2025-09-01 |
Aux racines du progrès |
VOL. 17 / SEPTEMBRE par GE LIJUN2025 · 2025-09-01 |
Mots-clés: économie des districts |
Un développement sur mesure pour valoriser le potentiel économique des districts chinois.
Zone d’élevage d’ormeaux en mer, dans le district de Lianjiang, province du Fujian, le 31 décembre 2024. (XINHUA)
Des briquets venus de Shaodong (Hunan) s’exportent massivement vers l’Afrique. À Anji (Zhejiang), une simple feuille de thé ou un bambou se transforme en vecteur de valeur écologique. Kunshan et Jiangyin (Jiangsu) franchissent le cap symbolique des 500 milliards de yuans (70 milliards de dollars) de PIB. Autant d’exemples révélateurs de la diversité et de la vitalité de l’économie des districts en Chine, qui s’affirme aujourd’hui comme un levier central du développement de qualité.
Maillons essentiels entre les zones urbaines et rurales, les districts représentent l’unité de base de l’économie nationale. Selon la Commission nationale du développement et de la réforme (CNDR), la Chine compte actuellement 1 866 districts et villes-districts, couvrant près de 90 % du territoire et accueillant plus de la moitié de la population résidante. À eux seuls, ils génèrent 38 % du PIB du pays.
Un rapport publié le 23 juillet par le CCID Consulting, la plus grande entreprise chinoise de recherche, de conseil et de services d’externalisation informatique, témoigne de la croissance continue de cette économie locale, dont le PIB est passé de 31 600 milliards de yuans (4 400 milliards de dollars) en 2015 à 48 300 milliards de yuans (6 726 milliards de dollars) en 2023. Parmi les 300 principaux clusters de PME reconnus au niveau national, plus d’un tiers se situent dans ces districts.
Le Rapport d’activité du gouvernement de cette année appelle à renforcer vigoureusement l’économie des districts, en valorisant les ressources locales et en stimulant l’émergence de forces productives de qualité nouvelle. Beaucoup ont su tirer parti de leurs atouts pour se forger un avantage comparatif et devenir des références à l’échelle nationale. Cette montée en gamme constitue un levier stratégique pour revitaliser les zones rurales et promouvoir la prospérité commune.
Usine de fabrication intelligente de l’entreprise Sinoboom, à Ningxiang, ville-district de la province du Hunan, le 27 septembre 2024. (XINHUA)
Spécialisation et développement en grappes
La réussite des districts repose sur leur capacité à concentrer les savoir-faire et à structurer des filières intégrées. Selon Gao Guoli, directeur du Centre de recherche sur les villes et bourgs de la CNDR, le facteur décisif réside dans le choix judicieux d’un secteur d’excellence, associé à un développement en grappes industrielles.
Le district de Xinfeng (Jiangxi) en est une parfaite illustration. Ancien bastion agricole réputé pour ses agrumes, il s’est mué en pôle de l’électronique, comptant aujourd’hui 19 entreprises cotées en Bourse. Ce tournant a été amorcé au début des années 2000, grâce au retour d’entrepreneurs locaux partis faire fortune au Guangdong. Ceux-ci ont posé les bases d’un cluster industriel de pointe, faisant de Xinfeng le premier centre de production de circuits imprimés de la province.
Autre exemple emblématique : Liyang (Jiangsu), ville-district désormais spécialisée dans la chaîne de valeur des batteries de traction. Avec plus de 70 entreprises du secteur, dont plusieurs chefs de file nationaux, elle se hisse aujourd’hui au premier rang national par la taille et la complétude de sa filière.
Certains districts ont même conquis des niches industrielles à l’échelle mondiale. Danyang (Jiangsu) produit plus de la moitié des verres ophtalmiques du globe. Jinjiang (Fujian) fabrique depuis longtemps un cinquième des chaussures de sport de la planète. Xingcheng (Liaoning) est un géant discret du maillot de bain, tandis que Caoxian (Shandong) règne sur le marché du costume de spectacle.
Pour Liu Jinxiang, chercheur au Centre de recherche sur le système théorique du socialisme à la chinoise (Heilongjiang), cette dynamique s’explique aussi par la délocalisation progressive des industries manufacturières, qui quittent les grandes villes à la recherche d’un coût de production plus bas. Les districts qui souhaitent capter cette manne doivent investir dans les infrastructures, renforcer les services, améliorer leur cadre de vie et créer un environnement favorable à l’entrepreneuriat.
C’est le cas du district de Changsha, qui tire parti du rayonnement économique du chef-lieu provincial du Hunan pour bâtir un cluster de machines de chantier de classe mondiale. Dans les zones frontalières, plusieurs districts autrefois périphériques jouent désormais un rôle central dans la « double circulation », portés par l’économie portuaire et la coopération transfrontalière, notamment au Xinjiang et au Yunnan.
Atelier de production de Han’s CNC Technology (Xinfeng), dans le district de Xinfeng, province du Jiangxi, le 22 mai 2024. (XINHUA)
Innovation et nouvelles tendances
L’innovation technologique constitue le cœur de la stratégie de nombreux districts, qui cherchent à bâtir des écosystèmes d’innovation adaptés à leur réalité locale. Comme le rappelle Fu Guirong, secrétaire du Comité du Parti communiste chinois pour la ville de Yuyao, « pour développer des forces productives de qualité nouvelle ancrées dans le local, l’innovation doit rester le moteur principal ».
L’économie numérique y joue un rôle déterminant. À Nan’an (Fujian), l’usine intelligente de la société Jomoo tourne presque sans intervention humaine : des robots assurent à eux seuls l’ensemble des opérations sur la chaîne de montage. Plus au nord, à Changle, l’entreprise Changyuan Textile a mis en place un atelier hautement automatisé, où une poignée de techniciens suffit à superviser des dizaines de machines.
Cette transformation numérique s’étend jusqu’aux rizières. À Sheyang (Jiangsu), les technologies de pointe (Internet des objets, big data, intelligence artificielle) ont été mobilisées pour optimiser la production rizicole. Le district est désormais reconnu comme un modèle national en matière de riz de qualité. Son approche intégrée de l’agriculture a même franchi les frontières : en Tanzanie, elle bénéficie aujourd’hui à des milliers de producteurs locaux.
Dans la province du Hebei, Qiuxian a fait le pari de l’e-commerce. En identifiant avec précision les produits les plus adaptés à la vente en ligne, le district insuffle un nouvel élan à ses filières locales à travers des stratégies de marketing ciblées.
Le tourisme, lui aussi, devient un levier de croissance. Des politiques publiques telles que le Plan triennal pour le commerce des districts (2023-2025) ou le lancement d’itinéraires de tourisme thématique encouragent cette dynamique, tandis que l’amélioration des transports et des infrastructures d’accueil vient renforcer l’attrait des territoires.
Certaines régions se distinguent par leur approche originale. Fanshi (Shanxi) mise sur une alliance inédite entre sport et tourisme pour stimuler la consommation locale. Anxi (Fujian), de son côté, a développé une offre autour du thé, mêlant découverte culturelle et expérience sensorielle pour séduire les visiteurs.
De la fabrication intelligente sur les littoraux à l’agriculture innovante dans les terres, en passant par les hubs de coopération transfrontalière, les districts chinois multiplient les réponses face au défi du développement de qualité. Leur effervescence témoigne de la remarquable capacité d’adaptation et de la vitalité toujours renouvelée de l’économie chinoise.
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