ses budgets de prospection, de développement et de production pour les faire passer de 107 milliards de yuans (16,47 milliards de dollars) en 2014 à moins de 57,4 milliards de yuans (8,8 milliards de dollars) en 2016.   

Tullow doit mener à bien dans les délais impartis des contrats de prospection signés avec le gouvernement. La société va se concentrer cette année sur les économies de coûts de forage en attendant que les cours du brut augmentent. « En 2016, notre préoccupation sera de reconstituer et de retrouver des opportunités de prospection pour un développement futur », a -t-il fait savoir.   

Selon M. Ayieko, les cours du pétrole ne devraient cependant pas influer sur les calendriers de production de pétrole, car les fluctuations ne durent pas longtemps. « Les prévisions à long terme semblent mauvaises, mais si on les examine sur la durée, tout semble montrer que dans les 10 prochaines années, il y aura une hausse de l’activité – une période suffisamment propice pour changer la destinée du secteur pétrolier », fait-il remarquer à CHINAFRIQUE. « L’heure sera alors venue pour que ces pays commencent à récolter pleinement les bénéfices de leurs investissements dans la production pétrolière », conclut-il. 

(Reportage du Kenya) 

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