2025-05-06 |
Semer pour grandir |
VOL. 17 / MAI 2025 par KAFUI TSEKPO · 2025-05-06 |
Mots-clés: revitalisation rurale ; élimination de la pauvreté |
La coopération avec la Chine, un catalyseur pour l’agriculture africaine.
Kafui Tsekpo, vice-président de l’Association des petits exploitants agricoles sino-africains au Ghana. (COURTOISIE)
La coopération agricole entre la Chine et l’Afrique recèle un potentiel de transformation immense en matière de réduction de la pauvreté et de développement rural. Au milieu du XXe siècle, la Chine et l’Afrique partageaient un niveau de développement similaire. Mais la réussite chinoise dans l’éradication de l’extrême pauvreté offre aujourd’hui des enseignements précieux à un continent où l’agriculture demeure la pierre angulaire du développement économique.
L’agriculture n’est pas seulement un secteur voué à nourrir les populations ; elle est aussi le socle de l’industrialisation. C’est ce levier qui a permis à des pays comme la Chine d’asseoir leur puissance économique. L’Afrique, avec son vaste potentiel agricole, des cultures commerciales aux denrées de base, dispose des ressources nécessaires pour atteindre la sécurité alimentaire tout en dynamisant son industrie manufacturière. Pourtant, des décennies de politiques déséquilibrées ont marginalisé les petits exploitants agricoles, aggravant les inégalités. Pour surmonter les crises écologiques et économiques, l’Afrique doit impérativement revitaliser son agriculture, en misant sur des politiques localisées, adaptées aux réalités et aux cultures de chaque pays.
S’inspirer du modèle chinois
L’expérience chinoise montre que le développement rural commence par la garantie de l’autosuffisance alimentaire, bien avant la commercialisation de l’agriculture. Cela suppose de tisser des synergies entre petits producteurs et agro-industries. Ainsi, les sous-produits de l’élevage peuvent alimenter les usines de transformation, tandis que le fumier vient enrichir les terres cultivées – une forme d’économie circulaire que la Chine maîtrise à la perfection. De tels enchaînements productifs exigent cependant des cadres politiques capables d’intégrer les écosystèmes locaux, plutôt que de plaquer des modèles venus d’ailleurs.
S’il faut encourager les transferts de technologies, l’enjeu n’est pas d’imiter, mais d’adapter. Des outils simples, comme des applications de prévision météo ou des semences résistantes à la sécheresse, peuvent transformer le quotidien d’agriculteurs vivant dans des régions arides comme le nord de l’Ouganda ou le Turkana au Kenya. Mais les solutions doivent épouser la diversité des paysages culturels du continent. On ne peut imposer ni les valeurs chinoises, ni les normes européennes : le développement doit respecter les fondements culturels de chaque communauté. La réussite de la Chine repose sur l’exploitation de ses propres spécificités, conjuguée à une ouverture stratégique. Elle prouve qu’un modèle de développement peut s’aligner sur les valeurs locales. L’Afrique, forte de ses innombrables groupes ethniques, gagnerait à puiser dans ses propres traditions, au lieu d’importer des modèles exogènes.
Des raisons d’être optimiste
Malgré des défis persistants – accès limité aux marchés, chocs climatiques, manque de financement pour la recherche –, les petits exploitants africains restent remarquablement résilients. La coopération sino-africaine devrait reposer sur deux piliers : un partenariat technique, inspiré de l’expérience chinoise en matière d’agriculture, et une approche écologique ancrée dans les réalités locales, mobilisant ressources et technologies adaptées.
Les synergies politiques sont également essentielles. Les États africains doivent renforcer les liens entre agriculture et industries connexes, comme une usine de viande pouvant être alimentée par une plantation de canne à sucre, dont les résidus serviraient à l’agriculture.
Piliers de l’Afrique rurale, les petits exploitants ont un savoir-faire riche mais peu de moyens. Les institutions de recherche du continent doivent les placer au cœur de leur action, et la
coopération avec la Chine doit veiller à ce qu’ils aient accès aux innovations les plus pertinentes.
En conclusion, l’Afrique a beaucoup à tirer de l’expérience chinoise en matière de développement agricole. En investissant intelligemment dans ce secteur, en renforçant les synergies et en recourant à des technologies appropriées, le continent peut non seulement accroître son PIB, mais aussi assurer sa sécurité alimentaire et réduire durablement la pauvreté.
L’auteur est vice-président de l’Association des petits exploitants agricoles sino-africains, au Ghana.
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