2024-11-12 |
Dans l'étau du climat |
VOL. 16 / NOVEMBRE 2024 par FRANÇOIS ESSOMBA · 2024-11-12 |
Mots-clés: changement climatique ; Cameroun |
L’ombre du changement climatique plane sur le berceau africain.
Le fleuve Diamaré, qui traverse Maroua, capitale de la région de l’Extrême-Nord, au Cameroun, se tarit sous l’effet du réchauffement climatique. (COURTOISIE)
Reportage du Cameroun
L’économie du Cameroun repose principalement sur le secteur agricole, avec une dépendance marquée à l’exportation de produits de rente tels que le cacao, le café, la banane, le coton et la canne à sucre. Cette réalité s’applique également à d’autres pays de la même région géographique, comme le Tchad et la République centrafricaine, qui tirent une grande partie de leurs devises de l’exportation du bétail, du coton et du tabac, entre autres. Cependant, la productivité de ces produits est aujourd’hui menacée par divers facteurs climatiques, notamment des dérèglements de température et un déficit des précipitations, affectant tant les zones sahéliennes qu’humides, où les activités agricoles peinent à atteindre les résultats escomptés.
Dans les zones humides, l’excès de précipitations provoque des inondations qui détruisent les cultures, tandis que dans les zones sahéliennes, les pâturages se raréfient, les points d’eau pour le bétail se tarissent, et les activités agricoles sont presque abandonnées. Un exemple frappant est celui de la région de
l’Extrême-Nord, au Cameroun, une zone sahélienne où les rapports météorologiques indiquent des températures atteignant des sommets de 47 °C.
Face à cette situation, les experts de l’Observatoire national camerounais du changement climatique (ONACC), sous la direction du Professeur Joseph Armathé Amougou, appellent à la vigilance en raison des risques de famine et de sécheresse. Une étude souligne l’impact socio-économique du changement climatique en Afrique. Les chercheurs de l’ONACC précisent : « En Afrique centrale, comme au Sahel, les populations subissent actuellement des températures extrêmement élevées. Au Cameroun, cette vague de chaleur se distingue par son intensité, sa durée, et le fait qu’elle touche des régions habituellement épargnées. » Ces experts alertent également sur les risques pour l’agriculture et l’élevage.
Un impact climatique alarmant
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat définit le changement climatique comme une « modification » du climat provoquée, directement ou indirectement, par les activités humaines, qui altère la composition de l’atmosphère terrestre, au-delà de la variabilité naturelle du climat observée sur des périodes comparables. Selon les experts de la Commission des forêts d’Afrique centrale (COMIFAC), une organisation intergouvernementale créée par la volonté des chefs d’État d’Afrique centrale, cette situation s’explique notamment par la conversion des zones forestières en terres arables et par la demande croissante en terres et en bois de chauffage, due à l’augmentation constante de la population.
Les études de la COMIFAC montrent également que les concentrations de CO2 ont considérablement augmenté au cours du siècle dernier par rapport aux niveaux préindustriels. Cette augmentation a conduit à une intensification des événements climatiques extrêmes, tels que les inondations, les sécheresses et les précipitations excessives, dont les effets varient selon les régions.
Le constat est clair et alarmant. « Si rien n’est fait, il faudra restaurer 1,5 milliard d’hectares de terres d’ici 2030, contre 1 milliard aujourd’hui. Les sécheresses continueront à s’intensifier, ayant déjà augmenté de près de 30 % depuis les années 2000. D’ici 2050, trois personnes sur quatre seront confrontées à des pénuries d’eau », soulignent les experts de l’ONACC.
Un champ de mil en difficulté en raison de la sécheresse persistante à Moukong, dans la région de l’Extrême-Nord, au Cameroun. (COURTOISIE)
Le rôle clé de la Chine
La contribution de la Chine est cruciale pour la mise en place de mécanismes efficaces de lutte contre les répercussions du changement climatique au Cameroun et en Afrique centrale. Les pays membres de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT), à savoir le Cameroun, le Tchad, le Nigeria, le Niger et la République centrafricaine, ont ainsi retenu la société chinoise Power Construction Corporation of China pour réaliser les travaux de transfert d’eau vers le lac Tchad. Ce projet pose d’importants défis financiers et comporte d’éventuelles conséquences environnementales.
Selon les experts en hydromécanique, le remplissage du lac Tchad se fera par le transfert des eaux de la rivière Oubangui, un affluent majeur du fleuve Congo, qui s’étend sur une superficie de 643 900 km². L’idée, particulièrement ambitieuse, consiste à creuser un canal de 2 600 km depuis la République démocratique du Congo, traversant la République centrafricaine, jusqu’au lac Tchad. Le coût global de ce projet est estimé à 14 milliards de dollars. Cette réalisation de grande envergure permettra de sauver les 40 millions de personnes dépendant de ce lac, situé à la frontière entre la bande sahélienne et la zone forestière du bassin du Congo en Afrique centrale.
En plus de son apport technologique significatif pour ce projet titanesque visant à freiner la désertification dans la région concernée, la Chine pourrait également contribuer financièrement aux 14 milliards de dollars nécessaires pour soutenir les États membres de la CBLT. Par ailleurs, la Chine appuie les États dans leurs efforts de reforestation pour lutter contre l’avancée du désert. Le ravitaillement en eau du bassin du lac Tchad ouvrirait d’importantes opportunités non seulement pour les pays du bassin, mais également pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.
Une action climatique continentale
Dans leur lutte contre le changement climatique, les gouvernements des pays africains ont signé un accord continental visant à aborder la mobilité climatique. À cet effet, les ministres de toute l’Afrique ont adopté la Déclaration ministérielle de Kampala sur la migration, l’environnement et le changement climatique, désormais étendue à l’échelle du continent. Ces engagements sont essentiels pour assurer la paix et la prospérité, ainsi que pour préserver les merveilles naturelles uniques de l’Afrique, telles que le Nil, le plus long fleuve du monde, la forêt tropicale du Congo, la deuxième plus grande de la planète, et la biodiversité unique du continent.
Alors que les impacts du changement climatique se font de plus en plus ressentir à travers l’Afrique, les pays du continent se placent à l’avant-garde de l’action climatique. Comme d’autres nations africaines, les pays d’Afrique centrale se sont engagés dans la lutte contre le changement climatique en ratifiant et en adhérant aux conventions internationales, en mettant en œuvre des plans politiques d’adaptation et d’atténuation, et en adoptant des lois sur la protection de l’environnement et des réglementations sectorielles spécifiques.
La majorité de ces pays ont révisé leurs Contributions déterminées au niveau national conformément à l’Accord de Paris de 2015, ainsi qu’aux exigences de la COP26 à Glasgow au Royaume-Uni en 2021 et de la COP27 en Égypte en 2022. Bien que ces pays contribuent très peu aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, ils subissent de manière disproportionnée les conséquences du changement climatique, notamment l’augmentation des températures et l’élévation du niveau de la mer dans le Golfe de Guinée.
Reportage du Cameroun
Imprimer
|
|